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Le patrimoine urbain colonial du bassin minier de Gafsa (sud tunisien). L’urgence d’une reconnaissance et d’une mise en valeur : cas du Filej de Redeyef
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Pour chaque nation, le patrimoine urbain représente un élément fondamental de la mémoire collective. De nos jours, la mise en valeur du patrimoine dépasse l’approche quasi-sacrée, qui s’est perpétuée durant des décennies, pour devenir un créneau de développement culturel et touristique. En Tunisie, la sauvegarde du riche patrimoine national est aujourd’hui un sujet d’actualité urgent. Si la patrimonialisation permet de garder des éléments témoins de l’histoire des Tunisiens, elle permet aussi de promouvoir le développement en particulier dans des régions souvent déshéritées.
Des efforts existent pour valoriser le patrimoine tunisien quelle que soit sa nature ou sa situation géographique. Toutefois, les résultats restent au-dessous des intentions et de nombreuses richesses patrimoniales demeurent mal valorisées voire ignorées malgré la valeur qu’elles renferment. C’est le cas du patrimoine urbain colonial de la ville minière de Redeyef (El-Filej) au sud-ouest tunisien qui a connu d’importantes altérations suite aux désintérêts et à la défaillance des autorités et des nouveaux habitants en matière de valorisation du patrimoine et à la pression démographique qui rend d’autant plus vulnérables des espaces urbains historiques.
Abstract
Urban heritage represents a fundamental element of a nation’s collective memory. Nowadays, the value of a nation’s heritage has exceeded the nearly-sacred long established aspect to become a cultural and touristic development niche. In Tunisia, the preservation of the rich national heritage is an urgent topical issue. If this preservation allows the keeping of indicial elements of the history of Tunisians it also promotes development, especially in marginalized areas.
Considerable efforts are made to valorize Tunisian heritage regardless of its nature or geographical location. Yet, results remain below the desired leveland many heritage riches remain undervalued and even neglected despite their potential value. This is the case of the colonial urban heritage of the mining town of Redeyef (El Filej) in southwestern Tunisia, which has experienced significant alterations due to the lack of interest and failure of authorities and new inhabitants regarding heritage and the demographic pressure that makes historic urban spaces increasingly vulnerable.
Tabla de contenidos
Introduction
1La mise en exploitation des gisements de phosphate dans la région de Gafsa (Sud-Ouest Tunisien) dès la fin du XIXe siècle a constitué un facteur décisif de l’apparition de villages miniers (Redeyef, Metlaoui, Moularès et Mdhilla) qui ont évolué au cours du XXe siècle en villes minières. Ces noyaux urbains se constituaient essentiellement des habitations des responsables et ouvriers français et européens de la société d’exploitation minière de Gafsa. Il s’agissait d’une architecture conçue à l’européenne. C’était un fait nouveau sur le plan urbain et architectural, totalement en contraste avec l’aspect bédouin jusque-là dominant à l’ouest et au sud de Gafsa.
2Quelles sont les raisons qui expliquent que cet héritage est dans une si mauvaise situation ? Comment les politiques d’aménagement urbain et les lois relatives au patrimoine pourraient-elles protéger cet héritage ? Et quelle est la réaction de la société civile ? L’intégration d’un tel héritage dans la dynamique d’un tourisme durable dans la région du sud-ouest tunisien est-elle la bonne voie pour le sauvegarder non seulement entant que symbole identitaire mais aussi en tant que pilier de développement ?
3Pour appréhender ces interrogations nous adopterons une démarche qui s’articule autour de trois chapitres. D’abord, nous présenterons notre démarche méthodologique, y compris les notions de base, ensuite nous présenterons le bâti urbain, objet de notre étude, et nous aborderons les grands défis auxquels il doit faire face, surtout depuis la révolution de 2011. Enfin, nous achèverons l’étude par présenter un ensemble de recommandations en vue de protéger ce patrimoine et de le valoriser au profit d’un développement touristique durable dans une région présaharienne où la population souffre de nombreux problèmes socio-économiques.
I. Zone d’étude, déterminants de base et principaux objectifs
A. Zone d’étude : du nomadisme à la sédentarisation
4La zone d’étude fait partie du gouvernorat de Gafsa, l’un des trois gouvernorats de la région du sud-ouest de la Tunisie. Elle s’étend sur quatre délégations à l’ouest et au sud du gouvernorat : Redeyef, Moulares, Metlaoui et Mdhilla, lesquelles délégations qui constituent aujourd’hui le bassin minier de Gafsa. Elle compte 107.928habitants, soit 32 % de l’ensemble du gouvernorat de Gafsa (INS 2014). C’est une zone caractérisée par la prédominance du climat méditerranéen à variantes arides et semi-arides à dominantes continentales. Les précipitations n’y dépassent pas les 200mm en moyenne par an. Elle était occupée par une population semi-nomade qui pratiquait le pastoralisme et la céréaliculture extensive saisonnière.
5à la fin du XIXe siècle et plus particulièrement en 1885/86 lors d’une prospection dans la région de Metlaoui , le vétérinaire et géologue français Philippe Thomas a découvert la présence du minerai de phosphate sur le versant nord de jebel Thelja. Cette découverte, quatre ans après l’établissement du « protectorat français », va bouleverser radicalement le genre de vie de la population autochtone.
6Suite à la mise en exploitation du minerai de phosphates, débutait un processus de transformations de l’espace local/et régional (Chandoul, 1994). La Compagnie française du phosphate et du chemin de fer de Gafsa -ultérieurement la compagnie du phosphate de Gafsa (CPG)-, principal acteur en la matière, commençait à mettre en valeur les gisements. Elle a tout d’abord mis en place l’infrastructure nécessaire et a commencé par aménager les axes de communication dont le chemin de fer Gafsa-Sfax, a tracé les pistes, amené l’eau et l’électricité (MEHAT, 2001). à noter que la première mise en exécution d’extraction phosphatée a été réalisée dans le centre minier de Metlaoui en 1889, puis dans celui de Redeyef en 1903, Moularès en1904 et enfin à Mdhilla en 1920 (Figure 1).
Figure 1. Situation des villes minières du bassin phosphaté de Gafsa
7Sur le plan urbain, cette mise en exploitation industrielle a donné naissance à l’émergence de quatre cités urbaines qui vont constituer le support de quatre villes minières abritant aujourd’hui 97.420 citadins (INS, 2014). Ainsi, le mode de vie agropastoral précolonial a été complètement transformé. L’architecture des quatre cités européennes se distingue totalement des contrées environnantes. Eu égard à sa valeur historique, à sa conception particulière, à son effet direct sur le mode de vie précolonial mais surtout aux menaces qui pèsent sur sa durabilité, ce patrimoine urbain nécessiterait non seulement des actions en vue de sa conservation mais également une mise en valeur de ce patrimoine entant que vecteur de développement régional durable. Cette diversification économique vers le tourisme serait particulièrement bienvenue dans une région se basant presque uniquement sur une activité phosphatique, paralysée depuis 2011, et affichant un taux de chômage des plus élevé du pays, soit 26,2 % contre une moyenne nationale de 14,8 % (INS 2014). Mais pour que cette idée soit convaincante, des clarifications en termes conceptuel et en termes d’objectifs et d’outils sont indispensables.
