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- volume 12 (2008)
- numéro 3
- Statut de la matière organique des sols dans la zone sud-soudanienne au Burkina Faso
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Statut de la matière organique des sols dans la zone sud-soudanienne au Burkina Faso
Notes de la rédaction
Reçu le 6 mars 2007, accepté le 15 janvier 2008
Résumé
L'étude traite de la matière organique de l'horizon supérieur de deux unités de sol (MOS) sous formations naturelles, localisées dans la partie ouest de la zone sud-soudanienne du Burkina Faso. Ses objectifs sont premièrement d'accroître les connaissances sur cette importante composante édaphique et deuxièmement, d'établir pour la zone concernée les relations entre la MOS et les propriétés physiques, chimiques, biologiques des sols. Pour la réaliser, la quantification des carbone et azote totaux des sols a été effectuée sur 26 échantillons ; puis au niveau de chaque échantillon de sol, trois fractions granulométriques [(0–50 µm), (50–200 µm), (200–2 000 µm)] ont été séparées et leurs taux respectifs de carbone et d'azote déterminés. Les échantillons de sol ont également été incubés pendant 31 jours pour mesurer la respiration du sol (CO2 dégagé), tandis que le taux de carbone de la biomasse microbienne a été obtenu par la technique de fumigation (par le chloroforme) – incubation. Les résultats montrent que les teneurs en carbone et azote totaux des sols considérés sont faibles et comparables à celles des sols de la région sahélienne. Ces deux composantes sont concentrées dans la fraction argilo-limoneuse. Les quantités respectives de carbone associées aux fractions précitées ont des corrélations positives avec la capacité de rétention des nutriments. De telles corrélations ont également été établies entre les rapports C/N des fractions sableuses [(50–200 µm), (200–2 000 µm)] et le dégagement de C-CO2. Cette étude confirme ainsi l'existence dans les sols étudiés de pools de matière organique qui ont des fonctions et dynamiques différentes selon leur taille et degré de décomposition. L'importance des caractéristiques texturales sur les statuts organique et biologique des sols des régions concernées a aussi été mise en évidence. En conséquence, pour relever le faible niveau de fertilité chimique des sols et minimiser les risques d'érosion, l'étude suggère que des quantités importantes d'amendements organiques (fumier, compost) soient apportées aux sols mis en valeur.
Abstract
Organic matter status in some soils of Burkina Faso south sudanian zone. The study deals with organic matter (OM) of two soils units under natural formations located in the western part of the south sudanian zone of Burkina Faso. The objectives were firstly to increase the knowledges on this main component of soil fertility, secondly to point out the relationships between biological, chemical, physical soils properties and OM. To achieve it, total carbon (C) and nitrogen (N) of twenty-six soil samples issued from the topsoil were determined. Each soil sample was separated in three particles size fractions: (0–50 µm), (50–200 µm), (200–2,000).The amounts of C and N associated with each one were measured. In addition, soil samples were incubated during 31 days for C mineralization measurement, while the microbial biomass C was obtained by the chloroform fumigation – incubation technique. The results showed that total C and N of the whole soil were low and comparable to those of soils from the Burkinabé sahelian region. The distribution of C and N in particles size fractions indicated that (0–50 µm) fraction holded the highest quantities of C and N. The amount of C associated with each fraction was positively correlated with soil nutrients retention capacity. Such a correlation was established between C/N ratios of sandy fractions [(50–200 µm), (200–2,000 µm)] and the cumulative C mineralization. Thus, the study confirmed that pools of organic matter with different function and dynamics depending on their size and degree of decomposition were present in the concerned soils. The influence of texture on biological and organic status of soils was also pointed out. In order to increase soil fertility and to reduce soil degradation hazard, organic inputs were recommended.
