- Home
- volume 13 (2009)
- numéro 1
- Statut de la matière organique des sols de la zone nord-soudanienne au Burkina Faso
View(s): 2502 (14 ULiège)
Download(s): 145 (4 ULiège)
Statut de la matière organique des sols de la zone nord-soudanienne au Burkina Faso
Editor's Notes
Reçu le 30 janvier 2008, accepté le 9 octobre 2008
Résumé
La présente étude vise à accroître les connaissances sur la matière organique des sols sous formations naturelles de longue durée en zone nord-soudanienne et à comparer ses caractéristiques avec celles des sols des autres zones climatiques du Burkina Faso. Les analyses ont porté sur la quantification du carbone organique total et de l'azote total et sur la détermination des taux respectifs de carbone et d'azote associés aux fractions (0-50 µm), (50-200 µm) et (200-2 000 µm). Les résultats montrent que les sols étudiés renferment plus de carbone et d'azote totaux que ceux des régions sahélienne et sud-soudanienne burkinabé. Leur fertilité chimique est positivement corrélée avec la quantité de carbone associée à la fraction inférieure à 50 µm. L'étude révèle aussi l'importance des facteurs climatiques, pédoclimatiques et des caractéristiques texturales sur le statut organique des sols concernés.
Abstract
Soil organic matter status in the north sudanian zone of Burkina Faso. The objectives of the study were to enhance the knowledge on organic matter of soils under natural formations from north sudanian zone and then to compare their characteristics with those of soils located in the other climatic zones of Burkina Faso. Total carbon and nitrogen as well as the amounts of C and N involved in three particles size fractions [(0-50µm); (50-200µm); (200-2,000µm)], were determined. The results show that total C and N of these soils are higher than those of soils from the burkinabé sahelian and south sudanian zones. The chemical soil properties are positively correlated with the amount of C held by the (0-50µm) fraction. The study also indicates that organic status of the concerned soils is due to the influence of climate, soil moisture, temperature regimes and soil texture.
1. Introduction
1Dans les sols tropicaux, la matière organique constitue le pilier central de la fertilité car elle influence la plupart des propriétés édaphiques. Elle revêt également un intérêt écologique indéniable. Le carbone organique stocké dans les sols représente en effet une source importante de dioxyde de carbone et participe au cycle du carbone. De par son importance, ce réservoir, à la faveur des changements climatiques, pourrait influencer la concentration en CO2 dans l'atmosphère et entrainer des changements environnementaux (Kirschbaum, 1995). Aussi, pour mieux appréhender cette double importance de la matière organique des sols (MOS), une série d'études basées sur sa caractérisation fine a été conduite au Burkina Faso sur des sols sous formations naturelles de longue durée. Elle a été réalisée le long d'un gradient couvrant les trois zones climatiques du pays : sud-soudanienne, nord-soudanienne et sahélienne. La pluviosité moyenne annuelle respective est supérieure à 900 mm, comprise entre 600-900 mm et inférieure à 600 mm. Pour la période 1982-2000, les températures moyennes annuelles correspondantes s'élèvent à 27 °C, 28 °C et 30 °C. Les résultats des caractéristiques de la matière organique des sols localisés dans la première et la troisième zone climatique ont fait l'objet d'écrits antérieurs (Pallo et al., 2006 ; Pallo et al., 2008). Ceux présentés ici permettent de compléter le gradient climatique considéré et de comparer les caractéristiques de la matière organique des sols de ces trois zones.
2. Matériel et méthodes
2Les trois sites retenus dans la zone nord-soudanienne sont localisés respectivement dans les formations naturelles de Sâ (12°39'20''N ; 3°17'53''W), de Tiogo (12°13'38"N ; 2°49'06''W) et de Yabo (13°01'55''N ; 1°32'43''W). Ces formations sont classées depuis 70 ans environ et protégées contre les feux de brousse, le pâturage, la coupe de bois et autres activités anthropiques (par exemple, l'agriculture). Les sols qui se développent à Sâ relèvent du groupe des sols bruns eutrophes tropicaux et ceux des deux autres sites, de celui des sols ferrugineux tropicaux lessivés. Au total 48 échantillons de sol ont été analysés, soit 16 échantillons de sol par site. Ils proviennent de l'horizon supérieur des différents profils de sol.