B. Déterminants de base : paires-conceptuelles
1. Patrimoine-géographie
8L’élargissement de la notion de patrimoine fait que l’intérêt porté à ce domaine par les chercheurs et spécialistes de disciplines diverses dont la géographie, se multiplie. « C’est cet élargissement de la notion de patrimoine, de l’objet au site et jusqu’au paysage et au territoire, objets éminemment géographiques, qui a donné sa place au géographe dans ces travaux. Aux côtés des archéologues, des historiens, des sociologues, etc., il peut ainsi intégrer la notion de patrimoine dans l’étude des territoires et de leur recomposition. Les objets industriels, puis les bâtiments et, au-delà, les sites et les paysages, entrent dans cette définition du patrimoine à condition qu’on leur reconnaisse un intérêt particulier pour la société » (Edelblutte, 2008).
9Aussi le patrimoine est-il une notion fluctuante « vivante et évolutive » (Andrieux, 1997), ou encore« un concept nomade », selon Françoise Choay (1992). Si La recherche géographique en bénéficie, c’est par l’élargissement de son champ d’étude qui recouvrait des objets étant jusque-là quasi confinés à d’autres disciplines, et aussi car le champ patrimonial (ou à patrimonialiser) tend à « une extension spatiale des valeurs patrimoniales initialement réduites à des objets, à des bâtiments et à des lieux de taille réduite …. Désormais, des espaces toujours plus vastes et étendus revêtent un caractère patrimonial » (DiMéo, 2007). Toutefois, dans de nombreux pays, des formes de bâti colonial architectural qui mériteraient d’être patrimonialisées comme les édifices et constructions des villes minières demeurent non valorisées et hors processus de patrimonialisation.
2. Patrimonialisation-développement local
10Avec l’évolution de la notion du patrimoine, de la politique de la mise en valeur de ce dernier et de la généralisation de la patrimonialisation, la valeur patrimoniale revêt désormais un sens économique grandissant. L’objectif de la patrimonialisation n’est plus uniquement symbolique (historique, culturel) comme ce fut le cas jusqu’au début du XXe siècle. Il est également socio-économique : « L’étroite imbrication existante entre le processus de patrimonialisation et sa nature d’une part, et les réalités économiques et sociales du territoire considéré d’autre part, invite à mettre l’accent sur l’impact de la patrimonialisation sur le développement économique local à travers le rôle décisif du facteur humain qui lui est lié et de ses effets d’entraînement économique » (Vernieres (sous dir), 2011).
11Des effets qui, selon Xavier Greffe (1990), se concrétisent par la régénération de réseaux de flux économiques tout au long du processus de patrimonialisation ; plus encore avec une politique de patrimonialisation efficace, on peut gagner un vrai pilier de développement local « … comme tout bien, le patrimoine a une valeur en tant que ressource, susceptible de contribuer au développement du territoire qui l’a engendrée » (Vernieres, 2012). Le tourisme, notamment, est par nature l’activité la plus apte à bénéficier du patrimoine et à le mobiliser au profit du développement des territoires.
12C’est ce qui explique l’importance que donne la Charte Lanzarote1 au secteur touristique, lorsqu’il recommande que « les activités touristiques doivent pleinement s’intégrer dans l’économie locale et contribuer de manière positive au développement économique local ».
3. Patrimoine/Patrimonialisation-tourisme durable
13Entre Patrimoine et tourisme (durable), il existe une relation d’interaction et de réciprocité. Si le patrimoine constituait depuis des années l’un des piliers forts du tourisme et contribuait à sa diversification et à son expansion, le tourisme quant à lui (en particulier le tourisme durable) devrait permettre de "revaloriser le patrimoine (matériel et immatériel)"2, aider à le sauvegarder, à le conserver, à le patrimonialiser et finalement à assurer sa durabilité. Ainsi, Le tourisme durable peut être défini comme:« Un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil. »3. Mais dans un climat d’indifférence remarquable, l’ensemble de ses objectifs ne peut être atteint sans une grande vivacité des instances locales.
4. Développement local-Acteurs
14Pour qu’un objet soit finalement patrimonialisé et sujet à être mobilisé en matière de développement (local), un effort considérable doit être fourni par divers acteurs « l’impact du patrimoine sur le développement local dépend largement de la capacité des autorités publiques locales à agir de façon coordonnée entre elles et avec les autres acteurs » (Vernieres (sous dir), 2011).Parmi ces derniers, on peut citer les autorités publiques régionales (conseils des gouvernorats en Tunisie, les commissariats régionaux de culture, …) et centrales (ministères de la culture, d’équipement et de l’intérieur), internationales (UNESCO, Banque Mondiale, PNUD …) mais également les individus qui peuvent participer en matière de préservation, sensibilisation et valorisation de tout élément patrimonial «le processus de patrimonialisation d’un territoire impose à la population de modifier son regard sur son environnement, et l’oblige à une réflexion sur sa propre histoire ainsi que sur la place à donner au passé » (Ortar, 2002). Toutefois, cette action positive n’est pas toujours assurée4 d’où l’importance de la coordination entre ces individus (la population locale)et les« médiateurs » (Leniaud, 1992) dont surtout les élus locaux, les associations de protection du patrimoine, les architectes et les bureaux d’étude…
C. Objectifs et Outils de travail
15À travers l’analyse de l’histoire récente de Redeyef “El-Filej”, la recherche montre les particularités et l’intérêt patrimonial de ces quartiers miniers à architecture coloniale avant de pointer les nombreuses atteintes à l’intégrité de ceux-ci et de chercher à comprendre les mécanismes de ces détériorations pour finalement proposer des recommandations et des possibilités de valorisation. Le cas du bâti architectural colonial des villes minières du Sud-Ouest tunisien permet de décrire une situation où les différents acteurs n’assument pas, soit partiellement ou entièrement, leur responsabilité envers le potentiel patrimonial. Le présent travail vise, d’abord, à identifier la nature et l’ampleur des différents abus aux dépens du bâti colonial.
16Par ailleurs, il s’assigne comme objectifs d’affirmer ou d’infirmer différentes hypothèses que nous formulons comme suit : Ces abus sont en rapport avec le délicat problème foncier lié à la pression démographique au niveau du « centre » de Redeyef. Ces abus résultent de l’indifférence et/ou de la faiblesse des différents acteurs locaux (autorités publiques, habitants, CPG), et/ou de la déficience des politiques d’aménagement urbain et de la législation qui ont sous-estimé l’importance d’un tel bâti architectural colonial comme vecteur de développement local. Ces abus sont la conséquence de l’échec du système éducatif et du rôle des organismes de la société civile à instruire le citoyen en matière de protection et de défense des biens collectifs (même en cas d’absence des organismes de dissuasion. Ces abus sont la confirmation que certains acteurs considèrent que ce bâti n’est qu’une mémorisation d’une phase de domination coloniale qu’il serait légitime d’effacer.