Tabla de contenidos
1. INTRODUCTION
1Au Burkina Faso, la partie occidentale de la zone sud-soudanienne est sans nul doute la région dont les potentialités agricoles sont les plus élevées (Leprun et al., 1968 ; Rieffel et al., 1969 ; Boulet, 1976). Elle est considérée à la fois comme le grenier et le verger du pays, si bien que de nombreuses études pédologiques y ont été réalisées (Bunasols, 1989). Elles ont abouti à la couverture morphopédologique de toute cette zone au 1/100000e (Bunasols, 1999 ; 2002). En revanche, les travaux sur la caractérisation fine de la matière organique des sols (MOS) demeurent peu nombreux (Sourabié, 1979 ; Nacro et al., 2005). Pourtant, de nombreux écrits ont souligné, ailleurs, son influence sur les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols (Kadeba, 1978 ; Cambardella et al., 1993 ; Campbell et al., 1993 ; Bauer et al., 1994 ; Stevenson, 1994). Cette étude vise à pallier l'insuffisance de données sur ce paramètre, lorsqu'il évolue sous formations naturelles de longue durée (45-50 ans) et à établir, pour la région concernée, les relations entre ses caractéristiques et les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols. Elle porte notamment sur la distribution granulométrique du carbone et de l'azote obtenue par fractionnement physique d'une part et sur l'activité biologique globale et la biomasse microbienne dont le rôle dans la biogenèse de l'humus et l'importance dans la libération des éléments nutritifs ont été relevés par de nombreux auteurs (Prévot, 1970 ; Martin et al., 1971 ; Saggar et al., 1981 ; Brookes et al., 1984 ; Diaz-Ravina et al., 1993) d'autre part. Sa justification réside en ce que diverses actions sont entreprises au plan national pour assurer une gestion intégrée de la fertilité des sols et pour promouvoir, en particulier, une plus grande utilisation des amendements organiques par les producteurs. En conséquence, une meilleure connaissance du statut initial de la MOS (matière organique de l'horizon supérieur) sous conditions naturelles d'évolution revêt un intérêt capital pour mieux appréhender sa dynamique après une mise en valeur des terres. Les travaux ont été conduits sur deux sites. Ils sont localisés dans la forêt classée de Niangoloko (province de la Comoé) et sur les terres de réserve de la station de recherches environnementales et agricoles de Farakoba (province du Houet). Les résultats sont comparés à ceux des sols de la région sahélienne du Burkina Faso.
2. MATERIEL ET METHODES
2.1. Cadre géographique
2Les sites étudiés sont situés dans les régions administratives des Hauts-Bassins et des Cascades (Figure 1), sur des territoires phytogéographiques et des formations géologiques différentes (Tableau 1). Les pluviosités et températures moyennes annuelles demeurent par contre du même ordre de grandeur et le pédoclimat demeure identique sur les deux sites. Selon la classification française des sols (CPCS, 1967), les sols du site de Niangoloko appartiennent aux classes des Sols peu évolués et des Sols à sesquioxydes de fer et de manganèse alors que ceux de Farakoba sont dominés par les unités de cette seconde classe et par des Sols ferrallitiques (Pallo, 1996). Le sous-groupe des sols ferrugineux tropicaux lessivés indurés de Niangoloko et celui des sols ferrallitiques faiblement désaturés en (B) de Farakoba sont concernés par la présente étude. Dans la Base de Référence Mondiale des Sols (FAO, 1998), ils correspondent aux Arénosols endopétroplinthiques et aux Ferralsols abrupti-chromiques. Dans le reste du texte, ils sont désignés par " sol A " et " sol B ".
2.2. Matériel
3Quatorze et douze échantillons des sols A et B ont été étudiés. Leurs caractéristiques morphologiques et physico-chimiques ont été notées dans des travaux antérieurs (Pallo, 1999). Quelques-unes de ces caractéristiques de ces échantillons figurent au tableau 2. Elles montrent que les sables totaux constituent la fraction granulométrique dominante (plus de 75 %). En moyenne, les argiles n'excèdent pas 10 % de la terre fine. La matière organique totale s'élève en moyenne à 0,58 % dans l'unité de sol A et à 0,65 % dans l'unité de sol B. Les capacités d'échange cationiques ont des valeurs moyennes de 2,0 (sol A) et 2,4 cmol.kg-1 de sol (sol B). Les sommes des bases échangeables sont de l'ordre de 1,50 cmol.kg-1 de sol. Les taux de saturation et les pH eau respectifs sont compris entre 56 % et 81 % ; entre 6,2 et 6,8.
