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Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement/Biotechnology, Agronomy, Society and Environment

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Rovanirina Rakotobe, Malalatiana Razafindrakoto, Nasandratra Ravonjiarison, Éric Blanchart, Tantely Razafimbelo Andriamifidy, Laetitia Bernard, Manoa Raminoarison, Heriniaina Hobiarivelo Rakotomalala, Onja Ratsiatosika & Patrice Autfray

Recherche-action en partenariat et ressources végétales mobilisables pour la production de lombricompost dans les Hautes Terres de Madagascar

(Volume 28 (2024) — Numéro 3)
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Résumé

Description du sujet. Au niveau d’une commune péri-urbaine à Madagascar, un dispositif de recherche-action en partenariat a pour objectif d’améliorer l’offre en fertilisation organique par le lombricompostage.

Objectifs. Un inventaire des ressources végétales potentiellement mobilisables en lombricompostage a été premièrement effectué au cours des trois saisons agricoles.

Méthode. Une capitalisation des savoirs locaux a été effectuée en associant enquêtes individuelles et ateliers collectifs regroupant 42 agriculteurs et 10 animateurs.

Résultats. Soixante-trois espèces ont pu être identifiées avec leurs noms scientifiques et vernaculaires. Leurs utilisations habituelles ont été précisées. Ces ressources ont été regroupées en des entités contrastées : arbres, arbustes et plantes grasses, herbacées des jachères et friches, adventices et résidus de culture. Les résidus de riz, pailles et balles sont mobilisables hors saison des pluies (mai à novembre), alors que les adventices et les espèces annuelles des jachères et friches sont principalement mobilisables pendant la saison des pluies (décembre à avril). L’atelier de capitalisation a permis de recenser les savoirs des agriculteurs sur 27 des 63 espèces. Les six ressources végétales principales identifiées par les agriculteurs comme potentiellement mobilisables et propices au lombricompostage comprennent trois arbustes, les pailles de riz, les pailles de graminées de jachère et friche et les résidus de bananier.

Conclusions. Ce diagnostic inséré dans une première boucle de recherche-action en partenariat a permis de déterminer la disponibilité de ressources végétales pour le lombricompostage et d’associer savoirs locaux et connaissances scientifiques dans le cadre d’un apprentissage croisé.

Mots-clés : Recherche participative, diagnostic, plante de culture, plante sauvage, savoirs autochtones, écologie.

Abstract

Participatory action research on available organic resources for the production of vermicompost in Madagascar highlands

Description of the subject. In a peri-urban commune in Madagascar, Participatory Action Research (PAR) aims to improve the supply of organic fertilizer through vermicomposting.

Objectives. Firstly, an inventory of plant resources was carried out, with a study of their availability over the three agricultural seasons.

Method. A capitalization on local knowledge was performed by combining individual surveys and group workshops involving 42 farmers and 10 facilitators.

Results. Sixty-three species were identified with their scientific and local names. These resources were grouped into contrasting entities: trees, shrubs, succulents, fallow and fallow grass, weeds, and crop residues. Their various other uses were specified. Rice residues, straw, and husks are available outside the rainy season (May to November), while weeds and annual species from fallow and uncultivated land are mainly available during the rainy season (December to April). A capitalization workshop involving 42 farmers and 10 facilitators enabled knowledge of 27 of the 63 species to be compiled. Six main plant resources were identified collectively, including three shrubs, rice straw, fallow and fallow grass straw, and banana residues.

Conclusions. This survey, part of a PAR loop, helped to determine the availability of plant resources for vermicomposting and to combine local and scientific knowledge as part of a cross-learning process.

Keywords : Participatory research, diagnosis, cultivated plants, wild plants, indigenous knowledge, ecology.

Reçu le 2 octobre 2023, accepté le 10 septembre 2024, mis en ligne le 30 septembre 2024.

Cet article est distribué suivant les termes et les conditions de la licence CC-BY (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr)

