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État des lieux des flux céréaliers en Wallonie selon différentes filières d’utilisation
Editor's Notes
Reçu le 18 avril 2013, accepté le 5 novembre 2013
Résumé
Les céréales (maïs fourrager compris) occupent plus de 60 % des terres arables wallonnes. Les filières céréalières, d’abord organisées pour assurer la sécurité alimentaire, se sont progressivement orientées vers d’autres débouchés. Dès maintenant, il s’agit d’inscrire la filière céréalière wallonne dans le contexte de nouveaux défis globaux : concilier la compétitivité et la durabilité des productions végétales et animales, répondre aux attentes sociétales et aux besoins en biomasse à finalité énergétique ou à l’élaboration de produits agro-sourcés. Dans ce contexte, cette recherche est le point de départ d’une thématique de recherche plus vaste, l’évaluation des performances environnementales et socio-économiques de différents scénarios d’évolution possible des valorisations alimentaires et non alimentaires des céréales wallonnes. Le présent article dresse un état des lieux des cultures céréalières wallonnes et de leurs débouchés en 2010. Les différents maillons de la chaine de production céréalière y sont analysés : production, collecte, négoce et transformation. Quatre grands types d’utilisation définissent le secteur de la transformation des céréales. Ceux-ci sont regroupés sous l’appellation « 4F » pour Food (valorisation en alimentation humaine), Feed (valorisation en alimentation animale), Fuel (valorisation énergétique) et Fiber (valorisation « matière »). Grâce à la collecte de données auprès des acteurs de la filière en Wallonie, des estimations de flux de matières pour les quatre finalités ont été réalisées permettant ainsi d’établir une photographie qualitative et quantitative des ressources céréalières wallonnes. Cette approche est un préalable indispensable à l’élaboration de scénarios de valorisation des céréales wallonnes à l’horizon 2030, qui seront présentés dans un second article.
Abstract
Survey on cereal resources in Wallonia according to their different uses. More than 60% of the arable cropped area in Wallonia is dedicated to cereals. Cereal chains were initially aimed at ensuring food security but are now progressively oriented towards new non-food uses. Walloon cereal chains are now having to face up to new global challenges: to ensure the competitiveness and sustainability of vegetal and animal chains, to match society’s expectations and to meet the biomass needs for energy uses and bio-based products. Within this framework, this research aims to evaluate the environmental and socio-economic sustainability of future scenarios of current and potential food and non-food uses for Walloon cereals. This paper, the first in a series of two, presents the current picture of Walloon cereal crops and their uses. Various steps are analyzed: production, collection, wholesale and processing. Four main uses characterize cereal processing: the so-called “4Fs”, representing Food (human food uses), Feed (animal feed uses), Fuel (energy uses) and Fiber (material uses). Data collected from stakeholders in the Walloon cereal chain enabled us to assess cereal flows for the “4Fs”, drawing a qualitative and a quantitative picture of Walloon cereal resources including the key elements of the cereal chains. This approach serves as a basis for a prospective exercise, described in a companion paper, which develops potential uses for Walloon cereal resources at the 2030 horizon.
Table of content
1. Introduction
1La multiplicité des usages des céréales entraine une pression sur l’approvisionnement des différentes filières de valorisation. Avec le développement du marché des biocarburants, le risque de concurrence pour l’utilisation de produits et sous-produits céréaliers augmente (van Asselt et al., 2011). De plus, la multiplicité des usages des ressources foncières (habitation, activité économique, loisirs, …) provoque une concurrence entre les différentes utilisations des terres (Lefebvre et al., 2011), nécessitant l’établissement d’équilibres entre ces différentes finalités.
2Bien que plus de 60 % des terres arables wallonnes soient consacrées aux céréales (DGSIE, 2011), il n’existe pas de relevé des flux d’utilisation de celles-ci permettant d’estimer la part destinée à l’alimentation humaine, à l’alimentation animale, aux biocarburants et aux valorisations matières.
3La présente approche a pour but de quantifier les ressources céréalières disponibles en Wallonie d’une part et, d’autre part, d’estimer les utilisations alimentaires et non alimentaires de ces ressources en 2010, à partir d’interviews de personnes clés au niveau des différents maillons des filières analysées et de ressources bibliographiques et statistiques.