2.3. Méthodes d'analyse physiques et chimiques
4Les propriétés physico-chimiques des échantillons de sol ont été déterminées sur la terre fine (Ø < 2 µm). La méthode internationale par pipetage à la pipette Robinson a été employée pour la granulométrie. Cinq classes granulométriques ont été séparées : argiles (0–2 µm) ; limons fins (2–20 µm) ; limons grossiers (20–50 µm) ; sables fins (50–200 µm) ; sables grossiers (200–2 000 µm). Les mesures du pH ont été pratiquées dans une suspension de sol dans l'eau et dans une solution normale de chlorure de potassium (KCl) à l'aide d'un pH-mètre muni d'électrodes en verre. Le rapport 2/5 a été appliqué. La procédure pour la détermination de la capacité d'échange cationique (CEC) est celle basée sur une extraction avec l'argent thiouré à 0,01 M. Elle permet, en même temps, de déterminer les bases échangeables (Bunasols, 1987).
2.4. Caractérisation de la matière organique
5Outre la détermination du carbone total, de l'azote total respectivement par la méthode de Walkley et Black (1934) et par celle de Kjeldahl (Bremner, 1965), la matière organique a fait l'objet d'un fractionnement granulométrique sur sol tamisé à 2 mm selon la méthode décrite par Feller (1979). Elle est basée sur un fractionnement du sol par tamisages successifs à sec et sous eau. Pour les fractions retenues ici, seuls les tamisages sous eau ont été effectués. Afin de réduire le risque de transfert artificiel de carbone des débris végétaux des fractions grossières (Ø > 50 μm) aux fractions fines (Ø < 2 μm), souligné par Balesdent et al. (1991), l'énergie ultrasonique n'a pas été appliquée lors du fractionnement. Les teneurs en carbone et en azote des fractions suivantes ont été déterminées :
6– fraction argilo-limoneuse [0–50 µm] ou organo-minérale, FOM,
7– fraction organique associée aux sables fins [50–200 µm] ou F50,
8– fraction organique associée aux sables grossiers [200–2 000 µm] ou F200.
9Les cœfficients d'enrichissement en carbone (Ec) et en azote (En) de chaque fraction ont été calculés selon les formules ci-après (Christensen, 2001) :
10Ec = mg C.g-1 fraction / mg C.g-1 du sol non fractionné.
11En = mg N.g-1 fraction / mg N.g-1 du sol non fractionné.
12Ils visent à éliminer les effets des différences liées au taux de MO du sol brut non fractionné et à permettre la comparaison des concentrations de MO dans les trois fractions.
2.5. Dosage du gaz carbonique (CO2) dégagé
13Le CO2 dégagé a été mesuré en utilisant la méthode décrite par Dommergues (1960). L'incubation a duré 31 jours. Les mesures ont été effectuées journellement pendant une semaine puis tous les deux jours jusqu'au 31e jour.
14Le taux de minéralisation globale du carbone (TMG) a été calculé et équivaut à :
15TMG = quantité du carbone dégagé / quantité de carbone du sol x 100.
16Le taux de minéralisation du carbone labile (TML) a été obtenu en appliquant la formule suivante (Mallouhi et al., 1985) :
17TML = TMG échantillon fumigé – TMG échantillon non fumigé.