3Le dosage du carbone total et de l'azote total de chaque échantillon de sol a été effectué respectivement par la méthode de Walkley et Black (1934) et par celle de Kjeldahl (Bremner, 1965). Puis, la matière organique a fait l'objet d'un fractionnement granulométrique sur sol tamisé à 2 mm, selon la méthode décrite par Feller (1979). Ont ainsi été déterminées les teneurs en carbone et en azote des fractions suivantes :
4– fraction organo-minérale (0-50 µm)
5– fraction organique associée aux sables fins (50-200 µm)
6– fraction organique associée aux sables grossiers (200-2 000 µm).
7Les coefficients d'enrichissement en carbone (EC) et en azote (EN) de chaque fraction ont été calculés selon les formules ci-après (Christensen, 2001) :
8– EC = mgC.g-1 fraction/mgC.g-1 du sol non fractionné
9– EN= mgN.g-1 fraction/mgN.g-1 du sol non fractionné
10Ils visent à éliminer les effets des différences liées au taux de MO du sol brut non fractionné et à permettre la comparaison des concentrations de MO dans les trois fractions.
3. Résultats et discussion
11La quantité de carbone totale est différente d'un site à un autre (Tableau 1). En moyenne, ce sont les sols en zone nord-soudanienne qui en renferment davantage. Ceci est illustré par la courbe de variation du taux moyen de C total et par la courbe de tendance qui lui est associée (Figure 1). Il en est de même de la variation de la teneur en azote total (Figure 2). La valeur moyenne des rapports C/N varie en dents de scie et est comprise entre 9 et 13 (Figure 3).
12La distribution granulométrique de la MOS révèle que la fraction dont la taille est inférieure à 50 µm possède le pourcentage le plus élevé de C total (Figure 4). En particulier, il excède 80 % à Sâ. Les sols de ce site détiennent les plus faibles valeurs de carbone associé aux fractions sableuses. Des variations similaires sont observées au niveau de l'azote (Figure 5). Toutefois, le pourcentage d'azote lié à la fraction fine est proportionnellement plus élevé en zone nord-soudanienne. En moyenne, le rapport C/N augmente de la fraction fine (0-50 µm) aux fractions grossières (50-2 000 µm), notamment dans les sols des sites localisés en zone nord-soudanienne (Figure 6).
13Comme indiqué au tableau 2, quel que soit le site, les plus forts coefficients d'enrichissement en carbone (EC) et en azote (EN) sont généralement ceux de la fraction argilo-limoneuse (0-50 µm). Ils sont cependant plus faibles dans les sols de la zone nord-soudanienne.
14Par ailleurs, tout comme dans les sols du Sahel et de la zone sud-soudanienne, des corrélations de rang significatives (p < 0,05) et positives entre d'une part, la somme des bases échangeables et la capacité d'échange cationique et d'autre part, le taux de carbone associé aux particules argilo-limoneuses, ont été aussi observées dans les sols de la zone nord-soudanienne. Dans le cas spécifique des sols bruns eutrophes tropicaux du site de Sâ, les corrélations entre le carbone total, le carbone lié à la fraction (0-50 µm) et le taux d'argile sont négatives, à la différence de celles observées au niveau des sols ferrallitiques faiblement désaturés de la zone sud-soudanienne.