1. Introduction

1Le lombricompost est un fertilisant organique résultant de la transformation des ressources organiques (végétales ou animales) par des vers de terre spécifiques de type épigé. Ce produit est idéalement pratiqué dans des conditions mésophiles (entre 20 et 25 °C) et constitue une fertilisation organique de qualité de référence dans le domaine de l’agroécologie et de la culture biologique (Dominguez & Edwards, 2011). L’Inde est à l’échelle mondiale le pays qui développe le plus des unités de production de lombricompostage à grande échelle (Mahanayak et al., 2017). Durant le processus du lombricompostage, les vers de terre contribuent à la décomposition aérobie de matières organiques avec l’action combinée des micro-organismes (Lemtiri et al., 2014). Le lombricompost peut être utilisé pour valoriser une ressource végétale abondante, comme certaines plantes invasives, moyennant une bonne gestion des graines (Zirbes et al., 2011). Outre ces propriétés fertilisantes, qui sur la base d’éléments totaux sont voisines d’un fumier de qualité (Ben Naamane et al., 2020a), le lombricompost améliore la biodiversité microbienne (champignons et bactéries) susceptible de mieux protéger les plantes de certaines maladies et de rendre les nutriments plus disponibles (Edwards & Arançon, 2014 ; Blouin et al., 2019). Dans le cadre du développement de l’agroécologie, la réduction de la pression d’insectes ravageurs peut être également recherchée grâce aux propriétés spécifiques de certains composés biochimiques aux effets insectifuges (Silvie et al., 2021 ; Rehman et al., 2023). Dans une méta-analyse récente, Blouin et al. (2019) signalent un gain moyen de 26 % sur la production commerciale dans 118 études réalisées avec des fertilisants à base ou associant le lombricompost. Les ressources végétales utilisées pour la production de matières fertilisantes organiques peuvent être diverses, en incluant des espèces spontanées, des résidus de cultures, des adventices et divers sous-produits agricoles (Moharana & Biswas, 2016). Non transformées, elles conservent des propriétés liées à leur composition biochimique initiale qui varie suivant les espèces (Stevenson et al., 2012) et les organes de la plante (Gajalashmi &Abbasi, 2004). Les ressources végétales peuvent impacter l’élevage des vers de terre et la qualité finale des produits (Sinha et al., 2002). Les espèces végétales qui ont des propriétés insecticides ou insectifuges font l’objet d’études plus approfondies dans le cadre de développement de l’agroécologie (Deravel et al., 2014). Des actions allélopathiques positives ou négatives sur les plantes cultivées et les organismes du sol sont possibles (Gajalakshmi & Abbasi, 2004). À Madagascar, les ONGs (Agrisud, 2020 ; Raharison et al., 2021) et la recherche accompagnent les agriculteurs en vue d’améliorer leurs fertilisations organiques dont la principale source est le fumier de bovins. Toutefois, la qualité de cette fumure est parfois perçue par les agriculteurs comme non satisfaisante (Ben Naamane et al., 2020a) et un grand nombre d’exploitations ne possèdent pas de bovins. Ainsi, le compostage est promu depuis de nombreuses années dans cette zone par l’ONG Agrisud International (Agrisud, 2020) et pratiqué par 10 à 15 % des exploitations dans la commune d’Imerintsiatosika (Ben Naamane et al., 2020b). Dans cette zone péri-urbaine réputée pour sa dynamique due à la proximité du marché de la capitale (Razanakoto et al., 2021), un diagnostic a été mené pour évaluer le potentiel mobilisable des ressources végétales. Si le potentiel disponible fait référence à l'ensemble des ressources présentes dans les champs cultivés, jachères, friches et moulins à riz, le potentiel mobilisable concerne la part de ces ressources pouvant être mise en valeur par les agriculteurs locaux. La méthodologie choisie a été la recherche-action en partenariat afin de pouvoir aborder la diversité des situations et relever les connaissances des agriculteurs sur ces ressources.

2. Matériel et méthodes

2.1. Zone d’étude et recherche-action en partenariat

2L’étude a été réalisée dans la région d’Itasy, dans la commune rurale d’Imerintsiatosika située à 30 km au sud-ouest d’Antananarivo, la capitale de Madagascar, sur les hauts plateaux centraux (altitude moyenne 1 300 m, 18°58′60″ Sud et 47°19′0″ Est). Le climat est de type tropical d’altitude avec une température moyenne de 18,7 °C et des précipitations moyennes annuelles de 1 295 mm. Trois saisons de cultures sont définies dans la région : Lohatoana, la saison intermédiaire avec l’arrivée des premières pluies, considérée comme le début de la saison agricole, de septembre à novembre ; Fahavatra, la saison pluvieuse et chaude, de décembre à avril ; et Ririnina, la saison sèche et fraiche, de mai à aout. Cette commune est composée de 36 fokontany (villages) dont six ont été sélectionnés pour cette étude : Amboara, Antamboho 1, Morarano Nord, Imerimandroso, Antsetsindranovato et Tsenamasoandro. Un partenariat entre ces fokontany et les ONGs Agrisud et Amadese a été établi depuis plusieurs années autour d’activités de recherche-développement. Ces ONGs, par leur proximité, permettent d’organiser avec les agriculteurs partenaires des sessions de formation, de débats et des échanges directs de paysan à paysan. La proximité de l’équipe de recherche pluridisciplinaire a permis de construire une démarche originale recherche-action en partenariat (RAP) (Figure 1).

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Figure 1. La démarche de recherche-action en partenariat avec notre phase de diagnostic sur les ressources végétales intégrée dans la première boucle itérative ayant pour objectif la co-conception de prototypes de lombricompostage ; en italique, avec les principaux produits des étapes de la première boucle — The Participatory Action Research approach integrating our survey on available organic resources integrated in the first iterative loop for vermicompost test and its main outputs in italics.

3Les principes de la RAP sont basés sur des boucles continues ou itératives d’activités de recherche qui donnent la priorité au savoir empirique (Cornish et al., 2023). Appliqués au développement de l’innovation agroécologique, ces principes peuvent se décliner en activités de diagnostic, d’expérimentations et d’évaluations continues (Le Bellec et al., 2012). Dans notre cas, en appui à la co-conception de prototypes de lombricompostage, l’objectif de la première boucle de RAP a été de réaliser un diagnostic sur les ressources végétales potentiellement mobilisables par les agriculteurs. Par la suite, des expérimentations multi-locales ont permis de tester chez différents agriculteurs leurs choix d’assemblages de fertilisants organiques, puis de réaliser des évaluations conjointes entre agriculteurs, ONGs et chercheurs (Figure 1). Les activités de recherches sont ainsi guidées par l’intégration des savoirs locaux durant toutes les activités (Aare et al., 2021). Dans le cas de l’agroécologie, les savoirs des agriculteurs sont considérés comme les plus légitimes, ni uniformes ni standardisés et réadaptés au cours de ses interactions avec son milieu (Companone et al., 2018).