17Enfin, ce travail tend à suggérer quelques idées (propositions) pour la valorisation du bâti architecturel colonial et d’en faire le catalyseur d’un tourisme durable.
18Pour atteindre ces objectifs, notre travail s’est appuyé sur une recherche documentaire approfondie et sur un ensemble d’outils dont un constat personnel direct auprès du bâti architectural des villes minières de Gafsa, un support photographique et cartographique et une enquête par questionnaire auprès de la population en place, en particulier dans le centre de la ville de Redeyef en tant que cas d’étude.
19Cette enquête, qui s’est déroulée en 2014 dans un climat d’insécurité largement répandu depuis 2011, comportait deux volets : un questionnaire et un ensemble d’entretiens semi-directifs. Le questionnaire a touché une vingtaine d’enquêtés d’El-Filej. Il porte sur les origines géographiques, l’âge, la profession …et les raisons qui les ont incités d’abord à résider au Filej puis à faire des modifications au niveau du bâti d’origine.
20Les douze entretiens semi-directifs interrogeaient principalement des anciens résidents de la ville de Redeyef, en particulier des alentours d’El-Filej et du souk (marché) de la ville. Ces entretiens portent en priorité sur l’avis des interviewés au sujet des modifications partielles et/ou totales dont El-Filej fait l’objet.
II. Le patrimoine urbain colonial de la genèse au délabrement, cas du Filej de Redeyef
A. Genèse et particularités du village européen de Redeyef« El Filej »
21Le centre minier de Redeyef est l’un des quatre centres qui ont vu le jour après la découverte du minerai de phosphate dans la région à la fin du 19e siècle. Il fait partie des Jebels du bassin minier de Gafsa, l’une des unités géomorphologiques5 qui composent l’ensemble du relief de la région. Parallèlement à la mise en exploitation des phosphates à Redeyef, un petit « village européen » est né. Il sera le noyau d’une nouvelle ville qui prendra le nom de Redeyef en hommage au saint vertueux Sidi Redeyef. Il occupe un glacis de 570m d’altitude qui s’étend entre la montagne (JebelBrachim) à l’Ouest et l’oued Dekhla à l’Est (Figure 2).
Figure 2. Emplacement du village européen de la ville de Redeyef
22Le village européen ou « El Filej » comme on l’appelle aujourd’hui à Redeyef, avait des traits urbanistiques particuliers par rapport à son environnement. En effet, la morphologie du village européen de Redeyef reflète la présence d’une vraie organisation de ses édifices selon une conception préalable déterminant les grandes lignes de l’opération d’aménagement. « La production minière à grande échelle donne souvent naissance ex-nihilo à une ou plusieurs concentrations urbaines qui se singularisent par leur morphologie, leurs structures intra urbaines et leurs fonctions sociales et territoriales… » (Adidi, 2007). Ainsi, le village européen de Redeyef créé au cours des vingt premières années du XXe siècle est un quartier à plan orthogonal qui s’étendait sur environ 24 ha pour 660 habitants (Brunet, 1958).
23Il se caractérisait par un certain zoning fonctionnel basé sur la présence de deux composants essentiels : l’habitat et les services. En matière d’habitat, trois catégories d’habitations (A, B et C) occupent l’espace avec de nettes distinctions. D’abord, la catégorie A se compose de « vastes demeures enfouies sous la verdure et tiennent prés du ¼ du village européen » (Brunet, 1958). Elles sont bien ornementées et possèdent des jardins bien espacés. Elles sont consacrées uniquement aux cadres de la compagnie du phosphate et de chemin de fer de Gafsa en particulier les « ingénieurs métropolitains ». Tout près, surtout vers l’ouest, apparaissent des habitations moins espacées, des villas réduites en surface et ayant des jardins moins spacieux consacrées à la catégorie B, groupant surtout des employés européens qui ne sont pas d’origine française. Enfin, des habitations encore plus restreintes et dépourvues presque de tout confort, consacrées aux ouvriers européens non français, composent la catégorie C. Néanmoins, ces habitations s’apparentent par quelques traits urbanistiques en particulier une toiture conique en tuiles rouges, un espace vert (surtout le jardin de façade), un rez-de-chaussée, et une endurance aux intempéries et ce contrairement aux dits « villages indigènes» qui ne sont autre que des entassements mal répartis, très vulnérables aux intempéries et dépourvus de tout trait urbanistique de valeur.
Figures 3-4. L’une des rares habitations de la catégorie A qui préserve encore sa clôture et d’autres aspects d’origine (Photographie de l’auteur, 2014)
24En matière de « services » la plupart des équipements sont d’ordre public, à savoir des éléments à caractères religieux (la cathédrale), culturel (une école primaire, une bibliothèque), administratif (le bureau de poste de communication, bureau CPG), social (l’économat, la salle des fêtes, le café maure), sanitaire (l’hôpital) et sportif (les terrains de tennis et de foot).Quant aux équipements d’ordre militaire, le village européen de Redeyef possédait une caserne de gendarmerie pour établir la sécurité (coloniale). La répartition de ces différents éléments à travers l’espace, ainsi que leur aspect architectural font du village européen de Redeyef une unité architecturale bien distincte de son milieu qui mériterait d’être objet de sauvegarde et de patrimonialisation. Ceci est aujourd’hui d’autant indispensable que les agressions, les signes de négligence et de délabrement sont une réalité évidente au sein d’El-Filej, le premier petit site urbain de Redeyef.
25Selon une investigation personnelle (Tableau 1), les bénéficiaires de l’opération de liquidation sont en majorité originaires de Redeyef et représentent aujourd’hui près de 40 %, suivis de personnes issues de Jridis de Nefta, avec près de 25 %, de Tamaghza, avec 15 %, et de Gafsa et Gabès avec 10 %. Ces bénéficiaires sont presque exclusivement de sexe masculin. Seules quelques femmes ont pu profiter de l’opération de liquidation par voie d’héritage. Les propriétaires sont dans l’ensemble âgés : 80 % d’entre eux dépassent les 60 ans et 20 % entre 50 et 60 ans. Plus des ¾ d’entre eux sont des retraités de la CPG ; 15 % dérivent de la fonction publique (enseignement, santé) et 10 % de domaines divers (Tableau 1).