2.6. Détermination du carbone de la biomasse microbienne
18Elle a été effectuée selon la méthode de Jenkinson et Powlson (1976) à partir d'échantillons de sol fumigés (F) et non fumigés (nF). La fumigation consiste après homogénéisation de l'échantillon de sol, à en déposer 100 g dans un dessiccateur contenant du chloroforme débarrassé de l'éthanol par plusieurs lavages à l'eau. A l'aide d'une pompe à vide, on crée un vide dans le dessiccateur en vue de saturer l'atmosphère par les vapeurs de chloroforme. Après 24 heures de fumigation, celles-ci sont évacuées en effectuant 4 à 5 vides successifs. Les sols fumigés et les contrôles sont mis à incuber à la température de 30 °C et des échantillons sont prélevés après 7 et 14 jours pour être dosés. La quantité de carbone de la biomasse microbienne (CBM) est obtenue par la formule :
19CBM = [F (0-7) – nF (7-14)] / kc
20Où : kc est le coefficient de proportionnalité et représente la fraction minéralisable en CO2 du carbone de la biomasse, il s'élève à 0,41 (Anderson et al., 1978 ; Chaussod et al., 1986) ; F (0-7) représente le C-CO2 dégagé par l'échantillon de sol fumigé entre 0-7 jours et nF (7-14), le C-CO2 dégagé par l'échantillon de sol non fumigé entre 7-14 jours.
2.7. Analyse statistique des données
21Elle a consisté principalement à déterminer par le test de Spearman (1904) les cœfficients de corrélation des rangs (rs) entre les différents paramètres indiqués ci-dessus, pris deux à deux. Ils ont été calculés en utilisant le logiciel Minitab sous Window – Version 13-31. Par convention d'écriture, les signes utilisés pour indiquer et apprécier le degré de signification des probabilités sont les suivants : * p < 0,05 (significatif) ; ** p < 0,01 (hautement significatif) ; *** p < 0,001 (très hautement significatif).
22L'écart-type a été calculé sur les valeurs moyennes des résultats analytiques.
3. RESULTATS
3.1. Caractères généraux de la matière organique
23Comme indiqué sur le tableau 3, la moyenne respective des teneurs en carbone et en azote totaux, exprimée en g.kg-1 de sol brut (sol non fractionné), est inférieure à 5 g C et à 0,5 g N dans les deux unités de sol. Les rapports C total / N total s'élèvent à 9,8 (sol A) et 12,4 (sol B).
3.2. Caractéristiques du fractionnement granulométrique de la matière organique
24La séparation en trois fractions (FOM, F50, F200) a entraîné des pertes. Néanmoins, pour les échantillons de sol A, le taux de récupération en masse de sol s'est élevé à 99,5 % et pour les échantillons de sol B, à 98,5 %. Quelle que soit l'unité de sol, ces taux s'élèvent en moyenne à 99 % et 98 % pour le carbone et l'azote.
25Les teneurs en carbone et en azote des fractions granulométriques reportées au tableau 3 sont exprimées d'une part en g.kg-1 de sol et d'autre part en g.kg-1 de fraction. Ramenées en pourcent de la somme des taux de carbone et d'azote, elles révèlent ce qui suit :
26Distribution granulométrique du carbone (C). Dans les deux unités de sol, les fractions argilo-limoneuses (FOM) détiennent chacune, en moyenne, les ¾ de la somme des taux de carbone des trois fractions. Le taux de carbone associé à la fraction " sables fins " représente 10 % environ de cette somme et la quantité de carbone de la fraction " sables grossiers ", 15 %. Ainsi, quelle que soit l'unité de sol considérée, la majorité du carbone est logée dans la fraction fine (Φ < 50 µm). La fraction " sables fins " est celle qui contient le moins de carbone.
27Distribution granulométrique de l'azote (N). Les taux moyens d'azote des différentes fractions sont plus faibles que ceux du carbone. Pour la fraction argilo-limoneuse FOM, ils représentent 49 % et 75 % de la somme des teneurs en azote en g.kg-1 de sol dans les unités de sol A et B. Au niveau de la fraction F50, ces pourcentages s'élèvent à 16 % et à 14 % ; pour la fraction F200, à 35 % et à 11 %.
28Rapports C/N de la matière organique des fractions granulométriques. La moyenne de C/N FOM s'élève à 14,7 (sol A) et 12,3 (sol B). Celle de C/N F50 atteint respectivement 6,7 et 10,1. Elle se chiffre à 4,2 et 15,6 pour C/N F200. L'ensemble de ces données montre ainsi que dans les sols A, la fraction fine présente en moyenne le rapport C/N le plus élevé ; alors que dans les sols B, c'est plutôt la fraction " sables grossiers " qui a la plus forte valeur de ce paramètre.