2.2. Recueil de données et diagnostic sur les ressources végétales

4Des données sur les systèmes de production agricoles et des modalités d’application des fumures organiques sur la même commune étaient préalablement disponibles pour l’équipe de recherche (Razanakoto et al., 2021). Quarante-deux exploitations ont été sélectionnées sur la base de leur représentativité socio-économique et de volontariat à partir d’une base de données établie au cours du projet Secure (Agropolis fondation 2017-2021, https://www.secure.mg/) précédant le projet Innov’Earth (Agropolis fondation, 2022-2024) qui a financé cette étude. La superficie agricole de ces exploitations variait de 0,3 à 3 ha, avec une moyenne autour de 1,3 ha. Pour la réalisation de ce diagnostic des ressources végétales potentiellement utilisables pour le lombricompostage, quatre étapes distinctes ont été adoptées :

5– un inventaire des espèces cultivées et non cultivées par enquête individuelle auprès de 11 agriculteurs répartis dans les six villages ;

6– le recueil d’information supplémentaire par une évaluation à dires d’agriculteurs des usages actuels des ressources végétales ;

7– une enquête sur le potentiel mobilisable de ces ressources suivant la saison culturale ;

8– un atelier collectif de caractérisation multi-critères des ressources végétales sur les savoirs auprès des 42 agriculteurs après que les inventaires et la collecte des informations sur le terrain ont été réalisés.

9Le site https://motmalgache.org/bins/taxonLists?kingdom=B&order=1&range=CA héberge un dictionnaire et une encyclopédie malgaches utiles pour vérifier et déterminer les noms de certaines espèces répertoriées lors de l’inventaire. Pour chaque plante, nous avons mentionné leur principal domaine de présence (non cultivé ou cultivé) en les regroupant parmi les catégories suivantes :

10– arbres,

11– arbustes et plantes grasses,

12– herbacées de jachère et friche,

13– adventices,

14– résidus de culture.

15Lors de la deuxième étape, les utilisations potentielles, autres que le lombricompostage, ont été relevées, comme les propriétés médicinales, la consommation humaine, la lutte contre les insectes, la menuiserie, divers usages domestiques ou des utilisations agronomiques (fourrage, action anti-érosive, engrais vert). Concernant le potentiel mobilisable des ressources végétales (troisième étape), il a été estimé par des enquêtes individuelles en adoptant quatre niveaux de classification : nulle, faible, moyenne et bonne, selon les trois saisons de culture et en regroupant les espèces en types de ressources végétales. Le potentiel mobilisable est défini comme la fraction de potentiel disponible qu’il est possible d’exploiter pendant une année, compte tenu des contraintes techniques environnementales et sociales à sa mobilisation. Enfin, un atelier de capitalisation des savoirs sur ces ressources végétales (quatrième étape) a été réalisé sur une journée auprès des 42 agriculteurs. La méthode utilisée a été de demander aux participants de partager leurs savoirs et leurs perceptions, encadrée par 10 animateurs, avec une capitalisation effectuée sur des fiches en format A5 écrites. La journée a été structurée de la façon suivante :

16– présentation de toutes les ressources végétales relevées lors de la première étape, avec rajout collectif d’espèces oubliées lors de l’enquête ;

17– capitalisation des ressources végétales avec l’appui des animateurs ; pour chaque type de ressources végétales, quatre types de critères, considérés précédemment comme pertinents aux yeux des agriculteurs, ont été relevés (Ben Naamane et al., 2020a), à savoir leur adaptation au milieu (sol, climat), leur usage (préparation, décomposition), leurs effets prévisibles sur la culture et le sol et sur les bioagresseurs ; concernant leurs décompositions, elles sont estimées en conditions de lombricompostage, soit dans des conditions optimales en termes d’humidité ;

18– sélection des ressources mobilisables et propices au lombricompostage par vote en plaçant des pastilles collantes sur les étiquettes où le nom de l’espèce a été préalablement inscrit ; chaque agriculteur possédait 10 pastilles, avec la possibilité de ne pas voter ou de mettre une ou plusieurs pastilles sur une même espèce.

2.3. Traitement des données

19Les résultats des enquêtes sur la disponibilité ont été préalablement traités en utilisant Microsoft Excel® pour réaliser des tableaux de contingence, avec en ligne les différentes ressources et en colonne le nombre de réponses pour chaque type de ressource végétale. Ces données ont ensuite été analysées en utilisant l’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) du logiciel R 4.3.1® avec le package Factoshiny. Lors des ateliers, la capitalisation a été effectuée en regroupant toutes les informations non répétées émises par les agriculteurs et transcrites par les animateurs sur des étiquettes, avec en ligne les ressources végétales et en colonne les quatre thématiques. L’importance de chaque espèce a été déterminée par simple comptage de pastilles.

