BASE

Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement/Biotechnology, Agronomy, Society and Environment

1370-6233 1780-4507

 

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Alain P.K. Gomgnimbou, Paul W. Savadogo, Aimé J. Nianogo & Jeanne Millogo-Rasolodimby

Usage des intrants chimiques dans un agrosystème tropical : diagnostic du risque de pollution environnementale dans la région cotonnière de l'est du Burkina Faso

(volume 13 (2009) — numéro 4)
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Reçu le 24 février 2009, accepté le 10 juin 2009

Résumé

L'objectif visé à travers ce travail a été de faire un diagnostic du risque de pollution environnementale, conséquence de l'utilisation des intrants chimiques du cotonnier dans la région de l'est du Burkina Faso. Un suivi de soixante exploitations cotonnières de la province de la Kompienga et des observations sur les pratiques agricoles ont permis de recueillir les données. L'étude a révélé une imprécision manifeste de concentration des insecticides avec une moyenne du nombre d'épandages de 9,30. En outre, 61,66 % des producteurs de coton ont appliqué les insecticides de Gossypium sp. (cotonnier) sur Vigna unguiculata (niébé), Colocynthis vulgaris L. (melon) et Zea mays (maïs) respectivement dans 60,50 %, 9,30 % et 2,32 % des cas d'utilisation détournée. Les sources du risque environnemental sont les circuits parallèles d'approvisionnement des pesticides, le lavage du matériel d'épandage dans les sources d'alimentation en eau et le non-respect des itinéraires techniques d'utilisation des intrants chimiques. L'estimation des risques a permis de mettre en exergue ceux d'ordre sanitaire, de pollution des eaux et des sols et de développement de résistance chez les parasites ciblés par les traitements insecticides. Une promotion des bonnes pratiques agricoles est indispensable dans l'optique d'une exploitation durable des ressources naturelles de la région.

Mots-clés : sol, culture de coton, intrants chimiques, risque

Abstract

Use of the chemical products in a tropical agrosystem: diagnosis of the risk of environmental pollution in the cotton area of eastern Burkina Faso. The aim through this work was to make a diagnosis of the risk of environmental pollution, consequence of the use of the chemical products of the cotton plant in the area of eastern Burkina Faso. A follow-up of sixty cotton exploitations in the province of Kompienga and observations on husbandries made it possible to collect the data. The study revealed a manifest inaccuracy of proportioning and dilution of insecticides with an average of spreading number of 9.30. Moreover 61.66% of cotton producers applied insecticides of Gossypium sp. (cotton) to Vigna unguiculata (bean), Colocynthis vulgaris L. (melon) and Zea mays (corn) respectively in 60.50%, 9.30%, and 2.32% of the cases of diverted use. The sources of the environmental risk are the parallel circuits of provisioning of pesticides, the washing of the equipment of spreading in the sources of supply water and not respect of the technical routes of chemical products using. The estimate of the risks made it possible to put medical forward those of order, ground and water pollution and of development of resistance at the parasites targeted by the insecticidal treatments. A promotion of good husbandries is essential in the optics of a durable exploitation of the natural resources of the area.

Keywords : Burkina Faso, Burkina Faso, pollution, cotton culture, chemical products, risk, pollution, soil, water

1. Introduction

1Le coton reste le principal produit de rente du Burkina Faso. La filière cotonnière, à l'instar de celles d'autres pays de la sous-région (Bénin, Mali et Tchad), procure près de 70 % des recettes d'exportation du pays. Ainsi, la production cotonnière est incontournable pour le développement de l'agriculture du Burkina Faso. Les zones cotonnières sont régulièrement itinérantes en Afrique de l'Ouest en fonction de la pluviométrie et de la fertilité des sols. Au Burkina Faso, elles se sont déplacées de la partie située au nord des régions centrales vers le sud et le sud-ouest du pays en raison de la dégradation des conditions climatiques et de l'épuisement des sols (Hussein et al., 2005).