29Cœfficients d'enrichissement en carbone (Ec) et en azote (En) des fractions :
30– Les cœfficients d'enrichissement en carbone (Ec) moyen (tableau 4) indiquent que, quel que soit le type de sol, Ec diminue de la fraction fine (FOM) aux fractions sableuses (F50). Toutefois, au niveau du sol B, sa plus faible valeur est celle de la fraction " sables fins ".
31– Les variations des cœfficients d'enrichissement en azote (En) des fractions, selon les unités de sol, sont similaires à celles en carbone. Cependant pour le sol A, En est en général plus élevé que Ec dans les fractions sableuses. Au niveau du sol B, Ec et En de FOM ont la même valeur (3,2). Pour les deux autres fractions, En du sol B apparaît plus faible que celui du sol A.
3.3. Activité biologique globale et biomasse microbienne
32La quantité de carbone minéralisé (C-CO2) varie en fonction du temps et selon que l'échantillon de sol soit fumigé ou non. Ceux qui ne sont pas traités ont un cumul moyen de C-CO2 dégagé au bout de 31 jours plus faible que celui obtenu avec les échantillons fumigés (Tableau 5). Dans l'unité de sol A, il passe de 119,0 et 121,6 mg C.kg-1 de sol et dans l'unité de sol B, de 214,3 à 232,5 mg C.kg-1de sol. Les taux de minéralisation globale du carbone (TMG) moyens (C-CO2 cumulé exprimé en pourcent de C total) sont de l'ordre de 4 % et 6 %. Durant toute la période d'incubation des échantillons, le taux de minéralisation du carbone labile demeure positif. Quelle que soit l'unité de sol, il est compris entre 0,1 et 0,6 %.
33Quant au carbone associé à la biomasse microbienne (Tableau 5), sa moyenne est de 122,4 mg C.kg-1 de sol et de 76,8 mg C.kg-1 de sol dans les sols A et B, soit respectivement 3,9 % et 2,0 % du carbone total des échantillons de sol étudiés.
3.4. Analyse des données statistiques
34Les cœfficients de corrélation des rangs de Spearman (rs) (Tableau 6) montrent que les teneurs en azote lié aux fractions argilo-limoneuses et " sables fins " sont très étroitement corrélées (rs***) avec le taux de particules fines (FOM) et avec le rapport sables / argiles. Il en est de même entre ces caractéristiques physiques et le rapport C/N F200. Le carbone total et les quantités de carbone associé aux différentes fractions ont des corrélations positives avec la somme des bases échangeables et avec la capacité d'échange cationique. Par ailleurs, comme indiqué au tableau 7, les rapports C/N du sol et de F200 représentent les paramètres de la MOS les mieux corrélés (rs***) avec le cumul de C-CO2 dégagé par les échantillons de sol, fumigés ou non. On note également que les corrélations entre le dégagement cumulé de C-CO2 des échantillons de sol non fumigés, le carbone total et le carbone associé aux fractions (rs**) sont plus étroites que celles obtenues avec les échantillons fumigés. Quant aux taux de minéralisation globale du carbone (TMG), ils sont corrélés avec les rapports C/N de FOM (rs***) et de F200 (rs*). Au niveau des relations entre propriétés physico-chimiques et caractéristiques biologiques des sols, que les échantillons de sol soient fumigés ou non, des corrélations très hautement significatives (rs***) unissent respectivement le cumul de C-CO2 dégagé et le taux de minéralisation globale du carbone au taux de particules fines et au rapport sables / argiles. En outre, la capacité d'échange cationique (CEC) est corrélée avec le cumul de C-CO2 dégagé (rs**) et la somme des bases échangeables (S) avec TMG (rs*). Le taux de carbone associé à la biomasse microbienne (CBM) possède des cœfficients de corrélation négatifs avec le pourcentage d'argiles (rs*) et avec la somme (argiles + limons totaux) et positifs avec le rapport sables / argiles. Les corrélations deviennent encore plus étroites (rs***) lorsque CBM est exprimé en pourcent de C total.