3. Résultats

3.1. Inventaire des ressources végétales et diversité d’utilisation

20Cinquante-deux espèces ont été identifiées lors de la première étape (11 entretiens individuels) avec des visites, photographies et prélèvements sur le terrain. Onze espèces ont été ajoutées par les agriculteurs lors de la quatrième étape de notre étude (atelier). Une seule espèce n’a pu être identifiée après consultation des différentes flores et appui d’experts. Les soixante-trois espèces issues des domaines cultivé et non cultivé sont reportées dans le tableau 1. Les arbres, avec sept espèces, forment le type le plus faiblement représenté. Ils regroupent généralement des espèces plantées localisées soit près des exploitations, soit en bordure de champs. L’une d’entre elles est endémique de Madagascar, Harongana (Harungana madagascariensis). Les autres sont des espèces introduites assez communes dans les zones tropicales comme Albizia lebbeck et sub-tropicales comme Melia azedarach. Les arbustes et plantes grasses, avec 18 espèces, forment le type le plus représenté. Ces espèces sont principalement localisées sur le domaine non cultivé. Comme pour les arbres, certaines sont endémiques de Madagascar comme la plante grasse Seva kely (Buddleja madagascariensis), d’autres communes à d’autres pays comme Lantana camara ou Tithonia diversifolia. Les herbacées des jachères (domaine cultivé) et des friches (domaine non cultivé) totalisent 12 espèces. Notons que le vocable local bozaka associe un ensemble d’espèces à morphologie similaire à Aristida rufescens. Ces assemblages de savane herbeuse sont endémiques de l’océan indien. Quelques adventices (huit espèces) font également l’objet d’une valorisation potentielle au moment du sarclage, notamment celles qui sont les plus fréquentes dans le milieu, comme Richardia scabra. Enfin, les résidus de nombreuses espèces cultivées (14 espèces) peuvent faire l’objet d’une valorisation potentielle. Le riz, en tant que culture principale, fait l’objet de valorisation de ses pailles après récolte, ainsi que des balles (glumes) après décorticage. En termes de diversité d’utilisation, les espèces ligneuses ou pérennes, arbres, arbustes et plantes grasses ont souvent une fonction médicinale (11 espèces), alors que les plantes herbacées (jachères, friches adventices, résidus de culture) ont plutôt une fonction fourragère (20 espèces). Les autres fonctions sont relativement équilibrées, partagées entre des valorisations domestiques (9 espèces), agronomiques (engrais vert, 10 espèces) et anti-érosives (6 espèces). Enfin, sept espèces sont utilisées pour la lutte contre les ravageurs de culture. Différentes espèces de différents types végétatifs sont valorisées dans l’autoconsommation humaine, chez les arbres, comme Syzygium guineense, les arbustes, Vernonia appendiculata, les adventices, Chenopodium murale et les résidus de culture, Ipomea batata.

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3.2. Disponibilité des ressources végétales

21La disponibilité selon les trois saisons climatiques des six classes de végétaux (arbres, arbustes et plantes grasses, adventices, plantes de jachère et friches, divers résidus de culture et pailles et balles de riz) avait été préalablement analysée avec quatre niveaux de disponibilité : « nulle », « faible », « moyenne » et « bonne ». Nous avons regroupé les disponibilités « moyenne » et « bonne » en raison d’un nombre trop peu élevé de végétaux dans la modalité « bonne ». La figure 2 représente les résultats de l’AFC réalisée sur la saison intermédiaire.

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Figure 2. Analyse Factorielle des Correspondances sur la disponibilité des ressources végétales (RV) en saison intermédiaire (septembre à novembre) selon trois classes, « Nulle », « Faible », « MoyBon » (moyenne à bonne) ; six types : riz, pailles et balles de riz ; ResC, résidus de culture ; Adv, adventices ; PG, arbustes et plantes grasses — Factorial correspondence analysis on data of available organic resources during the intermediate season (September to November) with three levels, "None", "Low", "Medium to good"; six types; Rice, Rice (straw and husk); ResC, other crop residues; Adv, weeds; JacF, spontaneous annual plants from fallows and uncultivated areas; Arbr, trees; ArPG, shrubs and succulents.

22Il apparait pendant cette saison marquant le début de la campagne agricole que la disponibilité principale (modalité « MoyBon ») vient des sous-produits de la culture du riz (pailles et balles). Les ressources végétales en arbustes, plantes de jachère et friches et adventices sont peu mobilisables (modalité « faible »), alors que les biomasses issues des résidus de culture et des arbres offrent une disponibilité nulle en ressources végétales. La disponibilité principale pendant la saison des pluies (modalité « MoyBon ») vient des adventices et des espèces présentes dans les jachères et les friches (Figure 3). Les résidus de culture sont à cette période faiblement ou pas du tout mobilisables (modalités « nulle » et « faible »). La disponibilité des ressources issues des arbres, arbustes, produits de la culture du riz n’a pas pu être clairement caractérisée.

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Figure 3. Analyse Factorielle des Correspondances sur la disponibilité des ressources végétales (RV) en saison des pluies (décembre à avril) selon trois classes, « Nulle », « Faible », « MoyBon » (moyenne à bonne) ; six types de ressources végétales : riz, pailles et balles de riz ; ResC, résidus de culture ; Adv, adventices ; JacF, herbacées de jachères et friches ; Arbr, arbres ; ArPG, arbustes et plantes grasses — Factorial correspondence analysis on data of available organic resources during the rainy season (December to April) with three levels, "None", "Low", "Medium to good"; six types; Rice, Rice (straw and husk); ResC, other crop residues; Adv, weeds; JacF, spontaneous annual plants from fallows and uncultivated areas; Arbr, trees; ArPG, shrubs and succulents.