4L'objectif général de cette étude est de définir et d'évaluer, en impliquant les acteurs des filières et des territoires concernés, la pertinence de scénarios de valorisations alimentaires et non alimentaires des ressources céréalières wallonnes. Le travail à réaliser est structuré en plusieurs phases :
5– construction d’un état des lieux des flux céréaliers wallons en 2010,
6– définition de scénarios de valorisation 4F (Van Stappen et al., 2014) des ressources céréalières wallonnes à l’horizon 2030,
7– analyse des impacts environnementaux et socio-économiques des différents scénarios définis grâce à l’utilisation des analyses du cycle de vie environnementale et socio-économique,
8– évaluation globale de la pertinence des différents scénarios de valorisation des céréales définis via une analyse multi-critères.
9À chaque étape de l’étude, que ce soit pour la collecte d’informations, la confirmation des hypothèses ou la validation des choix méthodologiques, les acteurs du secteur sont directement impliqués.
10Cette étude vise à mieux évaluer la compétition éventuelle existante entre les différents usages et de pouvoir, sur cette base, mieux saisir les opportunités d’évolution du secteur céréalier wallon. Cet état des lieux et les tendances identifiées ont servi de base à l’établissement d’une approche prospective du secteur céréalier wallon (Van Stappen et al., 2014) afin d’appuyer les choix stratégiques que ce dernier se doit de poser pour tenter de faire face aux défis auxquels l’agriculture et le secteur agro-alimentaire sont confrontés, que ce soit en termes de sécurité alimentaire (en quantité et en qualité), de protection de l’environnement ou encore suite à la raréfaction des énergies fossiles (Guillou et al., 2008).
2. Méthodologie appliquée pour l’établissement des flux céréaliers wallons
11Cette section vise à identifier les origines et les destinations des céréales produites en Wallonie. Au niveau belge, les bilans d’approvisionnement en céréales ne sont plus disponibles. Outre ce manque de données statistiques nationales, les données régionales sont quasi inexistantes. Dès lors, la méthodologie adoptée a privilégié la collecte des données directement auprès des acteurs des filières concernées. Les flux présentés dans ce document reposent donc, pour une bonne partie, sur des estimations à dire d’experts, à défaut de données officielles.
2.1. Production
12La production wallonne de céréales, considérée dans le cadre de cette étude, correspond à la moyenne des valeurs pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010, à partir des données fournies par la Direction Générale Statistique et Information Économique (DGSIE) du Service Public Fédéral Économie (SPF Économie) en 2011.
13Il s’agit d’une production estimée reposant sur la connaissance de la superficie consacrée à la culture et du rendement annuel moyen estimé à l’échelle de la Wallonie.
2.2. Intraconsommations et pertes
14Le flux « intraconsommations et pertes » correspond à la différence entre la production théorique (basée sur la superficie consacrée aux cultures et les rendements moyens estimés) et la collecte réelle.
15Par « intraconsommation », il faut entendre les céréales qui sont produites et consommées à l’échelle de l’exploitation sans faire l’objet de transaction commerciale extérieure. Les utilisations principales des volumes intraconsommés sont l’alimentation du bétail et, dans une moindre mesure, les semences à la ferme. Ces volumes peuvent néanmoins être stockés par un négociant et revenir à la ferme après transformation (aplatissement des grains par exemple). Les volumes intraconsommés sont difficilement quantifiables car très variables d’une année à l’autre et très dépendants du prix des céréales (Couvreur, 2011, communication personnelle).
16Les pertes correspondent à l’écart rencontré entre la quantité disponible sur le marché et la production théorique. Elles peuvent être relatives à un problème observé lors de la récolte (verse, grains germés, etc.), aux écarts entre les rendements moyens estimés et les rendements réels ou encore aux freintes lors du stockage et du transport.
2.3. Exportations
17Les données relatives à l’exportation des céréales wallonnes proviennent de la Banque Nationale de Belgique (BNB, communication personnelle) et se placent au niveau belge. Les transferts de la Wallonie vers la Flandre ne sont donc pas considérés. La quantité exportée considérée est la moyenne des données pour les années 2007 à 2010. Ces données correspondent aux grains wallons bruts, non transformés et non destinés à l’ensemencement, exportés au départ du territoire wallon. La destination et l’utilisation des céréales ne sont pas répertoriées.