2Dans la région de l'est, la culture du coton a été relancée au début des années 1990 après deux décennies d'abandon (PICOFA, 2003). Avec le Projet de Développement Rural Intégré (PDRI), la culture du coton dans l'est a été affichée comme objectif majeur (Schwartz, 1997a). Depuis la relance, la culture du coton est en pleine expansion dans la zone. Cette expansion inquiète les acteurs du développement concernant les risques éventuels pour la dégradation de l'environnement. En effet, l'accroissement des terres cultivées, l'utilisation des pesticides contre les ravageurs du cotonnier et la lutte contre les mauvaises herbes, ainsi que l'accélération du front de colonisation inhérente aux fortes migrations sont susceptibles de remettre en cause la politique de développement durable dans cette région (Clarck, 1997 ; Schwartz, 1997b ; PICOFA, 2003). Il apparait urgent de prendre des dispositions pour mieux connaitre ces risques potentiels et leurs impacts en vue de limiter les effets pervers sur les écosystèmes en cause. La présente étude vise à fournir une meilleure connaissance des risques liés à la culture de coton, notamment l'utilisation des intrants chimiques du cotonnier. Cela permettra de prévoir des paquets technologiques pour une agriculture durable.

2. Matériel et méthodes

2.1. La zone d'étude

3Le cadre géographique de cette étude a été la région de l'est du Burkina Faso. Cette région couvre une superficie de 46 256 km2, soit 17 % du territoire national (DRED-Est, 2003). Le site de collecte des données a été la province de la Kompienga qui est située au sud de ladite région et est à près de 355 km de Ouagadougou. Elle est frontalière du Bénin et du Togo. Le climat est de type soudanien avec une saison de pluie de six mois (de mai à septembre). La moyenne des précipitations de la région entre 1997 et 2006 est de 901,87 ± 180,23 mm.

4L'agriculture est l'activité socio-économique la plus pratiquée dans la région est. Elle occupe environ 80 % de la population (DRED-Est, 2003). Les systèmes d'exploitation agricole et d'élevage y sont extensifs et consommateurs de ressources naturelles (Spack, 1997 ; INERA, 2000). Le coton y est cité comme première culture de rente, en pleine expansion et occupant entre 1 740 et 6 525 producteurs.

2.2. Identification des facteurs de risques

5La Méthode Organisée Systémique d'Analyse du Risque (MOSAR) a été utilisée pour l'identification des sources de facteurs à risques (Perillon, 1999 ; 2007). C'est une méthode générique qui permet d'analyser les risques techniques d'une installation humaine et d'identifier les moyens de prévention. Selon Dassens (communication personnelle, 2006), cette méthode est adaptée à l'étude des milieux et permet d'avoir une vision globale des risques engendrés par l'installation. En outre, elle permet de rechercher les dysfonctionnements techniques et opératoires d'une installation ou d'un procédé dont les enchainements peuvent conduire à des évènements non souhaités.

6L'analyse du risque étant une démarche complexe, il faut se donner le maximum de chance de mettre en évidence la majorité des risques, d'où l'utilité d'une méthode logique comme MOSAR qui fait appel à la modélisation systémique, car après avoir décomposé l'installation en sous-systèmes et recherché systématiquement les dangers présentés par chacun d'entre eux, ces sous-systèmes sont remis en relation pour faire apparaitre des scénarii de risques majeurs (Perillon, 1999).

2.3. Choix des sites d'enquête et échantillonnage

7Des sorties exploratoires ont permis d'identifier et d'apprécier l'importance des exploitations et les différents sites de production de coton de la province de la Kompienga. Avec l'apport des services déconcentrés étatiques et l'Union provinciale des Producteurs de Coton, 145 Groupements de Producteurs de Coton (GPC) ont été identifiés.

8Un échantillon aléatoire de 37 GPC sur les 145 répartis dans 60 exploitations cotonnières a été retenu. Les questionnaires ont été individuellement remis aux producteurs. Les observations directes ont porté sur les modes de gestion et d'utilisation des pesticides en passant par leurs différents circuits d'acquisition dans la zone.

