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- Volume 18 (2014)
- numéro 2
- Synthèse bibliographique sur la mobilité des éléments traces dans les sols et l’utilisation de la stabilisation physico-chimique comme technique de gestion in situ des sites contaminés
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Synthèse bibliographique sur la mobilité des éléments traces dans les sols et l’utilisation de la stabilisation physico-chimique comme technique de gestion in situ des sites contaminés
Notes de la rédaction
Reçu le 11 janvier 2013, accepté le 13 janvier 2014
Résumé
Dans un contexte de dégradation environnementale marquée, l’impact de l’homme par les activités industrielles actuelles et passées est de plus en plus pointé du doigt. Dans le cadre de cette revue bibliographique, ce sont les conséquences des contaminations des sols par les éléments traces métalliques qui sont visées, ainsi que les conditions de mobilité des éléments et les pratiques de remédiation par stabilisation physico-chimique. Cette technique repose sur une remédiation in situ qui vise à éviter la dispersion des contaminants dans l’environnement par ajout d’amendements dans le sol. Tout d’abord, notre étude fait un point sur le concept de mobilité et ses principes de réduction visés par les techniques de stabilisation. S’ensuit une compilation des pratiques en cours afin d’identifier les techniques les plus courantes et les conditions de leur utilisation.
Abstract
Review of the mobility of trace elements in soils and of the use of physico-chemical stabilization as an in situ management strategy for contaminated sites. Industrial activities have greatly impacted the quality of the biophysical environment in some areas. This review focuses on the consequences of soil contamination by metallic trace elements: what factors determine the mobility of contaminants in soils and what remediation practices based upon physico-chemical stabilization can be used in response? Physico-chemical stabilization is an in situ remediation technique, which aims at limiting the dispersion of metals in the environment through the use of soil conditioners and amendments in contaminated sites. In this article, we firstly review the concepts involved in the mobility of trace elements and their indicators. We then provide an overview of the current information regarding the different kinds of amendments that may be applied to stabilize contaminants in soils and the processes involved.
Tabla de contenidos
1. Introduction
1Le sol est, de par sa position en interface environnementale, le siège de nombreux flux de matière et d’énergie (Robert, 1996). Une abondante littérature scientifique fait état de contaminations d’origine anthropique des sols par diverses substances organiques (hydrocarbures, solvants halogénés, pesticides, etc.) ou inorganiques (éléments en traces tels que cadmium, cuivre ou plomb, radioéléments, etc.). D’un point de vue spatial, les contaminations des sols peuvent être d’origine locale ou diffuse. Dans le premier cas, la ou les sources sont identifiées, ponctuelles et assez proches. Ce sont généralement des exploitations minières, des activités dérivées de l’exploitation du charbon, de la métallurgie, de la sidérurgie ou de la cokerie (Maes, 2007). La contamination diffuse est généralement plus faible, les sources multiples, difficilement identifiables et les superficies affectées importantes.
2Les éléments traces métalliques (ETM) sont des substances chimiques inorganiques regroupant des éléments tels que le cadmium, le chrome, le cuivre, le nickel, le plomb, le zinc, etc., qui se présentent en principe à des teneurs inférieures à 0,1 % dans les sols (Baize, 1997). Les ETM peuvent être essentiels aux organismes vivants, on parle d’oligo-éléments ou de micronutriments (chrome, cuivre ou zinc) qui sont bénéfiques et nécessaires, mais en faibles concentrations (Adriano et al., 2004 ; Bolan et al., 2008). D’autres sont considérés comme phytotoxiques et/ou zootoxiques même à faible concentration, on peut citer entre autres le cadmium, le plomb, le mercure (Bolan et al., 2008).
3Dans les sites contaminés, la stabilisation physico-chimique vise à limiter la dispersion des contaminants tout en évitant la mise en décharge des sols inaptes à toute reconversion (Kumpiene et al., 2007). Elle consiste à apporter des additifs organiques ou inorganiques directement dans le sol ; ces amendements vont modifier les propriétés physico-chimiques du sol (pH, capacité d’échange, fertilité, etc.) et diminuer la mobilité des éléments traces et les risques de transfert dans l’environnement.