2.4. Le marché intérieur
18Après consultation du secteur du négoce, une extrapolation des données de collecte des céréales récoltées a permis d’estimer l’ensemble de la collecte wallonne. Le flux correspondant au marché intérieur est obtenu en soustrayant les exportations de la collecte estimée. Afin de quantifier cette collecte, les acteurs contactés ont été l’Association Professionnelle des Fabricants d’Aliments Composés pour Animaux (APFACA), la Société BioWanze, la Malterie du Château de Belœil, les Moulins de Statte, la Société Coopérative Agricole de la Meuse (SCAM), la s.a. Wal.Agri et le Centre wallon de Recherches Agronomiques (CRA-W).
2.5. Les débouchés
19Les débouchés concernent uniquement les céréales qui font l’objet d’une transaction via le négoce. En raison de la difficulté à quantifier les volumes et les usages des céréales qui ne transitent pas par le négoce (intraconsommation, échanges, etc.), ces flux ont été estimés à partir des données issues du négoce.
20Au cours des rencontres avec les principaux négociants actifs en Wallonie, il a été possible d’estimer les quantités valorisées par les différentes voies d’utilisation des céréales, soit l’alimentation humaine (Food), animale (Feed), les biocarburants (Fuel) et la valorisation « matière » (Fiber). À partir de ces données et des informations recueillies lors d’interviews, les divers pourcentages de céréales produites en Wallonie et livrées au secteur belge de la transformation (amidonnerie, industrie des aliments pour animaux, malterie et meunerie) ont pu être déterminés. L’hypothèse a été posée que le profil d’utilisation des céréales wallonnes établi par les acteurs du négoce pouvait être extrapolé aux céréales récoltées par le secteur de la transformation au niveau de toute la Wallonie.
21Les chiffres de transformation obtenus pour la Belgique sont issus de différentes sources. Ainsi, la quantité de céréales transformées par l’industrie des aliments pour animaux a été obtenue en sommant les approvisionnements de l’APFACA, qui représentent 97 % de la production belge des aliments composés. Le chiffre de la transformation belge des secteurs des biocarburants a été obtenu en sommant les approvisionnements totaux des trois sites belges de production de bioéthanol. La quantité de céréales transformées en Belgique à destination de la meunerie a été évaluée sur base des renseignements obtenus auprès de divers acteurs du secteur cités plus haut. Par ailleurs, la base de données européenne Prodcom (Prodcom, 2007) a été utilisée pour obtenir la quantité de malt produit en une année en Belgique et un coefficient de transformation inverse a ensuite été appliqué pour en déduire la quantité d’orge nécessaire à cette production. Les pailles sont utilisées pour la litière animale, l’alimentation animale et le renouvellement de la matière organique du sol. La répartition entre ces trois utilisations a été estimée à dire d’experts : CRA-W, ULg Gembloux Agro-Bio Tech, Service public de Wallonie (SPW), Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA), ValBiom. La production de biogaz à partir de maïs fourrager a été estimée à partir des données fournies par l’asbl ValBiom.
22Les quantités de sous-produits obtenus dans les secteurs de l’amidonnerie, la meunerie et la malterie ont été déterminées au moyen d’équations de transformation disponibles dans la littérature, respectivement dans Abécassis et al. (2009) pour l’amidonnerie et la malterie et dans Lenartz (2008) pour la meunerie.
3. Résultats : état des lieux du secteur céréalier wallon
3.1. La production céréalière en Wallonie
23En Wallonie, sur la moyenne de 2007 à 2010, près de 50 % de la superficie sous labour est couverte par des céréales à grains, soit 192 037 ha (DGSIE, 2011). Les cinq principales cultures céréalières sont le froment (Triticum aestivum L.), l’orge (Hordeum vulgare spp.), l’épeautre (Triticum aestivum L. subsp. spelta [L.] Thell.), le maïs grain et le maïs fourrager (Zea mays spp.) (Figure 1).