23La disponibilité principale pendant la saison sèche vient principalement des produits de la culture du riz (Figure 4). Tous les autres types de résidus ont une disponibilité faible à nulle.

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Figure 4. Analyse Factorielle des Correspondances sur la disponibilité des ressources végétales (RV) en saison sèche (mai à aout) selon trois classes, « Nulle », « Faible », « MoyBon » (moyenne à bonne) ; six types de ressources végétales : Riz, pailles et balles de riz ; ResC, résidus de culture ; Adv, adventices ; JacF, herbacées de jachères et friches ; Arbr, arbres ; ArPG, arbustes et plantes grasses — Factorial correspondence analysis on data of available organic resources during the dry (May to August) with three levels, "None", "Low", "Medium to good"; six types; rice, rice (straw and husk); ResC, other crop residues; Adv, weeds; JacF, spontaneous annual plants from fallows and uncultivated areas; Arbr, trees; ArPG, shrubs and succulents.

3.3. Savoirs sur les ressources végétales

24Au total, 363 votes sur 420, matérialisés par des pastilles collées sur les étiquettes mentionnant les ressources, ont été recensés. Sur les 63 espèces répertoriées préalablement, 27 espèces ayant reçu au moins deux pastilles ont fait l’objet de caractérisation par type de ressources végétales sur quatre critères : « Adaptation au milieu », « Décomposition et usage », « Effets sur la culture et le sol » et « Effets sur les bio-agresseurs ». Les tableaux 2 à 7 synthétisent les savoirs des agriculteurs sur les six types de ressources végétales répertoriées comme potentiellement utilisables pour le lombricompostage.

25Concernant les arbres (Tableau 2), trois espèces d’arbres ont été sélectionnées. Avec 11 votes, cela représente 3 % du total des votes des agriculteurs. C’est le type de ressources végétales qui a obtenu le moins de votes parmi les six types. Les trois espèces sont :

  • Solanum auriculatum (1,3 %) : facile à préparer (découpage) et à décomposition facile ; il aurait un rôle répulsif sur les insectes pour certains, tandis que d’autres agriculteurs ne signalent aucun effet potentiel ;

  • Acacia sp. (1,0 %) : facile à préparer mais les avis sont divisés pour sa qualité de décomposition, avec des effets potentiels sur les bio-agresseurs comme les insectes et les adventices ;

  • Fraxinus excelsior (0,5 %) : présent seulement dans certains villages, spécifiquement dans les bas de pente et bas-fond ; facile à décomposer.

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Concernant le type de ressources « arbustes et plantes grasses », cinq espèces d’arbustes ont été sélectionnées (Tableau 3). Aucune plante grasse n’a été sélectionnée. Avec 98 votes, cela représente 26,9 % du total des votes des agriculteurs. Ce type de ressources se retrouve au deuxième rang suivant l’ordre de préférence des agriculteurs. Les cinq espèces sont :

26– Vernonia appendiculata (10,9 %) : abondant dans la commune, facile à décomposer et à préparer, améliore la fertilité du sol ; avis divisés pour les effets sur les insectes ;

27– Buddleja madagascariensis (7,4 %) : sur les bas de pente et disponible le long de l’année, facile à se décomposer et à préparer ; répulsif des insectes ;

28– Tithonia diversifolia (5,4 %) : abondant mais dépend du lieu (village), facile à se décomposer, favorable pour la culture des pommes de terre ; repousse les insectes et aussi les vers de terre ;

29– Tephrosia vogelii (2,1 %) : haie, facile à se décomposer et à préparer ; lutte contre l’érosion et repousse les insectes ;

30– Psiadia altissima (0,8 %) : disponible sur tous les fokontany et le long de l’année, facile à se décomposer et à préparer et pas d’effets sur les insectes.

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31Cinq espèces de jachère et de friches ont été sélectionnées (Tableau 4). Avec 42 votes, cela représente 11,5 % du total des votes totaux des agriculteurs. Les cinq espèces sont :

32– Aristida rufescens (Bozaka) (6,8 %) : disponible pour tous les villages et le long de l’année, des idées contradictoires sur sa décomposition apparaissent mais facile à préparer ; effet d’amélioration de la structure du sol ;

33– Elionurus tristis (2,1 %) : sur le domaine pluvial et disponible toute l’année, contradictions sur sa décomposition et sa préparation ;

34– Eleusine indica (1,0 %) : abondant mais dépend du lieu (fokontany), facile à décomposer et à préparer, attire les insectes (bénéfiques ou néfastes) ;

35– Cyathula uniculata (0,8 %) : sur le domaine pluvial et durant la saison de pluie, facile à se décomposer et à préparer et favorise l’apparition des adventices ;

36– Richardia scraba (0,5 %) : sur le domaine pluvial et toute l’année mais surtout en saison des pluies et facile à décomposition et à préparer.

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37Trois espèces d’adventices ont été sélectionnées (Tableau 5). Avec 33 votes, cela représente 9,0 % du total des votes des agriculteurs. Les trois espèces sont :

38– Cleome hirta (4,6 %) : selon la saison, facile à préparer et à se décomposer, améliore la croissance des plantes, repousse les insectes et sans effets sur les adventices ;

39– Bidens pilosa (3,2 %) : abondant pendant la saison de pluie, facile à préparer et à se décomposer, améliore la croissance des plantes et sans effets ni sur les insectes ni sur les adventices ;

40– Commelina madagascarica (3,2 %) : dépend du village et ne pousse pas sur le domaine pluvial, facile à se décomposer ; tue les insectes ravageurs.