4L’objectif de cette synthèse est de reprendre un ensemble de connaissances sur les contaminations par les ETM et d’identifier des solutions de gestion potentielle. Pour ce faire, nous aborderons la notion de mobilité par l’intermédiaire d’indicateurs chimiques et physico-chimiques. Nous reprendrons également les méthodes de stabilisation physico-chimiques citées par la littérature avec leur protocole d’application simplifié et leur efficacité.
2. Définitions et concept de mobilité
5Les ETM sont considérés comme des contaminants terminaux parce qu’ils sont déplaçables, mais pas dégradables, contrairement aux molécules organiques. Une fois dans les sols, les éléments traces sont peu enclins aux migrations et s’accumulent souvent en surface. Toutefois, leur répartition entre les différentes phases solides du sol n’est pas figée dans le temps (Baize, 1997). De fait, sous l’action de processus chimiques, ils peuvent devenir mobiles (Bourrelier et al., 1998 ; Adriano et al., 2004). La mobilité d’un élément est classiquement définie comme étant son aptitude à se déplacer d’un compartiment à l’autre du sol (Baize, 1997). Les teneurs mobiles ou mobilisables en ETM sont déterminées par des extractions chimiques différentes. Les premières sont évaluées lors de l’utilisation de réactifs au pH du sol, permettant l’extraction des ETM solubles et échangeables (Celardin, 2002). Les secondes sont définies comme le pool d’ETM potentiellement solubles et échangeables, dosé par des extractions à pH défini et inférieur à cinq (Celardin, 2002).
6Potentiellement, cette fraction de la masse totale en ETM dite mobile se retrouve dans la solution du sol sous forme d’ions libres et de complexes inorganiques et organiques (Ge et al., 2000). Sous cette forme, elle peut passer d’un compartiment du sol (solution du sol ou particules de sol) vers un organisme récepteur (Baize, 1997 ; Bolan et al., 2008 ; Naidu et al., 2008b). Ce processus biologique s’appelle la biodisponibilité, c'est-à-dire la capacité d’un élément à être capté par des bactéries, des végétaux, des animaux ou l’homme (Baize, 1997 ; Adriano et al., 2004). Néanmoins, le caractère biodisponible d’un contaminant n’est mesurable de façon précise que pour une espèce ou un groupe d’espèces déterminées (Bourrelier et al., 1998). Si l’espèce exposée est une plante, le transfert des contaminants repose sur le concept de phytodisponibilité par exposition des parties aériennes ou des racines aux éléments disponibles (Bourrelier et al., 1998 ; Tremel-Schaub et al., 2005). La phytodisponibilité d’un élément trace se définit alors comme étant la quantité d’éléments prélevée par une plante durant son développement (Bourrelier et al., 1998).
3. Indicateurs de mobilité
7En milieu contaminé, la mobilité des ETM dépend de l’action de facteurs de type chimique (potentiel rédox, pH, capacités d’échanges cationique [CEC] et anionique [CEA], spéciation, concentration), biologique (activité des bactéries, champignons et plantes supérieures) et physique (structure et perméabilité) (Lock et al., 2001 ; Adriano et al., 2004 ; Naidu et al., 2008a).
8On rencontre deux catégories d’indicateurs de mobilité, l’une regroupe les indicateurs chimiques et physico-chimiques et l’autre, les indicateurs biologiques. Seuls les deux premiers seront abordés afin de cibler la mobilité en tant que telle et non la biodisponibilité.
3.1. Indicateurs chimiques
9Les indicateurs chimiques comprennent des extractions chimiques simples ou multiples. Les techniques d’extractions simples diffèrent par l’extractif et les conditions opératoires mises en œuvre, mais elles ne mènent cependant qu’à de la spéciation essentiellement fonctionnelle (Ure, 1991 ; Bermond, 1999 ; Bolan et al., 2008). Elles évaluent la part supposée biodisponible (teneur de la solution du sol ou de fractions réactives du sol) ou la quantité totale de métaux présents dans le sol à partir de leur mesure dans un extrait liquide (Bolan et al., 2008 ; Krishnamurti, 2008). Par exemple, on peut estimer la quantité de métaux disponibles pour les plantes à l’aide d’extraction simple basée sur l’utilisation d’agents chélatants tels que l’EDTA (acide éthylène diamine tétraacétique) et le DTPA (acide diéthylène triamine pentaacétique) (Haynes et al., 1983).