24Si l’on se focalise sur les principales espèces de céréales, les variations interannuelles en termes de surface emblavée sont peu importantes pour le froment et le maïs fourrager, au contraire de l’orge, de l’épeautre et du maïs grain (Figure 2).
25Caractérisée par des terres agricoles très fertiles, la région limoneuse constitue la première région agricole productrice de céréales en Wallonie. Les cinq cultures céréalières étudiées citées plus haut représentent, en Wallonie, 41 % de la SAU de la région limoneuse et 8,5 % de la SAU de la région sablo-limoneuse. Enfin, le Condroz, avec près de 50 000 ha consacrés aux cultures céréalières, représente 17 % des surfaces de céréales à grains en Wallonie (DGSIE, 2011). Les régions Ardenne, Famenne, Herbagère liégeoise, Jurassique, Haute Ardenne et Herbagère des Fagnes sont majoritairement occupées par des prairies et des cultures fourragères et représentent, ensemble, 8 % de la superficie des céréales à grains wallonnes (DGSIE, 2011).
26La figure 3 permet de visualiser la répartition des surfaces céréalières et des espèces cultivées par région agricole selon la SAU, maïs fourrager compris. La taille des graphiques (format « secteurs ») par région agricole est proportionnelle à la surface agricole de la région agricole concernée. Pour être complet, le tableau 1 reprend la surface en céréales et la SAU en région wallonne. Il apparait (Figure 3) que les grandes régions céréalières cultivent principalement des céréales à haut rendement, telles que le froment d’hiver et l’orge d’hiver. Le maïs grain, qui occupe des surfaces réduites mais en croissance, se rencontre surtout dans le Nord de la Wallonie (75 % en Région sablo-limoneuse et 23 % en Région limoneuse). Les régions moins fertiles (Famenne, Ardenne, Région jurassique, Haute Ardenne) présentent un profil en céréales plus diversifié. Enfin, proportionnellement à la SAU, le maïs fourrager se cultive principalement dans les régions orientées vers l’élevage (Ardenne, Famenne, Région jurassique, Région Herbagère liégeoise, Haute Ardenne et Région Herbagère des Fagnes).
27La production et le rendement des cinq principales céréales wallonnes sont résumés dans le tableau 2.
28Pour rappel, les données relatives au rendement sont une moyenne des valeurs des années 2007 à 2010. Comme illustré à la figure 4, le rendement du maïs épi broyé est le plus sujet aux variations interannuelles. Le rendement du maïs fourrager est, quant à lui, plus stable sur la période prise en compte.
29Le froment d’hiver est majoritaire, le froment de printemps contribuant à peine à 1 % de la production totale de froment. Depuis 1995, l’évolution de la superficie consacrée au froment a augmenté de 9 %. En moyenne, son rendement en matière fraiche s’élève à 87 qx·ha-1, alors qu’il n’atteignait que 74 qx·ha-1 en 1995. Ce chiffre masque cependant de fortes disparités entre zones de production, avec un rendement qui atteint 90 qx·ha-1 en région limoneuse et 49 qx·ha-1 en Haute Ardenne.
30En Wallonie, trois types d’orge sont cultivés : l’orge d’hiver, l’orge de printemps et l’orge brassicole. L’orge d’hiver, orge à 6 rangs nommée aussi escourgeon, représente 94 % de la production totale et est destinée à l’alimentation animale. L’orge de printemps, ou orge à 2 rangs, est minoritaire (6 % de la production totale d’orge). L’orge de brasserie, destinée à la fabrication du malt, représente 75 % de la production d’orge de printemps.
31L’épeautre, sous-espèce rustique du blé tendre, couvre 4 % des superficies allouées aux céréales. Cette culture a la particularité de posséder des racines profondes et peut pousser sur des terrains pauvres et secs. Cet avantage en fait une céréale privilégiée dans les régions agricoles peu fertiles, telles que l’Ardenne et la Famenne. Son rendement moyen est estimé à 71 qx·ha-1, mais oscille entre 84 qx·ha-1 en région limoneuse et 34 qx·ha-1 en Haute Ardenne. Le rendement moyen en Wallonie s’est fortement amélioré depuis 15 ans. Il atteignait 57 qx·ha-1 en 1995 et s’élève aujourd’hui à 71 qx·ha-1, soit un gain de 1,4 t·ha-1. La production moyenne d’épeautre a cependant diminué de 25 % en 15 ans.