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41Huit espèces cultivées (hors riz) ont des résidus qui ont été sélectionnés comme ressource végétale potentiellement utilisable pour le lombricompostage (Tableau 6). Avec 103 votes, cela représente 28,1 % du total des votes totaux des agriculteurs. C’est donc le type de ressources végétales préféré des agriculteurs. Les deux espèces principales sont :

42– Musa sp. (10,9 %) : les stipes sont les plus utilisés ; le bananier est disponible sur les domaines pluviaux, cette ressource est facile à se décomposer et riche en eau ; cela favorise la croissance des plantes, mais aussi celle des adventices et attire les insectes. Le compostage des stipes et des feuilles de bananier en lombricompost améliore les résultats en fertilisation ;

43– Ipomoea batatas (5,4 %) : les agriculteurs utilisent les tiges et les feuilles mobilisables durant la saison de culture ; faciles à se décomposer et à préparer, elles améliorent la croissance des plantes et attirent les vers de terre et les vers blancs.

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44Les deux produits du riz sélectionnés comme ressources végétales intéressantes pour le lombricompostage sont les pailles de riz et les balles de riz (Tableau 7). Les balles de riz sont utilisées pour la cuisson des briques de construction. Ces deux produits totalisent 21,1 % du total des votes des agriculteurs. Leurs caractéristiques sont :

45– pour les pailles de riz (17,0 %) : une forte abondance pendant la saison de pluie et facile à trouver car c’est la principale culture des agriculteurs, facile à préparer mais avec des idées contradictoires sur sa décomposition ; généralement, une préparation préalable est nécessaire pour accélérer sa décomposition. Facile à conserver, elle améliore la croissance des plantes et l’humidité des sols. C’est un constituant favorablement compostable pour fertiliser les légumes à racines ; cette ressource est aussi grandement utilisée comme fourrage.

46– pour les balles de riz (4,1%) : en abondance suivant la saison mais toujours facile à trouver et à préparer ; des avis divergents apparaissent sur le temps de décomposition ; améliore la croissance des plantes et la texture des sols, favorise cependant l’apparition des vers blancs et des adventices.

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4. Discussion

4.1. Diversité des ressources végétales mobilisables pour le lombricompostage

47Notre étude a permis d’identifier une grande diversité de ressources végétales potentiellement mobilisables pour le lombricompostage. Parmi les 63 espèces, leur valorisation a été déjà bien décrite pour certaines dans la région des plateaux d’altitude (Samyn, 1999) en soulignant leur multifonctionnalité, notamment sur le plan médicinal, alimentaire et artisanal. L’originalité de nos enquêtes a été d’inclure la valorisation des produits du domaine cultivé, peu traitée dans les approches botaniques (Boiteau & Allorge-Boiteau, 1997). L’importance du riz de bas-fonds associé aux cultures maraichères conduites en irrigation induit notamment une diversité et une disponibilité en résidus de récolte frais sur une longue partie de la saison culturale, le riz offrant ses pailles et ses balles (Razanakoto et al., 2021). Comme mentionné dans d’autres études, le lombricompostage permet de valoriser une grande diversité de ressources végétales (Sinha et al., 2002). Un effet important de la saisonnalité sur la disponibilité en ressources végétales est apparu : dominance en début de l’année agricole et de la saison sèche des produits du riz et, en saison des pluies, des adventices et espèces de jachères et de terres en friches. La phase de pré-compostage sans vers de terre permettrait notamment de neutraliser les effets phytotoxiques potentiels sur les vers de terre et certaines plantes cultivées (Azizi, 2017). En effet, un certain nombre de plantes de notre inventaire sont également utilisées comme insecticides localement comme dans d’autres pays (Silvie et al., 2021). Cette diversité de ressources végétales engendre une diversité de composés organiques, comme des tiges riches en cellulose et des matériaux verts, comme des feuilles, riches en azote et en sucres (Godin et al., 2010). Cet inventaire des principales ressources végétales pose pour la recherche des nouveaux questionnements sur leurs propriétés encore mal connues et pourtant nécessaires au développement de l’agroécologie par des solutions locales (Silvie et al., 2021).