âge |
sexe |
Lieu d’origine |
Profession/activité |
87 |
masculin |
Tamaghza |
Retraité CPG |
66 |
masculin |
Redeyef |
Retraité CPG |
86 |
masculin |
Gafsa |
Retraité CPG |
78 |
masculin |
Tamaghza |
Retraité CPG |
78 |
masculin |
Nefta (Eljerid) |
RetraitéCPG |
75 |
masculin |
Nefta(Eljerid) |
Retraité CPG |
57 |
masculin |
Redeyef |
Ingénieur CPG |
67 |
masculin |
Redeyef |
Retraité enseignement primaire |
54 |
masculin |
Redeyef |
Enseignement secondaire |
56 |
masculin |
Redeyef |
Infirmier |
78 |
masculin |
Nefta |
Retraité CPG |
72 |
masculin |
Redeyef |
Retraité CPG |
75 |
masculin |
Gafsa |
Retraité CPG |
63 |
Féminin |
Redeyef |
Veuve |
72 |
masculin |
Gabès |
Retraité CPG |
56 |
masculin |
Tamaghza |
commerçant |
68 |
masculin |
Nefta |
Retraité CPG |
75 |
masculin |
Redeyef |
Retraité CPG |
78 |
masculin |
Redeyef |
Retraité CPG |
76 |
masculin |
Nefta(Eljerid) |
Retraité CPG |
Tableau 1. Un échantillon des bénéficiaires de l’opération de liquidation du village européen. Source : enquête personnelle, 2014
26Trois raisons principales ont poussé ces gens à choisir le village européen comme espace d’investissement et de résidence privilégiée :
27• une raison foncière : puisque sur l’ensemble des enquêtés (au nombre de 20), 65 % se plaignent d’un manque de logements et de terrains à Redeyef alors que la taille de familles dépasse généralement le seuil de 5.4 personnes en moyenne.
28• une raison économique : en effet, 35 % des bénéficiaires considèrent que le fait de posséder une habitation dans le centre-ville de Redeyef qu’est le village européen est un très bon investissement.
29• une raison d’ordre socio-culturel : pour certains le fait de posséder une habitation dans le village européen constitue une prérogative, voire même un privilège. Car, cet espace était strictement interdit aux indigènes et réservé essentiellement aux cadres de la CPG. Ceci fait que pour toute personne provenant des fractions tribales des Aouled Bouyahya, Aouled Abid, Aouled Slama, El Akerma, -principales composantes de la population de Redeyef -, bénéficier d’un logement dans cet espace est très symbolique. C’est en quelque sorte une revanche pour tous les descendants de sa tribu ou de sa fraction tribale (ElArsch), longtemps dédaignés et ayant l’interdiction de s’installer dans ce quartier (Ettaieb, 2008). Ce revirement de situation prend sans conteste une dimension sociale.
1. Bâti colonial et indifférence des bénéficiaires
30Quelles que soient les raisons qui les ont attirés, dès qu’ils se sont installés au village européen de Redeyef, les nouveaux propriétaires ont profondément modifié leurs nouvelles habitations. Et ces opérations de transformation se sont accélérées depuis 2011. En effet, des extensions ont été réalisées en verticale et/ou en horizontale aux dépens des petits espaces verts ou jardins (Tableau 2). Par conséquent, une éradication presque totale a dénaturé les traits urbanistiques originels. Les toitures coniques, les briques, les petits jardins de façade, et les clôture sont été très souvent détériorés.
B |
C |
D |
A |
B |
C |
D |
V et H |
1étage + 6magasins + clôture |
Commerce, restaurant, coiffure, réparation |
11 |
H |
1 magasin + clôture |
Service informatique |
H |
2 magasins |
Commerce |
12 |
- |
||
V et H |
1étage + 2 magasins + clôture |
Pâtisserie |
13 |
V et H |
1étage + 1 magasin + clôture |
à louer |
H |
3 magasins |
Service informatique |
14 |
V |
1étage + clôture |
- |
V |
1 étage + clôture |
Local artisanat |
15 |
V |
1étage + clôture |
|
V et H |
1étage + 3 magasins + clôture |
coiffure (femmes) |
16 |
H |
1 magasin + clôture |
à louer |
V et H |
1étage + 2 magasins + clôture |
Commerce |
17 |
- |
||
V et H |
1étage + 1 magasin + clôture |
Boutique |
18 |
V |
1étage + clôture |
|
V et H |
2étages + 1 magasin + clôture |
Commerce |
19 |
En état initial |
- |
Tableau 2. Nature des modifications des habitations liquidées. Source : enquête personnelle , 2014. [A : bénéficiaires, B : étalement vertical(V) et/ou horizontal(H), C : type d’espaces bâtis, D : activités générées]
31À titre indicatif, la clôture qui représentait le principal composant externe de l’habitation était en béton ajouré préfabriqué de près d’1m de hauteur et couvert de plantes vertes (Figure 4). Aujourd’hui, c’est souvent un mur surélevé de plus de 2.5 m de hauteur qui ne reflète aucun aspect décoratif (Figure 5-6). On est donc devant un nouveau paysage très différent à caractère clos. Il est semble-t-il le produit d’une culture conservatrice toujours présente chez ces personnes issues de différentes fractions tribales même si le contexte n’est plus celui de l’avant phosphate.
Figures 5-6. Types de clôtures supplantant actuellement celles d’origine (Photographie de l’auteur, 2014)
32D’un autre côté, la création dans ces nouvelles propriétés de garages, de « magasins » ou d’entrepôts disposés à l’informel (Figure 7-8) s’est généralement fait sans prendre en considération les particularités urbanistiques d’El-Filej.
Figures 7-8. Exemples de façades à garages qui se répandent actuellement à El-Filej (Photographie de l’auteur, 2014)
33Divers services se répartissent aujourd’hui au niveau des façades des principales avenues du village européen (Tableau 2). On a pu dégager à titre d’exemple le long de l’avenue Taieb Mhiri la présence de : 2 salons de coiffure (1 pour hommes et 1 pour femmes), 1 restaurant, 1 pâtisserie, 1 point de vente de produits alimentaires, 1 de produits artisanaux ,1 d’habillement, 1 de réparation des biens d’équipement, 1 de réparation de motocyclettes, 1 service informatique.
34Des dizaines de locaux ont été édifiés sans permis de construction et fonctionnent sans aucune autorisation dans un espace ayant en principe une valeur historique et qui devrait être patrimonialisé. Ces dénaturations appellent à vérifier si la législation tunisienne a porté un quelconque intérêt et/ou une certaine protection au bâti urbain minier colonial ?
2. Un appui législatif tardif
35Durant les trois premières décennies de l’indépendance il semble que la législation tunisienne n’a pas accordé grand intérêt au legs patrimonial en général et colonial en particulier. En effet, au cours des années 1960 et 1970, aucune loi n’a été enregistrée dans ce sens. Les années 1980 ont connu un léger changement avec la promulgation d’un nombre très réduit de textes invitant surtout à créer quelques organismes patrimoniaux, sans qu’il n’y ait de vraie politique publique en matière patrimoniale. «… l’état tunisien ne promulgua aucun texte de classement de monuments ou de sites…le premier texte révélateur d’un changement d’orientation dans l’approche patrimoniale des décideurs, le décret n° 81-69 du 1er août 1981 portant création de l’Agence de Réhabilitation et de Rénovation urbaine (ARRU) » (Bacha, 2008).