32Le maïs grain peut être sec ou humide. Le maïs grain « sec » est récolté avec une teneur en humidité comprise entre 25 et 40 % avant d’être séché pour être ramené à une teneur en humidité de 14 % afin d’être conservé. Le maïs grain humide (ou Corn Cob Mix, CCM) se récolte comme le maïs grain sec, entre 25 et 40 % d’humidité, mais contrairement à ce dernier, il est conservé en silo à l’humidité de récolte. Le maïs grain destiné à l’alimentation animale connait un essor important dans notre pays (Figure 5). Son aire de culture se situe principalement en Flandre, mais cette culture se développe également en Wallonie.
33Comme souligné précédemment, les rendements mentionnés dans le tableau 2 masquent de fortes disparités entre zones de production. Néanmoins, une évolution globale à la hausse des rendements est observable sur l’ensemble de la période prise en compte. Cette amélioration peut s’expliquer par l’influence de facteurs difficilement dissociables, dont notamment l’amélioration génétique et l’évolution des pratiques culturales (Ewert et al., 2005).
34Si la superficie céréalière a peu changé entre 1995 et aujourd’hui (+ 2 %), l’importance relative des espèces céréalières cultivées a, quant à elle, fortement évolué. Les évolutions les plus marquantes concernent le développement de la culture de maïs grain, l’avènement du maïs fourrager étant bien antérieur. Le maïs grain et le maïs fourrager ont respectivement connu une augmentation de 31 % et 19 % depuis 1995. Le froment reste la céréale la plus cultivée en Wallonie, alors que l’orge et l’épeautre, deux céréales également importantes, ont vu leurs surfaces diminuer. Les céréales comme le seigle, l’avoine et le triticale se sont elles aussi raréfiées. Afin d’identifier les substitutions possibles entre cultures durant ces 15 dernières années, la figure 5 propose une visualisation des évolutions de l’ensemble des surfaces emblavées avec les principales espèces cultivées en Wallonie. Si les cultures liées au régime de quota comme la betterave sucrière diminuent dans l’assolement, d’autres, telles que la pomme de terre, le colza ou les légumineuses, se sont bien développées.
35Sur un total de 14 502 exploitations agricoles wallonnes en 2010, 58 % produisaient des céréales. Bien que le nombre d’exploitations wallonnes diminue drastiquement depuis 15 ans, la superficie wallonne consacrée aux céréales, maïs fourrager compris, peut être qualifiée de très stable (moyenne de 242 893 ha avec un écart-type de 10 960 ha).
3.2. La collecte et le négoce
36Hormis les deux principaux négociants, SCAM et WALAGRI, le reste de la collecte est réalisé par des négociants indépendants et par certains agriculteurs qui peuvent également stocker des céréales à la ferme. La moyenne au cours des années 2008 à 2010 indique que 300 000 t de froment, soit 30 % de la collecte et 80 000 t d’orge, soit 28 % de la collecte, ont subi cette opération. Les organismes de collecte vendent les céréales aux industries de première transformation. Le transport par voie fluviale assure à lui seul 50 % des livraisons en céréales (secteur négoce, 2011, communication personnelle).
3.3. Transformation et utilisation des céréales
37Sur les 220 entreprises utilisatrices de céréales que nous avons identifiées au niveau national, nous avons pu définir, en recoupant nos différentes sources d’information, que seules 40 se situent en Wallonie.
38Alimentation humaine (Food). Si la vocation première des céréales au niveau mondial reste l’alimentation humaine directe, l’utilisation belge des céréales wallonnes pour ce débouché ne représente plus que 9 % du blé et 4 % de l’orge, ce qui est très faible.
39La meunerie. La meunerie représente la première voie d’utilisation des céréales à destination de l’alimentation humaine. D’après les données Prodcom (Prodcom, 2007), la meunerie belge a livré, en 2007, 1 229 000 t de farine de froment. Environ 400 000 t ont été exportées en dehors de l’Union européenne.