4.2. Caractéristiques des principales ressources

48Ne considérant que les espèces végétales qui dépassaient 5 % du total des votes des 42 agriculteurs, six d’entre elles ont été identifiées comme particulièrement importantes par les agriculteurs. La patate douce, totalisant pourtant 5,49 % des votes, n’a pas été conservée dans cette sélection du fait de sa valorisation forte en termes d’autoconsommation et de commercialisation. Trois arbustes ont été retenus et, par importance décroissante, Vernonia appendiculata, Buddleja madagascariensis et Tithonia diversifolia, des pailles de graminées de jachère et friche, de type Aristida rufescens et deux de résidus de culture, stipes de bananiers (Musa sp.) et pailles de riz (Oryza sativa). Concernant Vernonia appendiculata, « ambiaty » en malgache, cet arbuste combine de nombreuses qualités, son abondance spontanée sur l’ensemble de la commune, une gestion facile et une teneur en eau appréciée pour la production de lombricompost (voir Tableaux 1 et 3). Cette plante, endémique à Madagascar, fait partie de la famille des Astéracées, réputée pour leur dissémination importante grâce à la production de nombreux akènes. Cette colonisation spontanée serait certainement à l’origine de son caractère anti-érosif déclaré, lié à un haut taux de recouvrement du sol. Outre sa consommation locale en tant que légume feuille, elle aurait également des propriétés médicinales (Samyn, 1999). Selon Perrier De La Bathie (1932), elle aurait été autrefois parfois plantée volontairement par les agriculteurs. Buddleja madagascariensis, « seva kely » en malgache, serait moins abondante qu’« ambiaty » mais avec l’avantage d’être disponible toute l’année dans les bas de pente et les bas-fonds, censés rester humides, même en période sèche. Outre son usage domestique pour fabriquer du savon, elle est reconnue comme ayant des propriétés médicinales et décoratives (Boiteau & Allorge-Boiteau, 1997 ; Samyn, 1999), ainsi que des propriétés insecticides selon les agriculteurs (Tableau 3). Le « tanamasoandro » (Tithonia diversifolia) est une plante réputée comme engrais vert potentiellement intéressant (Samyn, 1999 ; Jama et al., 2000). Elle aurait des effets visibles sur des cultures exigeantes comme la pomme de terre. Ses propriétés insecticides sont mentionnées dans la littérature (Silvie et al., 2021). Le « bozaka », qui comprend avec Aristida rufescens d’autres graminées associées comme Ctenium elegans, a une grande importance à Imerintsiatosika, comme dans de nombreuses autres zones des hauts plateaux malgaches (Ravonjiarison et al., 2023). Elle offre une disponibilité tout au long de l’année et maximale en saison de pluies. Ces graminées sont utilisées comme fourrage et litière pour l’élevage (Tableau 1). Si sa facilité d’usage est partagée, ses qualités de décomposition ne font pas l’unanimité. Les agriculteurs espèrent donc améliorer son effet sur la fertilité du sol via le compostage (Tableau 3). Le bananier, « akondro », utilisé grâce à son tronc ou stipe, est également répandu dans le paysage, dans ses parties basses et les dépressions locales où se concentrent les eaux de pluies. La richesse en eau des végétaux semble être un atout important comme d’autres plantes préférentiellement utilisées pour le lombricompostage et l’élevage des vers de terre (Zirbes et al., 2011). Le riz fournit en équivalent grain environ 70 % en pailles et 14 % en balles. Les pailles de riz sont préférentiellement utilisées dans la phase de pré-compostage et notamment comme couverture de protection pour maintenir l’humidité du pré-compost en le protégeant de l’ensoleillement (Raharison et al., 2021). Néanmoins, ces tiges sont considérées peu dégradables par les informations des agriculteurs, à relier certainement à leurs richesses en silice et en lignine, composés biochimiques résistants à la dégradation microbienne (Suthar, 2007 ; Godin et al., 2010).

4.3. Enseignements pour la conception de prototypes de lombricompostage

49Ce travail contribue à apporter des éléments pour la co-conception de lombricompostage dans le cadre de notre démarche de recherche-action en partenariat, ayant comme finalité d’améliorer la qualité du lombricompost pour la santé des sols et des cultures (Lehman et al., 2020). Le lombricompost nécessite un assemblage de matières différentes, à la fois fraiches et sèches. Concernant les matières facilement dégradables, « ambiaty » et « seva kely » sont des espèces qui, par leur disponibilité dans le paysage toute l’année, s’avèrent intéressantes aux yeux des agriculteurs et faciles à gérer. L’« ambiaty » offre un avantage supplémentaire important par sa richesse en eau. Notons a priori qu’aucune espèce n’est à éliminer d’office en raison de ses propriétés insectifuges ou insecticides qui pourraient nuire à l’élevage des vers de terre. Par exemple, pour Tephrosia vogelii, malgré la présence de composés alcaloïdes, cette plante offre une grande variabilité de toxicité potentielle suivant les organes concernés et les variétés utilisées (Stevenson et al., 2012). De la même manière, le neem (Azadirachta indica) sur les régions côtières est la base d’insecticides en agriculture biologique mais s’avère pourtant non toxique pour les vers de terre (Gajalakshmi & Abbasi, 2004). Des éléments nouveaux mentionnés par les agriculteurs restent à éclaircir, notamment concernant le caractère amer au gout de certains végétaux, qui serait une indication de rejet par les vers de terre, relié à la notion d’appétence (Suthar, 2007), spécifique à chaque espèce de vers de terre (Gajalakshmi & Abbasi, 2004). Enfin, d’autres animaux sont actifs dans le processus de décomposition associée aux vers terre, comme les collemboles dont les rôles mériteraient d’être qualifiés (Jacques et al., 2021). Concernant les ressources majeures, des disponibilités différenciées entre les villages sont apparues ainsi que des disparités entre les exploitations au sein d’un même village. Enfin, un des enjeux dans la mobilisation des ressources pour le lombricompostage est de s’affranchir du recours au fumier de bovins pour les exploitations sans cheptel, cité comme élément de base à la conception de lombricompost dans d’autres pays (Haiba et al., 2014 ; Mahanayak et al., 2017 ; Singh et al., 2023).