36Toutefois, l’étape la plus importante au niveau du patrimoine fut la promulgation du Code du patrimoine en 1994 selon la loi n° 94-35 du 24 février 1994. En effet, ce nouveau code établit les grandes orientations de la politique publique dans le domaine patrimonial. Il est depuis, le texte de référence en la matière. Il insiste surtout sur le fait de protéger le champ patrimonial. Il a aussi ouvert la voie à l’enrichissement d’un tel champ par l’appel au classement de nouveaux objets comme l’architecture édifiée au XXe siècle, pendant la période du Protectorat. Sur la base de l’article 3 du code « sont considérés ensembles historiques et traditionnels les biens immeubles, construits ou non, isolés ou reliés qui en raison de leur architecture, de leur unicité de leur harmonie ou de leur intégration dans leur environnement, ont une valeur nationale ou universelle quant à leur aspect historique, esthétique, artistique ou traditionnel ». De plus, selon l’article 4, « les travaux d’infrastructure ci-après indiqués projetés sur les monuments historiques ou à leurs abords sont soumis à l’autorisation préalable du Ministre chargé du Patrimoine : l’installation de réseaux électriques et téléphoniques, des conduites de gaz, d’eau potable et d’assainissement, des voies de communication et de télécommunication, et tous travaux susceptibles de défigurer l’aspect extérieur de l’immeuble ». De par son architecture, son intégration dans son milieu et son importance dans l’histoire locale actuelle, l’urbanisme minier, véritablement singulier, devrait faire objet d’attention, et, par conséquent, bénéficier d’une certaine protection qui y empêche toute forme de défiguration qu’il peut subir.
37Toutefois en se reportant à la liste établie par l’Institut national du patrimoine, des objets et/ou espaces historiques et archéologiques protégés et classés en Tunisie par gouvernorat, on perçoit que l’urbanisme minier n’y figure pas si bien qu’il est dépourvu de toute forme de protection et d’entretien. Il présente cependant des signes préoccupants de délabrement et pose de graves problèmes de conservation. La plupart des édifices publics du bâti colonial perdent peu à peu leur caractère d’origine. Le désintéressement, l’absence d’entretien et les modifications incontrôlées et perpétuelles risquent de défigurer d’une façon irrémédiable les spécificités architecturales du paysage urbain colonial des villes minières surtout en l’absence d’une sérieuse politique d’aménagement urbain à l’échelle locale.
Figures 9-10. édifices publics à protéger : l’économat et l’église (Photographie de l’auteur, 2014)
3. Indifférence de la politique d’aménagement urbain
38En se référant au code du patrimoine précité, on constate que les formes de protection du patrimoine ont été pensées de façon à s’articuler avec le nouveau code de l’urbanisme, promulgué le 28 novembre 1994 (Bacha, 2008). Par conséquent, toute conception d’un PAU (Plan d’aménagement urbain) devrait théoriquement tenir compte de tout élément (objet, espace) représentant une vraie valeur patrimoniale. En outre, les différents intervenants locaux devraient veiller à son application. Toutefois, l’état actuel du bâti urbain colonial ne révèle aucune volonté de la part des organismes d’aménagement urbain et des différentes instances locales à le sauvegarder. C’est plutôt une indifférence quasi-absolue qui s’en dégage à l’égard d’un héritage complètement ignoré par ces instances. C’est dans ce climat d’indifférence générale que les grandes modifications réalisées par les nouveaux propriétaires des logements liquidés par la CPG, en plus de la prolifération de l’habitat spontané tout autour, estompent les principales constructions restantes du village européen.
39Sur le plan régional, on constate la même indifférence : aucune indication de sauvegarde du bâti urbain colonial n’apparait dans les rapports des PAU des villes du bassin minier de Gafsa.
40Dans le PAU de Redeyef à titre indicatif, aucune allusion n’a été faite sur ce patrimoine que représente le village européen. En outre, l’ancienne appellation de « village européen ou cité européenne »n’apparait plus dans les nouveaux plans d’aménagement et fut remplacé par un autre toponyme «la cité Ennour »6.
41Les deux rapports des plans d’aménagement urbain (PAU) de la ville de Redeyef (2001 et 2008) ne cherchent qu’à faire face aux contraintes démographiques et résoudre les besoins cumulés des habitants en matière d’habitat et de services. Pour le cas de ladite zone centrale polyfonctionnelle dont fait partie le village européen (Figure 3), le dernier PAU (2008) se suffit de préconiser qu’« il s’agit de densifier cette zone qui constitue le noyau central de la ville par l’encouragement des constructions en hauteur (R+4) et l’intégration des équipements socioculturels, artisanaux et de services ».
42Cet appel à la densification ne tient pas compte de toute spécificité architecturale du village européen et n’en perçoit aucune valeur historique, après l’ère phosphate. Le(s) zoning(s) prévu(s) par les différents plans d’aménagement urbain négligent totalement le village européen bien qu’ils insistent sur l’obligation de «hiérarchiser les zones urbaines suivant leurs caractéristiques et définir la nature d’intervention possible » et de « projeter des bandes vertes entre les zones industrielles et les zones d’habitats pour assurer la protection de l’environnement dans les zones résidentielles. » (MEHAT, DAT 2008).
43Ces principes n’ont jamais été appliqués dans le cas du village européen. Il n’a jamais été considéré comme espace distingué dans cette hiérarchisation, ni protégé en matière environnementale. Au contraire, on l’intègre toujours dans ledit « espace central polyfonctionnel » sous l’appellation de « Cité Ennour ».
Figure 11. Le zoning de l’espace urbano-minier de la ville de Redeyef
44Les détériorations sont d’autant plus nombreuses que les habitants de Redeyef ne sont généralement pas « habitués » à construire avec autorisation. Presque la totalité des constructions n’obéissent pas à une autorisation préalable. Une réalité que les différents rapports des PAU de Redevez reconnaissent que «l’ensemble des constructions dans la ville de Redeyef est édifié sans autorisation de bâtir, on assiste donc à l’urbanisation illégale et à des constructions dans des zones dangereuses et sur les zones d’extractions minières » (MEHAT, DAT 2008). Le problème majeur qui se présente au niveau de la ville est que la majorité des terrains sont classées terres domaniales et qu’un nombre considérable de citoyens sont dépourvus de titres fonciers pour l’obtention d’un permis de construire. Ils se trouvent donc dans l’obligation de construire sans permis et « sur les terres qu’ils s’approprient sans titre de propriété. La majorité des constructions sont édifiées d’une manière illégale, anarchique et sans respect au règlement d’urbanisme en vigueur » (MEHAT, DAT 2008).
45Un tel comportement s’est généralisé encore plus ces dernières années, comme partout ailleurs en Tunisie, suite au déclenchement de la révolution de 2011 et surtout avec la défaillance des différentes institutions publiques en place. Situation qui sévit encore aujourd'hui.