4. DISCUSSION
35Avec une teneur en matière organique totale d'environ 0,6 %, les sols étudiés peuvent être considérés comme très pauvres, selon la synthèse réalisée par Boyadgiev (1980). Le taux moyen de ce constituant est du même ordre de grandeur que celui des sols étudiés dans la région sahélienne du Burkina Faso (Pallo et al., 2006). La distribution granulométrique du carbone est identique dans les unités de sol A et B. Ainsi, la majeure partie du carbone total est associée aux particules argilo-limoneuses. La même observation a été faite sur d'autres types de sol du Burkina Faso (Bacyé, 1993 ; Sedogo, 1993 ; Pallo, 2001) mais aussi sur des sols tempérés (Anderson et al., 1981 ; Gregorich et al., 1988 ; Bonde et al., 1992 ; Christensen, 1992 ; 2001 ; Guggenberger et al., 1994). Elle confirme les résultats des travaux consacrés aux liens entre la matière organique et la fraction argileuse du sol (Tiessen et al., 1983 ; Spain, 1990 ; Feller et al., 1991 ; Shang et al., 1997). Ceci se traduit ici par une accumulation du carbone dans la fraction inférieure à 50 µm. On constate, par ailleurs, que toutes les fractions de la MOS concourrent à accroître les valeurs de la somme des bases échangeables et singulièrement, celles de la capacité d'échange cationique. Ces effets bénéfiques sont couramment mentionnés dans la littérature (Nwinyi, 1973 ; Thompson et al., 1989 ; Asadu et al., 1997 ; Baldock et al., 1999).
36En ce qui concerne les cœfficients d'enrichissement en carbone (Ec), celui de la fraction argilo-limoneuse est le plus élevé. Comme noté ailleurs par Christensen (2001), sa valeur baisse dans les fractions sableuses. Pour le sol A (Arénosols), le plus faible cœfficient est celui de la fraction F200 et pour le sol B (Ferralsols), Ec de F50. En outre, le cœfficient d'enrichissement du carbone de FOM du sol A est pratiquement le double de celui du sol B. Ces différences résultent des caractéristiques texturales des deux unités de sol. En effet, on relève que Ec F200 varie dans le même sens que les taux d'argiles et d'argiles + limons totaux. La raison en est que ces particules participent probablement à la formation d'agrégats de la classe des sables grossiers ayant pour noyau des particules organiques et demeurant stables à l'eau (Buyanovsky et al., 1994 ; Golchin et al., 1998). Dans le sol A, les valeurs élevées du rapport sables / argiles justifient celles de Ec FOM.
37Au niveau de l'azote (N), les sols étudiés sont très pauvres en cet élément. Ils sont comparables à 61 % des sols du Burkina Faso étudiés entre 1960 et 1980 (Boyadgiev, 1980). Comme dans les Lixisols du centre du pays (Pallo et al., 2000), il est concentré dans la fraction argilo-limoneuse. Sa distribution granulométrique diffère de celle du carbone. Dans le sol B, les teneurs en azote diminuent progressivement de FOM à F200, alors que dans le sol A, N F50 est le plus bas. D'une manière générale, les particules argilo-limoneuses exercent davantage une influence positive sur N FOM que sur C FOM. Elle résulte des liens dont il est fait allusion plus haut. Au niveau de chaque unité de sol, les variations de En des fractions sont identiques à celles des Ec correspondants.