4.4. Perspectives

50La disponibilité des ressources végétales pour une nouvelle finalité est parfois étudiée à partir d’un potentiel théorique de production de toutes les biomasses mobilisables à l’échelle d’un territoire (Barry et al., 2022 ; Zoma & Sawadogo, 2023). De ce potentiel sont ensuite premièrement déduits des usages concurrents qui pourraient être dans notre cas notamment concernés par l’utilisation fourragère des pailles de riz (Ben Naamane et al., 2020b) ou comme plantes médicinales (Boiteau & Allorge-Boiteau, 1993 ; Samyn, 1999). Nous estimons que dans le cadre du lombricompostage, censé compléter les fumures organiques existantes et avec une production limitée, les compromis potentiels ne seraient pas contraignants à sa production. À l’échelle mondiale, l’utilisation du lombricompost se limite souvent à des cultures à forte valeur ajoutée sur des superficies limitées et associé à d’autres fumures organiques (Garbowski et al., 2023). Dans une hiérarchie des usages, seul l’usage pour l’autoconsommation humaine pourrait être une contrainte (Zoma & Sawadogo, 2023). D’autres études pourraient approfondir la disponibilité abordée ici collectivement en mobilisation individuelle potentiellement susceptible de varier suivant les localités de la commune et le capital foncier des exploitations. Par exemple, Vernonia appendiculata, identifiée comme la plus intéressante lors des ateliers, semblerait se concentrer en situation de bas de pente, dans des zones relativement limitées et souvent déjà bien valorisées par les cultures en raison de leur fertilité naturelle.

5. Conclusions

51Ce diagnostic sur les ressources organiques à l’échelle d’une commune rurale pour la co-conception de prototypes de lombricompost a permis, dans le cadre d’une approche participative, de sélectionner les espèces végétales potentiellement mobilisables. Elles comprennent à la fois des espèces naturelles endémiques, appréciées également pour d’autres valorisations locales (consommation, fourrage) et internationales (cosmétique, médecine), mais aussi des résidus végétaux issus des cultures les plus courantes. Les savoirs locaux ont permis au collectif de recherche d’enrichir ses connaissances, de participer à définir de nouveaux objectifs et d’envisager à terme pour les ONGs partenaires de réduire les délais d’appropriation d’innovations.

Remerciements

52Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet Innov’Earth (Innovative agricultural nature-based solutions to reduce climate change, land degradation and food insecurity: the potential of earthworms and vermicompost in small tropical farms). Ce travail a bénéficié d’une aide du LABEX-AGRO 2011-LABX-002, projet n°2101-003, intégré à l’I-Site Muse, coordonné par Agropolis Fondation.

53Le Laboratoire des Radio-Isotopes (LRI), l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et le Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) remercient particulièrement la commune d’Imerintsiatosika et tous les agriculteurs partenaires pour leur implication.

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Pour citer cet article

Rovanirina Rakotobe, Malalatiana Razafindrakoto, Nasandratra Ravonjiarison, Éric Blanchart, Tantely Razafimbelo Andriamifidy, Laetitia Bernard, Manoa Raminoarison, Heriniaina Hobiarivelo Rakotomalala, Onja Ratsiatosika & Patrice Autfray, «Recherche-action en partenariat et ressources végétales mobilisables pour la production de lombricompost dans les Hautes Terres de Madagascar», BASE [En ligne], Volume 28 (2024), Numéro 3, 131-146 URL : https://popups.uliege.be/1780-4507/index.php?id=20867.

A propos de : Rovanirina Rakotobe

Faculté des Sciences, Université d'Antananarivo, BP 566, Antananarivo 101 (Madagascar) – Laboratoire des Radio Isotopes, Département d’Agronomie, Université de Antananarivo, BP 3383, Antananarivo 101 (Madagascar).

A propos de : Malalatiana Razafindrakoto

Laboratoire des Radio Isotopes, Département d’Agronomie, Université de Antananarivo, BP 3383, Antananarivo 101 (Madagascar).

A propos de : Nasandratra Ravonjiarison

Laboratoire des Radio Isotopes, Département d’Agronomie, Université de Antananarivo, BP 3383, Antananarivo 101 (Madagascar).

A propos de : Éric Blanchart

Éco&Sols, Université de Montpellier, CIRAD, INRAe, IRD, Montpellier SupAgro, F-34060 Montpellier (France).

A propos de : Tantely Razafimbelo Andriamifidy

Laboratoire des Radio Isotopes, Département d’Agronomie, Université de Antananarivo, BP 3383, Antananarivo 101 (Madagascar).

A propos de : Laetitia Bernard

Éco&Sols, Université de Montpellier, CIRAD, INRAe, IRD, Montpellier SupAgro, F-34060 Montpellier (France).

A propos de : Manoa Raminoarison

Laboratoire des Radio Isotopes, Département d’Agronomie, Université de Antananarivo, BP 3383, Antananarivo 101 (Madagascar).

A propos de : Heriniaina Hobiarivelo Rakotomalala

Ampefy, Itasy (Madagascar).

A propos de : Onja Ratsiatosika

Laboratoire des Radio Isotopes, Département d’Agronomie, Université de Antananarivo, BP 3383, Antananarivo 101 (Madagascar).

A propos de : Patrice Autfray

CIRAD, UPR AIDA, F-34398 Montpellier (France). E-mail : autfray@cirad.fr