10Parallèlement à ces analyses simples, il est possible d’extraire successivement différentes fractions de métaux à l’aide d’extractions chimiques multiples appelées extractions séquentielles. Cette technique consiste en une série d’extractions successives basées sur le choix de réactifs dont l’application permet la détermination des formes chimiques des éléments de solubilité décroissante (Tessier et al., 1979). Les fractions chimiques extraites sont définies selon les extractifs et les conditions d’extractions utilisées et non pas selon leur minéralogie (Cornu et al., 2000). De nombreux protocoles d’extractions séquentielles sont adaptés de la méthode proposée par Tessier et al. (1979) qui consiste à extraire cinq fractions :
11– la fraction échangeable,
12– la fraction liée aux carbonates,
13– la fraction liée aux oxydes de fer et de manganèse,
14– la fraction liée à la matière organique,
15– la fraction résiduelle (Krishnamurti, 2008).
16Ces fractions peuvent se rattacher aux grandes classes de constituants du sol (Cornu et al., 2000). Depuis, nombres de protocoles ont été développés en modifiant la méthode de Tessier initiale. C’est pourquoi, afin d’harmoniser les procédures d’extractions séquentielles, le Bureau Communautaire de Référence (BCR) a développé une méthode en trois étapes basée sur trois extractions successives. Les trois phases supposées extraites sont :
17– la phase échangeable (fraction acido-soluble et soluble dans l’eau),
18– la phase regroupant les oxydes de fer et de manganèse,
19– les métaux liés à la fraction organique et aux sulfures (Quevauviller et al., 1997).
20Malgré ce souhait d’ajuster la méthode d’extraction séquentielle, de nombreux auteurs continuent d’utiliser des protocoles modifiés de la méthode originale de Tessier et al. (1979) ou de celle mise en place par le BCR (Fernández et al., 2004).
21Les protocoles d’extractions séquentielles ne font toutefois pas l’unanimité. De fait, des phénomènes de refixation des métaux se dérouleraient entre deux extractions, les soustrayant de la solution analysée et sous-estimant la quantité de métaux extraits (Bermond, 2002). Par ailleurs, un doute persiste sur la non-sélectivité des différents réactifs chimiques dont le pouvoir extractif dépend des conditions d’acidité et dont l’évolution dans le temps n’est pas toujours prévisible. À cela, s’additionne le fait que le réactif ne dissout peut-être pas l’entièreté du compartiment pour lequel il a été sélectionné (Bermond, 1999). Il est donc fastidieux de mettre en place une méthode fiable pour déterminer la localisation précise des métaux dans le sol. Ces protocoles ne permettent qu’un fractionnement opérationnel qui ne mènera au mieux qu’à une comparaison d’échantillons de sols de composition relativement proche (Bermond, 2002).
3.2. Indicateurs physico-chimiques
22Les indicateurs physico-chimiques sont des dispositifs semi-perméables basés soit sur des équilibres de distribution des métaux, soit sur la diffusion des métaux à travers une matrice créant des liens irréversibles avec celle-ci (Peijnenburg et al., 2007). Ils approchent la distribution fractionnée des ETM (Cd, Cr, Ni, Pb) dans les sols par simple étude de l’échange des métaux labiles1 (Peijnenburg et al., 2007). Une de ces techniques consiste à utiliser des résines équilibrées avec une capacité d’extraction à pH spécifique pour une solution de sol contaminé dont le pH tamponné (Peijnenburg et al., 2007). Parallèlement, une autre méthode permet l’évaluation des concentrations effectives de la solution du sol et la réserve additionnelle en métaux à partir de la phase solide à l’aide d’une technique in situ du gradient de diffusion en couche mince (DGT) (Peijnenburg et al., 2007 ; Hooda et al., 2008).