15L'ensemble de ces résultats montre ainsi que les sols décrits en zone nord-soudanienne sont mieux pourvus en matière organique que ceux des autres zones climatiques. La matière organique se retrouve principalement dans la fraction fine. Ce constat a été fait sur des sols des régions tempérées (Christensen, 2001). Quant au rapport C/N, ses valeurs moyennes permettent de séparer les sols considérés en deux classes définies par Boyadgiev (1980). La première classe regroupe les sols dont la matière organique a une vitesse de décomposition dite normale, le C/N étant compris entre 8 et 12. Elle concerne les sols de Niangoloko, Sâ et Sambonaye. Dans la seconde classe qui inclut les sols de Farakoba, Tiogo et Yabo, la vitesse de décomposition de la matière organique est jugée assez lente (C/N de 12 à 13). L'augmentation du rapport C/N de la fraction fine aux fractions sableuses est couramment mentionnée dans la littérature. Il en est de même des corrélations positives entre la matière organique des sols, singulièrement sa fraction liée aux particules fines et leur fertilité chimique. Quant à la négativité des coefficients de corrélation notée à Sâ, elle pourrait se justifier par la quantité (54,5 %) et par la nature (présence de smectites) des argiles qui s'y forment. En effet, elles induisent des constantes hydriques élevées (en particulier pF 4,2) et conséquemment de faibles réserves en eau utile (5 % en moyenne). Le tapis herbacé, principale source de la matière organique du sol, est alors peu dense et se limite à des graminées annuelles là où les teneurs en argile sont élevées, d'où de faibles apports initiaux de matière organique fraiche.
16Les données concernant EC et EN corroborent celles obtenues dans d'autres régions climatiques.
4. Conclusion
17Tous ces paramètres indiquent que dans les conditions naturelles d'évolution, les processus de transformation de la matière organique des sols étudiés dans les trois zones climatiques sont favorables à la formation de l'humus (sensu stricto). Toutefois, on note une accumulation de cette matière organique dans la zone nord-soudanienne. Elle résulte de la combinaison des effets du climat (courte saison des pluies), du pédoclimat (ustique, isohyperthermique) et de la texture (très fine) pour le cas spécifique des sols bruns eutrophes tropicaux de Sâ.
Bibliographie
Boyadgiev T.G., 1980. Création d'un service des sols. Haute-Volta. Etat des connaissances des sols. DP/UPV/74/007. Rapport technique 1. Rome : PNUD/FAO.
Bremner J.M., 1965. Total nitrogen. In: Black C.A., ed. Methods of soil analysis. Part 2. Madison, WI, USA: American Society of Agronomy, 1149-1178.
Christensen B.T., 2001. Physical fractionation of soil and structural functional complexity in organic matter turnover. Eur. J. Soil Sci., 52, 345-353.
Feller C., 1979. Une méthode de fractionnement granulométrique de la matière organique des sols. Application aux sols tropicaux, à texture grossière, très pauvres en humus. Cah. ORSTOM, Série Pédol., 18(4), 339-346.
Kirschbaum M.U.F., 1995. The temperature dependence of soil organic matter decomposition and the effect of global warming on soil organic C storage. Soil Biol. Biochem., 27, 753-760.
Pallo F.J.P. et al., 2006. Statut de la matière organique des sols de la région sahélienne du Burkina Faso. Etud. Gestion Sols, 13, 289-304.
Pallo F.J.P., Sawadogo N., Sawadogo L. & Sedogo P.M., 2008. Statut de la matière organique des sols dans la zone sud-soudanienne au Burkina Faso. Biotechnol. Agron. Soc. Environ., 12(3), 291-301.
Walkley A. & Black I.A., 1934. An examination of the Degtjareff method for determining soil organic matter and a proposed modification of the chromic acid titration method. Soil Sci., 37, 29-38.
To cite this article
About: François Jean Pascal Pallo
Institut de l'Environnement et de Recherches Agricoles (INERA). 04 BP 8645. BF-Ouagadougou 04 (Burkina Faso). E-mail : jeanpallo@hotmail.com
About: Norbert Sawadogo
Institut de l'Environnement et de Recherches Agricoles (INERA). 04 BP 8645. BF-Ouagadougou 04 (Burkina Faso).
About: Nabsanna Prosper Zombré
Université de Ouagadougou. Unité de Formation et de Recherches/Sciences de la Vie et de la Terre (UFR/SVT). 03 BP 7021. BF-Ouagadougou 03 (Burkina Faso).
About: Michel Papaoba Sedogo
Institut de l'Environnement et de Recherches Agricoles (INERA). 04 BP 8645. BF-Ouagadougou 04 (Burkina Faso).