46En effet, les dépassements et empiètements au détriment du village européen se multiplient étant donné que des bénéficiaires réalisent de plus en plus des modifications et transformations de leurs habitations sans aucun souci de l’originalité de ce village. À titre d’exemple, certains propriétaires choisissent de démolir totalement leurs habitations et en faire bâtir des nouvelles à architecture totalement différente. D’autres, peut-être en raison de difficultés financières, optent seulement pour des modifications partielles. Et dans les deux cas, le modèle architectural d’origine est très touché (Figure(s) 12-13). Par ailleurs, la cave qui représentait un élément principal de l’habitation à El-Filej est en passe de disparaitre. La totalité ou presque des caves sont aujourd’hui remblayées.
47Tout laisse à penser donc que l’appropriation d’une habitation à El-Filej n’est pas due à une considération d’ordre historique ou architectural mais plutôt à l’importance de sa position géographique.
Figures 12-13. Exemples d’habitations totalement et/ou partiellement modifiées à El-Filej (Photographie de l’auteur, juin 2022)
48Par ailleurs, en l’absence d’entretiens et de réparations, l’effet des intempéries et de l’humidité est très remarquable et très avancé dans bien de cas. La plupart des toitures et des murailles des constructions d’El-Filej présentent aujourd’hui des signes d’endommagement. Des fissures de toute taille et des plafonds délabrés et/ou corrodés apparaissent ici et là à la fois au niveau des constructions privées et celles d’ordre public (Figure(s)14-15). Quelquefois, les autorités en place font recours à la démolition en vue de reconstruire. C’est le cas de l'hôpital dont une grande partie est démolie depuis quelques mois de cette année 2022 (Figure 16-17). Mais depuis, faute de financement, rien n’est réalisé et aucune conception architecturale et urbanistique n’est encore envisagée.
Figures 14-15. Exemples de constructions endommagées à El-Filej (à gauche une habitation à toiture corrodée; à droite le bureau de poste à plafond délabré) (Photographie de l’auteur, juin 2022)
Figures 16-17. Détermination de l’espace démoli de l’hôpital d’El-Filej (Photographie de l’auteur, juin 2022)
49Aux alentours d’El-Filej, les constructions à la verticale se multiplient et continuent à conquérir l’espace sans aucune considération pour tout ce que, El-Filej symbolise en tant que premier noyau de la ville portant une valeur architecturale et historique. Ainsi, il s’estompe de plus en plus.
Figures 18-19. L’allure actuelle du bâti urbain à Redeyef- El Filej (Photographie de l’auteur, juin 2022)
50L’architecture de la cité « El-Batima », elle aussi, est aujourd’hui totalement estompée. Aucune trace apparente rappelant sa morphologie d’origine n’est encore présente. Les dômes, principal constituant, y sont totalement démolis. D’ailleurs, selon certains de ses anciens habitants, cette cité n’a gardé que son toponyme (El-Batima). De nouvelles maisons et/ou des murs en briques rouges en premier et parfois en deuxième étage dominent aujourd’hui totalement son paysage.
Figures 20-21. Évolution de la cité « El-Batima » entre 2009 et 2022 (à gauche El-Batima en 2009 ; à droite El-Batima en 2022 ) (Photographie de l’auteur)
51Pour comprendre de telles attitudes envers le bâti européen, nous avons interrogé nos enquêtés, d’un côté, sur l’état initial de l’habitation liquidée ainsi que sur l’existence ou non d’une démarche de consultation d’un architecte avant l’exécution des modifications envisagées, et de l’autre, sur le(s) principal (aux) justificatif(s) de ces modifications.
52Une lecture des réponses recueillies prouve que toutes les habitations étaient dans un état d’usure à différentes proportions (murs, réseaux, briques…). Presque la totalité des enquêtés considèrent, par ailleurs, que c’était une opportunité à saisir sur le plan économique et social surtout en tenant compte des spécificités du bâti liquidé (les bas prix d’achat, la centralité, les réseaux…). Seuls 2 % s’écartent de ces comportements à forte rationalité socio-économique et disent ne pas avoir l’intention de faire des modifications radicales.
53Enfin, 93 % de ceux qui ont opté pour des travaux de réaménagement n’ont pas apprêté de « plan-villa » auprès d’un architecte surtout pour une raison de coût. Alors que les 7 % restants ont pu calquer ou s’inspirer d’autres conceptions auprès des voisins, des proches ou de l’ouvrier/maçon qui exécute la (re)construction. Bref, pour presque l’ensemble des bénéficiaires, l’élément patrimonial n’a jamais été pris en considération, chose fortement critiquée par certains des habitants de Redeyef.
54En effet, selon nos entretiens avec certains citoyens de la ville de Redeyef, certains critiquent aujourd’hui le choix de liquidation suivi par la CPG qui a conduit à un délabrement général de l’état du bâti architectural colonial. La CPG a failli à son devoir de le conserver et de l’entretenir pour les générations futures. « La question de la soutenabilité se pose avec acuité dans le cas du patrimoine urbain, car, comme pour tout patrimoine, il s’agit de le transmettre aux générations futures, et c’est justement l’articulation entre les différentes dimensions du patrimoine urbain qui permet de définir sa soutenabilité : la transmission aux générations futures du patrimoine urbain suppose, au moins, le maintien de sa valeur globale dans le temps » (Dalmas et al., 2012). La CPG entant que seul bénéficiaire du phosphate dans la région - ajoutent nos interlocuteurs - était censée réagir autrement. Son rôle est de conserver les quelques édifices du village européen, non seulement entant qu’une trace patrimoniale mais aussi comme élément potentiel de tourisme culturel.
55À cet égard, le fil conducteur des différentes hypothèses qu’on vient de formuler, c’est que le bâti urbain colonial de Redeyef en particulier El-Filej doit être non seulement sauvegardé mais aussi il doit être considéré comme un vecteur potentiel de développement local durable. À ce titre, des études de diagnostic et d’identification, des opérations de réhabilitation, de valorisation matérielle et immatérielle s’imposent. De plus, divers acteurs d’ordre public ou privé doivent être impliqués comme la municipalité, les structures de planification urbaine, d’équipement, les associations de sauvegarde et de conservation du patrimoine, les bureaux d’étude, les architectes, les paysagistes et bien sûr toute la société civile de Redeyef, y compris les émigrés. Il s’agit donc d’un projet de grande importance au profit de la population locale. Car, en plus de son intérêt socio-économique, il est d’un intérêt collectif particulier en ce qui concerne la mémoire collective. Il mémorise effectivement un évènement spécifique du vécu commun de la population tribale en place. C’est le début de sa transformation radicale d’un mode de vie nomade à un mode de vie sédentaire urbain.