4. L’immobilisation des ETM par modification des propriétés du sol
23Le risque de dispersion environnementale des ETM à partir d’un sol contaminé dépend de leur mobilité. Il est possible de réduire la quantité de métaux de la solution du sol en ayant recours à des techniques de stabilisation physico-chimique qui modifient la spéciation des contaminants en tendant vers des formes moins solubles sur base de processus physico-chimiques. Cette diminution de la solubilité des métaux est généralement approchée à l’aide d’une analyse chimique simple basée sur un seul extractif.
4.1. Immobilisation par des amendements inorganiques
24Les amendements inorganiques communément appliqués sur sols contaminés en vue d’une remédiation sont à base de chaux (Tableau 1). L’application d’amendements tels que du CaCO3 (Simon, 2005 ; Geebelen et al., 2006 ; Castaldi et al., 2009 ; Zu et al., 2011), Ca(OH)2 (Lombi et al., 2002), des boues de betteraves sucrières (Alvarenga et al., 2008 ; Madejon et al., 2009) permet l’amélioration des propriétés chimiques du sol et surtout l’augmentation du pH, de la CEC et de la fixation des contaminants par les carbonates.
25Les composés phosphatés comme l’hydroxyapatite (Misra et al., 2007) et les sels de phosphates (Chen et al., 2000) sont également envisageables sur les sols contaminés afin de diminuer la mobilité des éléments traces par précipitation des composés métalliques peu solubles (Panfili, 2004).
26Dans certains cas, ce sont des sous-produits de l’industrie qui viennent en support des techniques d’immobilisation des contaminants dans les sols. Parmi ceux-ci, on peut citer la béringite (Mench et al., 2003) qui est une substance riche en aluminosilicates obtenue par traitement thermique des déchets miniers riches en schistes de l’ancienne mine de Beringen (Vangronsveld et al., 1995), les boues rouges (Gray et al., 2006 ; Garau et al., 2007) qui sont des sous-produits de l’industrie du traitement de la bauxite, les cendres volantes (Geebelen et al., 2002 ; Geebelen et al., 2006), sous-produits de la combustion de charbon, etc.
27Les oxydes métalliques sont également appliqués en remédiation pour leur pouvoir de sorption important et leur capacité de piégeage des éléments traces lors de la croissance minérale, qui diminuent la solubilité des métaux dans les sols. Parmi ceux-ci, on peut citer les oxydes de manganèse (Chen et al., 2000 ; Kumpiene, 2010), de fer (Chen et al., 2000 ; Kumpiene, 2010), d’aluminium (Kumpiene, 2010) ou de zinc (Lee et al., 2004).
28L’immobilisation des ETM est possible également par l’application d’argiles sur les sols qui jouent sur la capacité adsorbante des sols grâce à leurs charges permanentes qui permettent notamment la fixation de cations (Zn, Ni, Cd, Pb, etc.) (Lothenbach et al., 1998). Les argiles communément utilisées en matière de remédiation sont la bentonite (Geebelen et al., 2002) et la palygorskite (Alvarez-Ayuso et al., 2003). Dans certains cas, les chercheurs ont recours à l’application de zéolites (Chen et al., 2000 ; Garau et al., 2007 ; Castaldi et al., 2009). Celles-ci ont une composition chimique proche et une capacité adsorbante semblable à celles des argiles.
29Parallèlement aux immobilisations à l’aide d’un seul additif inorganique, certains chercheurs proposent de combiner les amendements et, de ce fait, maximisent leurs effets (Tableau 2). Les couples donnés dans la littérature sont souvent composés de chaux associée à des zéolites (Simon, 2005), des boues rouges (Gray et al., 2006) ou des sels de phosphates (Simon, 2005 ; Geebelen et al., 2006). D’autres auteurs proposent également des grenailles d’acier combinées à de la béringite (Mench et al., 2003) ou des cendres volantes (Ruttens et al., 2006). L’introduction des grenailles d’acier dans le sol produit une néoformation d’oxyhydroxydes de fer qui s’accompagne d’une augmentation du pH (Sappin-Didier2, 1995 cité par Panfili, 2004).