38En ce qui concerne les rapports C/N de la matière organique associée aux différentes fractions, de nombreux auteurs notent qu'ils baissent avec la taille de ces dernières (Anderson et al., 1981 ; Catroux et al., 1987 ; Baldock et al., 1992 ; Christensen, 2001). Cette diminution serait indicative d'une augmentation du degré d'humification des produits organiques (Guggenberger et al., 1994) et d'un bon niveau de dispersion de l'échantillon. Elle serait aussi liée à une décroissance significative des phénols dérivés de la lignine des fractions grossières aux fractions fines (Amelung et al., 1999). Les résultats obtenus au niveau des Ferralsols concordent globalement avec ces données. En effet, les rapports C/N de la fraction FOM sont généralement plus faibles que ceux de la matière organique qui se trouve dans les fractions sableuses. Ceci serait dû à la nature des MO associées à cette fraction argilo-limoneuse : association de débris de parois végétales ou fongiques et de micro-agrégats organo-limoneux dans la fraction (2 - 20 µm), dominance des MO à caractère amorphe dans les fractions argileuses (Feller, 1995). Si une telle décroissance du rapport C/N de F200 à FOM a été également constatée dans les Lixisols et les Cambisols des régions centre et centre nord du Sahel, c'est le phénomène inverse qui est plutôt observé dans les Arénosols étudiés ici. Il serait dû aux très faibles teneurs en matière organique de ces sols, à leur texture très grossière et au fait que dans les fractions sableuses, En est supérieur à Ec. On remarque, en particulier, que plus le rapport sables / argiles est élevé, plus C/N F200 est bas.
39En considérant les paramètres pédobiologiques, exceptées les teneurs en carbone associées à la biomasse microbienne, le cumul de C-CO2 dégagé et le taux de minéralisation globale du carbone (TMG) des Ferralsols sont plus élevés que ceux des Arénosols. Leurs valeurs restent, cependant, du même ordre de grandeur que celles des sols du Sahel Burkinabè. L'état de décomposition de la matière organique, appréhendé à travers le rapport C/N, demeure un des facteurs déterminant le dégagement de C-CO2. En particulier, les rapports C/N du sol et des fractions F50 et F200 ont une influence positive sur cette caractéristique biologique, d'où ces faibles valeurs dans les Arénosols. Cette observation montre ainsi que les fractions organiques à C/N élevé sont sujettes à une plus rapide transformation par les microorganismes du sol que les fractions à C/N plus bas. On relève, par ailleurs, l'importance des caractéristiques texturales sur le cumul de C-CO2 et sur TMG : plus les rapports sables / argiles sont élevés, plus faibles sont les valeurs de ces paramètres. Quant à la proportion de carbone stocké dans la biomasse microbienne, elle se situe dans la fourchette de celles indiquées par Duchaufour en 1997, 2-5 % de C total. Ses corrélations négatives avec les taux d'argiles et d'argiles + limons totaux illustrent le rôle de protection physique qu'exercent ces particules sur la matière organique des sols.
5. CONCLUSION
40L'étude révèle qu'au Burkina Faso, les teneurs en matière organique (MO) totale des Ferralsols et Arénosols localisés dans la région ouest de la zone sud-soudanienne sont comparables à celles des Cambisols qui se développent dans la région sahélienne. Les conditions pédoclimatiques fort différentes qui prévalent dans ces zones ont des actions qui convergent vers la réduction du taux de MO des sols considérés. En outre, quelle que soit l'unité de sol, les particules argilo-limoneuses jouent un rôle prépondérant dans la séquestration de la matière organique. La fraction organo-minérale ainsi formée agit sur la fertilité chimique des sols en accroissant en particulier la capacité d'échange cationique et, dans une moindre mesure, la somme des bases échangeables. Pour le cas spécifique des sols de la région ouest, toutes les fractions organiques sont impliquées dans l'augmentation de la capacité de rétention des nutriments. Celles qui sont associées aux fractions sableuses, singulièrement aux sables grossiers, stimulent l'activité biologique globale. En conséquence, la présence de ces pools de MO ayant des fonctions différentes apparaît indispensable pour une meilleure productivité agricole des sols de la zone étudiée. Pour les raisons précitées, une utilisation accrue des amendements organiques s'avère nécessaire, notamment sur les Arénosols. Elle aura pour effet d'améliorer la fertilité des sols et de contribuer, à travers la formation d'agrégats stables, à minimiser les risques de dégradation des sols. En effet, les performances agricoles de cette région semblent plus imputables aux conditions climatiques favorables qui y règnent qu'aux statuts organique et biologique des sols.
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