40Selon les informations fournies par les différents acteurs du secteur (cf. 2.4.), la quantité de céréales transformées en Belgique et destinées à la meunerie est évaluée à 1 523 000 t. Le blé utilisé à cette fin est néanmoins majoritairement importé de France ou d’Allemagne. La meunerie belge utilise moins de 15 % de blé indigène. Cette situation se justifie par les exigences de qualité des blés meuniers utilisés (notamment une teneur élevée en protéines). Or, en Belgique, les lots de blé sont très hétérogènes et il est difficile de se procurer une variété pure (Louppe, Conseil wallon de Filières Grandes Cultures, communication personnelle).
41Si les principaux moulins industriels se situent en Flandre, l’essentiel du blé meunier belge provient de Wallonie (94 %). La meunerie wallonne représente moins de 2 % de la production des moutures belges. En général, les blés y sont acheminés par camion ou par tracteur.
42In fine, sur les 211 500 t de blé panifiable wallon, seuls 8 % sont utilisées en Wallonie, le solde est transformé en Flandre.
43Les meuneries wallonnes ne disposent pas de grandes infrastructures de stockage du blé. Elles travaillent en partenariat avec les négociants qui peuvent réaliser des allotements spécifiques à la demande.
44L’utilisation d’épeautre pour la mouture est dérisoire en Wallonie. Elle représente moins de 1 % de la production de farine. Seuls quelques moulins artisanaux transforment l’épeautre à destination des boulangeries.
45Pour 20 000 t de blé transformé par année en Wallonie, 15 000 t de farine et 5 000 t de sons et résidus de meunerie sont produits (on estime que la transformation donne 75 % de farine et 25 % d’issues [Lenartz, 2008]). La quasi-totalité de la farine produite en Wallonie est consommée en Wallonie. Les débouchés sur le marché wallon sont majoritairement la boulangerie artisanale (50 %), la boulangerie industrielle (30 %) et l’industrie alimentaire (20 %). La farine wallonne ne représente que 6 % de la farine consommée par les boulangeries artisanales. Celles-ci utilisent principalement de la farine en provenance de France.
46La malterie. La presque totalité de l’orge brassicole belge est cultivée en Wallonie (91 %). Cependant, cette production (13 000 t) reste très marginale puisqu’elle représente à peine 4 % de la production totale d’orge wallonne, en ce compris l’escourgeon. De plus, il n’est pas rare que l’orge destinée à la brasserie se voit déclassée et ne soit pas valorisée par la malterie, selon la composition en protéines ou le prix sur le marché.
47La malterie est quasiment le seul débouché de l’orge en alimentation humaine. La malterie belge est organisée autour de six malteries dont deux sont situées sur le territoire wallon. Les coproduits générés lors du maltage (drêches et radicelles de dégermage) sont valorisés dans l’alimentation animale. D’après les chiffres Prodcom (Prodcom, 2011), la production belge moyenne de malt au cours des années 2008 à 2010 s’élève à 807 630 t de malt. Ce secteur utilise donc près d’un million de tonnes d’orge (993 385 t précisément). Avec une production nationale moyenne de 13 000 t d’orge brassicole, la Belgique est importatrice nette de cette céréale. L’orge utilisée en brasserie provient principalement de France, du Danemark, d’Allemagne et du Royaume-Uni.
48Alimentation animale (Feed). L’alimentation animale représente le principal débouché des céréales en Wallonie : 45 % des céréales à grains wallonnes sont transformées dans le secteur de l’industrie de l’alimentation animale. Les céréales sont consommées soit directement à la ferme, soit après transformation par les entreprises correspondantes. Le secteur absorbe non seulement une importante quantité de grains, mais également de nombreux coproduits issus de la transformation des céréales. Les éleveurs wallons cultivent massivement le maïs fourrager : il représente 16 % de la SAU wallonne. Les céréales à grains comme le froment, l’orge, l’épeautre et le maïs peuvent également être récoltées dans le but de nourrir les animaux de l’exploitation. Néanmoins, les grains subiront une transformation (aplatissage, floconnage, etc.) avant de revenir sur l’exploitation. Les volumes intraconsommés sont variables et fortement influencés par le prix des céréales. La répartition géographique des entreprises indique que plus de 90 % de la production belge d’aliments pour animaux est concentrée en région flamande. Avec près de 3 000 emplois directs, ce débouché constitue un maillon incontournable du secteur agro-alimentaire. Le blé représente 50 % de la consommation totale en céréales du secteur de l’alimentation animale belge. Si l’on ajoute l’orge et le maïs, on atteint 95 % des céréales utilisées par ce secteur (BEMEFA/APFACA, 2009). Un résumé des différents coproduits pouvant être obtenus à partir des différentes céréales, ainsi que leurs utilisations, est présenté au tableau 3.