4.2. Immobilisation par des amendements organiques
30Les termes amendements organiques englobent les déchets organiques tels que les fumiers, les boues d’épuration, les ordures ménagères, les pailles, etc. (Tableau 3). Leur apport améliore les propriétés physico-chimiques des sols, représente une source d’éléments nutritifs à émission lente et permet une diminution de la biodisponibilité des métaux (Guo et al., 2006). Le compost est l’amendement organique le plus recensé, soit près de un sur deux. Son origine est variable : déchets verts (O'Dell et al., 2007 ; Alvarenga et al., 2008 ; Shutcha et al., 2010), de boues d’épuration traitées (Perez-de-Mora et al., 2006 ; Madejon et al., 2009) ou de déchets municipaux (Perez-de-Mora et al., 2006 ; Alvarenga et al., 2008). Les fumiers de porc (Chen et al., 2000 ; Lee et al., 2004), de vache (Walker et al., 2003) et de volaille (Liu et al., 2009) peuvent intervenir dans le processus d’immobilisation des éléments traces ou appuyer la phytoremédiation. Par ailleurs, la lignite (Sklodowski et al., 2006), la léonardite (Perez-de-Mora et al., 2006) et le biochar (charbon organique issu de la pyrolyse de résidus de biomasse) (Beesley et al., 2011 ; Trakal et al., 2011) font partie des amendements organiques émergents dans les études actuelles.
4.3. Immobilisation par association d’amendements inorganiques et organiques
31L’association entre des amendements organiques et inorganiques se pratique généralement afin d’augmenter les chances de réussite de la remédiation (Tableau 4). Un des amendements est parfois appliqué uniquement pour améliorer les conditions du milieu en vue de la remédiation. Le plus souvent, ce sont la chaux, le compost ou la tourbe qui sont appliqués ou combinés à d’autres amendements (Mench et al., 2003 ; Simon, 2005 ; Kumpiene et al., 2007).
4.4. Efficacité des traitements
32L’utilisation de l’immobilisation in situ est une technique de remédiation envisageable en matière de gestion de sols contaminés. Elle ne sollicite pas d’excavation préalable, car les amendements sont directement appliqués sur le sol. Cette technique a comme avantages d’être non invasive, simple, rapide, relativement accessible financièrement, non productrice de déchets et applicable à une large gamme de contaminants inorganiques (Wuana et al., 2011).
33Parmi ces solutions (Tableaux 1, 2, 3 et 4), certaines sont plus efficaces que d’autres. On peut citer l’application de la chaux (Lombi et al., 2002) qui, seule ou associée à des amendements organiques tels que le fumier de porc (Lee et al., 2004) ou la tourbe (Simon, 2005), est une option de remédiation efficace qui induit systématiquement une diminution de la fraction mobile des contaminants. En général, l’application de compost conduit à la diminution des teneurs solubles en ETM comme observé, par exemple, par Alvarenga et al. (2008) pour un compost de déchets municipaux et un de déchets verts sur les teneurs solubles en Cu, Pb et Zn des sols. De leur côté, Walker et al. (2003) ont relevé que le fumier de vache permettait, à dose égale, une plus forte réduction de la biodisponibilité des métaux comparativement à un compost fortement humifié.
34L’utilisation sur plusieurs années permet également de lisser les différences constatées sur une seule année d’expérimentation. C’est le cas dans l’étude de Gray et al. (2006) qui appliquent de la chaux, des boues rouges à raison de 2 ou 5 % w:w. Durant la première année, c’est l’application de boues rouges 5 % w:w qui induit la plus forte diminution de la quantité de métaux biodisponibles, alors que les mesures réalisées en fin de deuxième année ne montrent plus de différences entre les traitements. Une autre étude montre que les boues rouges appliquées à raison de 2 % w:w sont tout aussi efficaces que de la béringite à 5 % w:w (Lombi et al., 2002).
35Par ailleurs, certains amendements sont peu efficaces et vont jusqu’à augmenter la mobilité des métaux. C’est le cas de la magnétite et de la maghémite qui, toutes deux, amplifient la fraction de Cu et Zn extraite au Ca(NO3)2 (Mench et al., 2003), soit la fraction échangeable en Cu et Zn du sol. La boue rouge peut également accroître la teneur en Cr total du sol. Durant leur expérimentation, Gray et al. (2006) ont ajouté jusqu’à 5 % w:w de boue rouge et ils ont constaté une augmentation en Cr total du sol, car la boue rouge contenait jusqu’à 30 fois plus de Cr que le sol. Il serait donc prudent de vérifier au préalable les teneurs en métaux des amendements utilisés.