56Mais dans quelle mesure ce projet est-il aujourd’hui réalisable? En effet, dans un contexte d’absence ou de faiblesse des structures publiques en place, d’une économie locale en forte stagnation, de problèmes socio-économiques fort accentués des habitants (des taux des plus élevés de pauvreté et de chômage), d’une assise foncière en continuel rétrécissement contre une forte pression démographique surtout au niveau du centre de Redeyef, parler d’une auto-conscientisation territoriale collective relève presque de l’utopie.
57Ainsi, toute tentative qui vise à sensibiliser les habitants et à les solliciter à un projet d’intérêt collectif local est très appréciée. C’est là que réside l’apport ou l’intérêt de ce papier qui, dans un contexte d’indifférence générale, lance un appel à sauvegarder, valoriser et faire du bâti urbain colonial un des leviers de développement non seulement au sein de Redeyef mais aussi au niveau de tout le bassin minier de Gafsa. Car, réussir à sensibiliser la population en place à tenir compte de l’héritage urbain colonial, c’est réussir à l’inciter à développer des projets de sauvegarde, à mobiliser les acteurs concernés, à réfléchir aux moyens et atouts nécessaires. Lors de la réalisation de notre enquête, nos entretiens ont certainement révélé pour certains l’importance d’un tel projet, mais cela doit être aujourd’hui renforcé par des contacts directs auprès de certains responsables et personnes influentes comme le président directeur général de la CPG, le délégué de Redeyef, le président du conseil communal de Redeyef, le gouverneur de la « wilaya » de Gafsa et autres, et organiser des journées d’étude portant sur la nécessité de sauvegarder l’héritage urbain colonial et la manière d’en faire.
III. Sauvegarder le patrimoine urbain colonial du bassin minier de Gafsa : des pistes d’action
A. Nécessité d’une assise juridique et un organisme de sauvegarde
58L’exigence juridique est un moyen efficace qui peut aider à conserver le bâti architectural colonial de la région du bassin minier de Gafsa. Ainsi, le respect et la soumission aux plans d’aménagement est une obligation incontournable et l’ état doit veiller au strict respect de ses lois sans hésitation. De ce fait, la sanction de tout délit permettrait de sauver le patrimoine en question.
59Par ailleurs, l’approche d’aménagement suivie jusqu’aujourd’hui par les schémas directeurs et les plans d’aménagement urbain relatifs aux villes minières doit être révisée. Il faudrait ensuite créer -comme l’ont bien exprimé certains de nos enquêtés- une association qui aide à sauvegarder le bâti urbain colonial (Association de sauvegarde du bâti architectural colonial du bassin minier de Gafsa) et qui peut participer à l’élaboration d’un plan qui vise à bien intégrer ce bâti dans un circuit de développement touristique plus généralisé reliant toute la région de Gafsa et la zone touristique des oasis d’El-Jérid.
B. L’intégration dans un « tourisme durable »
60La diversification de l’économie nationale était l’un des principaux objectifs que l’état tunisien s’est fixé sur le plan économique depuis l’indépendance. Et des efforts considérables ont en été alors fournis. Depuis, la place du secteur touristique n’a cessé de se consolider. En 2010, le tourisme participait avec 7 % du PIB. Toutefois, cette part demeure négligeable notamment en comparaison avec les pays méditerranéens concurrents. Par ailleurs, le tourisme tunisien traverse depuis 2011 (année de la révolution) une crise que les attentats de 20157 ont aggravée. Toutefois, une telle situation n’est pas que circonstancielle, car le tourisme tunisien faisait face à une vraie crise d’ordre structurel. Elle trouve son origine dans certains choix : le pays n’était pas en mesure de développer d’autres formes que le tourisme de masse, à dominante balnéaire, tributaire d’un tandem « plage-soleil », donc fort centralisé sur le littoral8.
61Le monopole exercé par le tourisme balnéaire est responsable du manque de diversification du produit touristique tunisien malgré le riche potentiel que renferme l’arrière-pays, dont le patrimoine urbain colonial que représentent les « les villages européens » dans la zone minière de Gafsa n’en est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.
62Ces « villages européens » témoignent d’un grand changement du mode de vie de la population locale. Ils constituaient les premiers noyaux des actuelles villes de Rdeyef, Metlaoui, Omlaraies et Mdhilla qui abritent aujourd’hui 39 % de l’ensemble de la population communale (urbaine)9 à l’échelle du gouvernorat de Gafsa (INS, 2014).
63Pour qu’il y ait du patrimoine reconnaissable, gérable, il faut d’une part « qu’une société se saisisse en miroir d’elle-même, qu’elle prenne ses lieux, ses objets, ses monuments comme des reflets intelligibles de son histoire, de sa culture » (Jeudy, 2008) et, d’autre part, trouver les moyens de le sauvegarder, dont la manière la plus efficace est sa mise en valeur au profit du développement local.« La notion même de patrimoine urbain est relativement récente, au regard des autres types de patrimoine (monumental, archéologique, mobilier). Elle repose sur une approche complexe qui intègre à la fois les concepts familiers du patrimoine (conservation, restauration, protection, mise en valeur) mais également « une forte dimension économique et sociale » (Vernieres, 2012).
64Pour la zone minière de Gafsa, dans un contexte d’une grave crise du secteur phosphatier, d’une agriculture fort soumise aux aléas climatiques et qui ne peut fonctionner sans recours aux réserves d’eaux souterraines, l’activité touristique constitue désormais une opportunité à saisir.
65L’une des interrogations adressées à nos enquêtés au cours de nos entretiens, étaient s’ils avaient l’intention de conserver le bâti architectural colonial des villes minières et le mobiliser de telle ou telle façon au profit du développement durable à l’échelle régionale ? Les réponses étaient que 96 % des bénéficiaires n’ont jamais pensé à ce choix. 4 % seulement avaient l’intention de ne pas trop modifier le coté architectural sans penser à l’intégrer au développement touristique. Ceci montre que l’esprit de patrimonialisation est quasi absent chez la majorité des bénéficiaires de la politique de liquidation.
66La situation est différente chez le reste des habitants de Redeyef. Dans une enquête complémentaire, sous forme d’entretiens semi-directifs, auprès de 12 habitants des quartiers voisins du Filej, la plupart (soit 88 %) sont pour la préservation et même la récréation du style architectural colonial ainsi que pour sa généralisation dans les différentes agglomérations du bassin minier de Gafsa. Ceci lui permet face à une mondialisation galopante d’acquérir une identité architecturale spécifique, non seulement à l’échelle nationale mais également mondiale à l’instar d’autres régions minières du monde. Ainsi « la préservation du passé, d’un patrimoine héritage des générations précédentes est [aussi], dans le contexte de la mondialisation, un réflexe identitaire de protection face à une uniformité grandissante. Or, dans un quartier industriel, dans une ville-usine, dans une vallée ou un bassin industriel, l’usine, même fermée, fait partie de cette identité, surtout lorsque le territoire s’est construit autour d’elle. Sa protection et sa mise en valeur deviennent donc incontournable » (Edelblutte, 2008).