49Bioéthanol (Fuel). Le secteur du bioéthanol belge s’est fortement développé ces dernières années. Les céréales utilisées par les unités belges sont essentiellement le froment et le maïs et occasionnellement l’orge. Ces unités utilisent annuellement près de 1 280 000 t de blé et 40 000 t de maïs. Lors de la campagne 2010-2011, au minimum 27 % de la production wallonne de blé fourrager a été transformée par l’industrie du bioéthanol (source confidentielle).
50Biogaz (Fuel). La quantité de maïs plante entière (fourrager) destinée à la production de biogaz a été estimée à 53 000 t alimentant, en tant que co-substrat, sept digesteurs en Wallonie. Ceci correspond à environ 1 000 ha (ValBiom, 2011, communication personnelle) pour une production théorique de 8 440 000 m³ de biogaz. Ceci représente environ 2 % du maïs fourrager produit en Wallonie, l’essentiel étant destiné à l’alimentation animale.
51Utilisations « matière » (Fiber). La principale utilisation matière est l’utilisation des pailles en tant que litière animale. On peut estimer que 80 % des pailles sont destinées à la litière animale, 10 % à l’alimentation animale et 10 % sont restituées au sol (Couvreur, 2011, communication personnelle).
4. Récapitulatif des flux céréaliers wallons
52Comme le montre la figure 6, les céréales wallonnes sont valorisées pour 45 % en utilisation directe par le secteur de l’alimentation animale (Feed). Le secteur de l’amidonnerie représente 44 % en utilisation directe et recouvre tant le Feed que le Fiber, le Food et le Fuel. Néanmoins, les céréales wallonnes alimentent au mieux 15 % de l’industrie belge des aliments composés pour animaux (504 000 t de céréales wallonnes comparées à 3 316 000 t de céréales consommées par cette industrie en Belgique).
53La figure 7 présente, pour chacune des cinq céréales, la situation moyenne, sur les années 2007 à 2009, des flux céréaliers wallons exprimés en tonnes de matière sèche. Le maïs est essentiellement valorisé au niveau du Feed (intraconsommation et aliments pour animaux) : 82 % pour le maïs grain et 98 % pour le maïs fourrager. Le froment et l’orge ont un profil nettement plus diversifié en termes d’utilisations avec respectivement 29 % et 49 % pour le secteur Feed, 25 % et 24 % pour le secteur Fiber et 29 % et 4 % pour le Fuel. La valorisation Food (meunerie et malterie) est relativement plus importante pour l’épeautre (20 %) que pour les autres céréales.
54Les données exprimées en tonnes de matière fraiche (MF) ont été converties en tonnes de matière sèche (MS) afin de pouvoir comparer aussi bien la paille que le grain. La figure 8 récapitule la situation en 2010 des flux céréaliers wallons vers les différentes filières d’utilisation, toutes céréales confondues, exprimés en tonnes de MS.
5. Discussion et conclusion
55Les interviews auprès des acteurs de la filière, les recherches dans la littérature et les statistiques officielles ont permis de réaliser un état des lieux des flux céréaliers wallons. La majeure partie des céréales wallonnes sont destinées à l’alimentation animale (Feed), que ce soit par l’apport de pailles ou d’aliments composés via l’industrie des aliments pour animaux. La deuxième grande utilisation est l’amidonnerie, qui comprend une partie de la valorisation en alimentation humaine (Food), en biocarburants (Fuel) et en utilisation matière (Fiber). L’utilisation directe des céréales wallonnes pour l’alimentation humaine est très limitée.