36Le type de sol peut agir sur l’efficacité d’un traitement. Lee et al. (2004) ont comparé des traitements appliqués à la fois sur sols argileux et sur sols sableux. Il en ressort que, sur sols argileux, les teneurs en Cd DTPA et EDTA diminuent après application de chaux tout comme le Pb EDTA après application d’oxydes de zinc. Parallèlement, sur les sols sableux, le fumier de porc permet une diminution de la teneur en Pb EDTA, mais ne joue ni sur les teneurs en Cd ni sur les teneurs en Pb et Cd des sols argileux (Lee et al., 2004). Le fumier est à conseiller en sols sableux pour les métaux qui ont une forte affinité avec la matière organique. C’est la combinaison chaux et fumier de porc qui, en couplant les effets positifs des deux amendements, conduit à la diminution la plus marquée du Cd et du Pb DTPA et ce, sur les deux types de sols (Tableau 4).
5. Conclusion
37Malgré leur efficacité, les techniques de remédiation par stabilisation physico-chimique ne sont pas les plus utilisées en matière de traitements de sols pollués, seulement 1,2 % des tonnages traités en 2010 en France (Cadière et al., 2012). Cependant, cette gestion in situ est bien moins couteuse (entre 25 et 40 EUR·t-1) que la technique hors site utilisée dans un cas sur quatre (entre 120 et 455 EUR·t-1) (Cadière et al., 2012).
38Les techniques de stabilisation in situ peuvent être soutenues dans leur mise en place par de la phytoremédiation qui est une technologie verte accessible financièrement (Garbisu et al., 2001). Ces pratiques font appel à des plantes dont le système racinaire explore le sol et en extrait des composés et des éléments chimiques pouvant conduire à une diminution des teneurs en contaminants du sol (Cunningham et al., 1993). Malheureusement, ce sont des méthodes peu répandues et consommatrices en temps. Elles ne représentent que 0,1 % des tonnages traités en France et ne prennent pas en compte toutes les techniques de phytoremédiation connues (Cadière et al., 2012). De fait, lors d’une étude relative au marché de la dépollution des sites et sols pollués en France en 2010, la phytostabilisation n’a été citée par aucun acteur de terrain, alors qu’elle permet une réduction du risque de transferts des contaminants par érosion et vers les eaux souterraines (Garbisu et al., 2001 ; Ruttens et al., 2006 ; Vangronsveld, 2006).
39La stabilisation se voit être une solution pratique pouvant être appliquée afin de finaliser un processus de décontamination de site. De plus, elle apporte des solutions de gestion limitant les transferts de contaminants de ces sites vers les milieux naturels, aquatiques et urbanisés avoisinants à l’aide de techniques abordables et peu intrusives, comme présentée tout au long de cette revue. Il faut cependant tenir compte des objectifs poursuivis par l’étude et sélectionner le traitement le plus adapté, car tous n’auront pas la même efficacité selon l’origine de la contamination, les doses apportées et les propriétés du sol traité.
40Malheureusement, le manque d’harmonisation au niveau des techniques proposées et des paramètres de sol à mesurer en matière de mobilité des contaminants est un réel handicap pour la gestion future des sites et sols pollués. À l’heure actuelle, aucun document de référence ne permet une comparaison efficace et objective entre protocoles d’extraction (extractif, concentration et temps d’extraction), ce qui limite fortement l’évaluation des traitements et de leur impact positif sur la mobilité des métaux.
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Notes
1 Métal labile : somme du métal libre et du métal faiblement lié aux ligands minéraux et organiques pouvant redevenir libre à court terme et étant rapidement extrait (Bermond et al., 2009).
2 Sappin-Didier, 1995. Utilisation de composés inorganiques pour diminuer les flux de métaux dans deux agrosystèmes pollués : étude des mécanismes impliqués par l’emploi d’un composé du fer. Bordeaux, France : Université de Bordeaux I.