Figures 22-23. Des éléments patrimonialisables du paysage urbano-minier : le damous10 et le banda11 (Photographie de l’auteur, 2014)
67Toutefois, quelques enquêtés (12 %) sont favorable à la démolition de la cité européenne puisqu’elle ne rappelle selon eux que souffrances, mépris et discrimination de leurs parents, anciens ouvriers des mines, de la part des premiers colons européens qui ont habité El-filej: « Dans ce cadre, agir sur le patrimoine urbain n’est pas neutre mais bien au contraire profondément porteur de sens. Un sens politique d’abord car la modification d’un espace patrimonial (par sa destruction ou sa valorisation) implique une appropriation symbolique de l’espace » (Gigot, 2012). Le bâti colonial –ajoutent ces derniers- n’avait aucun rapport avec la culture locale et les méthodes d’édification traditionnelles répandues en Tunisie « au Maghreb, les architectures élevées à l’époque coloniale par des maitres d’œuvre européens, pour beaucoup d’esthétiques européenne, ont longtemps été considérées comme des produits d’importation » (Bacha, 2011).
68Sans doute l’idée de démolir totalement le bâti colonial européen ne reflète qu’un ressentiment vis-à-vis d’une phase décisive de l’histoire de la région. C’est une attitude qui pourrait trouver son explication dans le système éducatif, les associations civiles, la famille qui n’arrivent pas à éduquer une partie des Tunisiens à respecter leur patrimoine quel que soit son origine, ou sa nature dont celui symbolisant les périodes les plus sombres de l’histoire du pays. Toutefois, le fait de bien respecter un tel patrimoine ce n’est plus de le muséifier, mais c’est savoir l’adapter aux attentes de la société en particulier à des fins socio-économiques (Fagnoni, 2013).
Conclusion
69Ce travail montre, à partir du cas de Redeyef, le niveau de délabrement très avancé du patrimoine urbain colonial des villes minières du bassin phosphaté de Gafsa. Cette dégradation est due à une défaillance systématique qui engage la culpabilité des trois groupes d’acteurs : les autorités publiques, la CPG et la population locale. De ce fait, les centres urbains du bassin phosphatique de Gafsa n’ont pas joui d’une planification spécifique pour sauvegarder leur héritage. La situation s’est encore accentuée suite au déclenchement de la révolution de 2011 et l’affaiblissement voire l’absence totale des institutions publiques en place. Il en va de même aujourd’hui bien que les principales instances locales (la municipalité, la délégation, …) se soient rétablies.
70Ainsi, la mobilisation de la société civile est à présent d’une grande dignité afin d’empêcher tout autre dépassement et ce dans l’attente d’une élaboration d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine urbain colonial, non seulement comme héritage historique mais également en tant que pilier d’un tourisme culturel durable et un point d’appui pour une nouvelle démarche de développement à l’échelle locale et régionale dans une région où l’activité minière dans son état actuel ne peut plus être moteur de développement et où le taux chômage est des plus élevés.
71Et bien évidemment, vu l’étroite relation entre cet héritage urbain colonial et l’industrie extractive, toute tentative de sa mise en valeur, pour qu’elle soit originale et efficiente, doit tenir compte de l’histoire industrielle de la région, du point de vue notamment de l’évolution des procédés, des techniques et des savoir-faire de l’exploitation du minerai de phosphates.
72En définitive, si le volet physique est d’une importance capitale dans la valorisation du bâti architectural colonial dans le bassin minier de Gafsa, le volet immatériel l’est aussi. En effet, dès qu’il récupère son architecture et sa physionomie, le bâti architectural colonial pourrait être un espace d’animation permanente, de ressuscitation des traditions, des évènements festifs, des savoir-faire des habitants en place donc de la culture locale. Ainsi, un processus de valorisation pareil peut être un vecteur de tourisme durable puisqu’il portera profit non seulement à la génération actuelle mais aussi aux générations futures./.
Notes
731La charte Lanzarote ou charte de tourisme durable a été définie et soumise à l’ONU lors de la Conférence Mondiale du Tourisme Durable organisée à Lanzarote (Îles Canaries) en 1995 par l’UNESCO, l’OMT et le programme des Nation Unies. Elle présente 18 principes du tourisme durable.
742Source Vers un Tourisme Durable Guide à l’usage des décideurs Programme des Nations Unies pour l’environnement et Organisation mondiale du tourisme, 2006.
753Ibid.
764« La population, indépendamment des institutions qui la structurent, est susceptible de réagir favorablement ou non aux projets patrimoniaux » (Verniers M, colloque 2012).
775Les Jebels du bassin minier de Gafsa dessinent un triangle bordé par la frontière tuniso-algérienne et les Jebels El Mghatta et JnanKhrouf à l’Ouest, les Jebels Bou Ramli et BenYounes au Nord et les Jebels Alim, Zarraf et Stah au Sud. Les altitudes de cette série de Jebels dépassent les 800 m au nord (Jbel Bou Ramli 1156 m, Jbel Ben Younes 901 m) et varient entre 500 et 800 m au Sud (Jbel Alim 743 m et JbelZarraf 706 m) » (DAT, 2011). Au centre de ce bassin, la cuvette de GaraatDaouara se trouve à une altitude de 400 m ce qui fait que l’intérieur de ce triangle correspond à une vaste haute plaine où s’implantent les centres miniers de Redeyef à 600 m d’altitude et celui de Moularès à 457 m (Source : Atlas de Gafsa 2011).
786La nouvelle appellation « Cité Ennour » n’arrive pas encore à s’enraciner et estomper l’ancienne appellation encore répandue entre les habitants à savoir « El-filej » (le village européen) ou « El-hai el-ouroubbi » (la cité européenne) (l’Auteur).
797Suite aux attentats meurtriers qui ont visé le musée du Bardo à Tunis, le 18 mars 2015, et un hôtel et une plage de Sousse (littoral est), le 26 juin 2015.
808Sur le littoral oriental, la concentration des équipements est quasi-exclusive : 93 % de la capacité d’hébergement et 96 % des nuitées touristiques.
819En Tunisie, le statut urbain est octroyé seulement aux communes. Or la commune procède d’un acte politique. Elle est créée et délimitée par décret. Selon le code d’aménagement du territoire et d’urbanisme (CATU), « la commune est créé par le décret sur proposition du ministre de l’intérieur après avis des ministres des finances et de l’équipement. Le décret portant création de la commune indique son nom et son siège et fixe ses limites » (CATU, art 2). Ainsi la promotion au statut communal n’obéit à un aucun critère objectif si ce n’est l’impératif politico-administratif.
8210Damous : terminologie locale qui signifie percement souterrain pour soustraire manuellement le phosphate brut.
8311Banda ou Sir : terminologie locale qui signifie la bande ou la chaîne qui transporte le phosphate dans son état brut du damous (l’amont) à l’usine (l’aval).
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Para citar este artículo
Acerca de: Salem CHRIHA
Enseignant-chercheur habilité en géographie
Université de Sfax, Tunisie
chrihasalem@yahoo.fr