56L’originalité de la démarche menée dans cette étude a consisté à rassembler des données auprès d’acteurs du secteur de la production et de la transformation des céréales en Wallonie. Une analyse de la valorisation des flux de céréales a également été réalisée en France par Abécassis et al. (2009), mais à partir de données statistiques. Dans un souci de représentativité et de fiabilité des données, les acteurs interrogés ont été choisis en fonction de la place, prédominante ou non, qu’ils occupent au sein de la filière. Les données collectées ne prétendent donc pas être exactes, mais permettent néanmoins d’évaluer les flux et les échanges céréaliers à l’échelle de la Wallonie.
57Les résultats concernant la valorisation sous forme de bioénergie peuvent interpeller : première voie de valorisation énergétique des céréales, les biocarburants, dont plus particulièrement dans notre cas le bioéthanol, connaissent un développement croissant dans notre pays, inéluctablement lié aux politiques d’encouragement des biocarburants mises en place par l’Europe. Pour rappel, la directive européenne 2003/30/EC fixe des objectifs d’incorporations de biocarburants dans les carburants fossiles à hauteur de 5,75 % dès 2010. La directive 2009/28/EC du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, fixe un objectif plus contraignant encore avec la nécessité d’incorporer 10 % de biocarburants dans les carburants utilisés par le secteur du transport en 2020.
58Il n’a pas été possible de distinguer les résultats obtenus selon la variété ou selon les critères de qualité des céréales, en raison d’une absence de données à ce sujet. La qualité varie en effet en fonction des régions agricoles, des variétés, des conduites culturales, des conditions climatiques annuelles et donc des récoltes. À titre comparatif, l’étude menée en France par Abécassis et al. (2009), basée sur des statistiques nationales et sur les flux céréaliers français, présente des résultats très similaires à ceux présentés ci-avant: prédominance de l’utilisation en alimentation animale, régression de l’utilisation en alimentation humaine – bien qu’elle y demeure plus importante qu’en Wallonie – et développement du secteur des biocarburants, mais d’une manière relativement moindre que dans notre région.
59En conclusion, sur base d’affirmations d’experts, de statistiques régionales et de ressources bibliographiques, il a été possible d’estimer la répartition des flux céréaliers wallons selon leurs utilisations. Ce relevé des flux céréaliers n’existe pas à l’heure actuelle, que ce soit dans les statistiques officielles ou dans la littérature. La domination des utilisations Feed sur les utilisations Food notamment donne matière à réflexion quant à l’élaboration de scénarios d’utilisations futures des céréales wallonnes. Ainsi, dans le secteur de la meunerie, le blé wallon représentait, en 2010, à peine 8 % de la consommation en Belgique. Comment améliorer cette autonomie alors que, suite à l’augmentation des demandes en biocarburants, l’installation de bioraffineries en Wallonie représente un réel potentiel dans le développement des filières céréalières (Laurent et al., 2011). Au vu de ces différents potentiels de développement, une concertation sur le développement des utilisations futures potentielles des ressources céréalières semble judicieuse.
60Liste des abréviations
61APFACA : Association Professionnelle des Fabricants d’Aliments Composés pour Animaux
62BNB : Banque Nationale Belge
63CRA-W : Centre wallon de Recherches agronomiques
64CCM : Corn Cob Mix
65DGSIE : Direction Générale Statistique et Information Économique
66FWA : Fédération Wallonne de l’Agriculture
67MF : Matière Fraiche
68MS : Matière Sèche
69SAU : Superficie Agricole Utile
70SCAM : Société Coopérative Agricole de la Meuse
71SPF Économie : Service Public Fédéral Économie
72SPW : Service public de Wallonie
73Remerciements
74Nous tenons à adresser nos plus vifs remerciements aux nombreuses personnes ressources de la filière céréalière wallonne sollicitées dans le cadre de nos recherches et qui nous ont aimablement communiqué des données et prodigué des conseils. Le projet ALT-4-CER, au sein duquel est menée cette recherche, est financé par le Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W) dans le cadre de la loi de défiscalisation des institutions de recherches (dite Loi Moerman).
Bibliographie
Abécassis et al., 2009. Les filières céréalières, organisation et nouveaux défis. Versailles : Éditions Quæ.
Bemefa/Apfaca, 2009. Annuaire statistique 2009. Bruxelles : Bemefa/Apfaca.
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