2.4. Collecte et analyse des données

9Pour la collecte des données, le questionnaire a été validé auprès de neuf chefs d'exploitation. L'enquête proprement dite a couvert les périodes du 18 aout au 6 septembre et du 5 au 14 octobre 2006. Un deuxième passage en juillet et aout 2007 dans les sites de production a permis la collecte des données et la réalisation d'observations complémentaires. Les données collectées ont fait l'objet d'un dépouillement manuel et ont été analysées à l'aide du tableur EXCEL 2003. Les résultats ont été résumés par des statistiques descriptives : moyennes, fréquences et écarts-types. Chaque exploitation cotonnière est assimilable à un système dans lequel il existe des pratiques et un mode de fonctionnement. Cette disposition offre une possibilité d'analyser les risques et impacts qui en découlent.

3. Résultats

3.1. Circuits d'approvisionnement et lieux de stockage

10Quatre circuits de distribution des pesticides ont été identifiés dans la zone. Un premier circuit formel dans lequel les cultivateurs de coton s'approvisionnent auprès de la société cotonnière du Gourma (SOCOMA) par le biais de leur GPC et des distributeurs agréés. Ce circuit est suivi par la majorité des producteurs. Les trois autres circuits sont les marchés locaux (79,32 %) de Pama, Kompienga, Nadiagou et Kompienbiga, le marché extérieur (10,34 %) au Togo et au Bénin et de producteur à producteur (10,34 %).

11La figure 1 présente divers types de formulation de pesticides en provenance du Burkina Faso, du Bénin et de la Chine rencontrés dans un marché (Pama) de la zone d'étude. Ils sont constitués à majorité d'insecticides et d'herbicides destinés à la culture de Zea mays (maïs), Oriza sativa (riz), Sorgum bicolor (sorgho) et Gossypium sp. (coton). Il ressort des enquêtes que le facteur prix constitue le paramètre essentiel qui oriente le choix des producteurs vers les pesticides. Dès l'acquisition, les producteurs stockent les produits dans les champs de brousse (66,67 %) et dans leurs maisons d'habitation au village (33,33 %).

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3.2. Mode d'utilisation des pesticides

12Dosage et dilution. Les producteurs de la zone utilisent un sac d'urée et trois sacs de NPK, soit respectivement 50 et 150 kg.ha-1 pour le cotonnier. Dans la pratique, une partie de ces engrais est utilisée pour la fertilisation des champs de maïs. Certains produits sont choisis pour limiter les charges mais ils sont fréquemment de mauvaise qualité. Le tableau 1 montre l'ensemble des pesticides retrouvés dans la zone. Parmi les insecticides, trois (Fanga, Rocky et Capt) ont fait l'objet d'un suivi. Ils sont les plus fréquemment distribués par la société cotonnière de la zone et les plus utilisés par les producteurs de coton (100 % d'utilisation pour Fanga, 97,77 % pour Rocky et 93,33 % pour Capt). Par ailleurs, il faut mentionner que ces insecticides sont utilisés contre les attaques parasitaires du cotonnier, d'où leur rôle déterminant dans la culture de coton. Quant aux herbicides (Gramazol, Glyphalm 80wg, Glyphalm 50, Kallach extra et Agrazine), ce sont tous des herbicides totaux et utilisés dans la préparation des sols. Les tableaux 2 et 3 présentent les concentrations en insecticides, les quantités de bouillie et les superficies qui sont traitées respectivement avec des appareils en UBV (Ultra Bas Volume) et en TBV (Très Bas Volume). Il ressort des imprécisions manifestes des concentrations de bouillie pour les traitements, quel que soit le type d’appareil et les insecticides utilisés (Fanga, Rocky et Capt). Cette observation est valable pour les paramètres suivants : la concentration de la bouillie (ml.l-1) et la quantité de bouillie appliquée (l.ha-1). Des producteurs sont incapables de déterminer la superficie à traiter avec des concentrations de bouillie de 52,63 ml.l-1, 63,83 ml.l-1 et 111,11 ml.l-1. Pour une concentration donnée (par 111,11 ml.l-1), le producteur peut traiter entre 0,5 et 1 ha tel que mentionné dans le tableau 3.

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13Nombre d'épandages. Le tableau 4 présente les traitements (épandages) de pesticides sur le cotonnier en une campagne par les producteurs de la zone. Les producteurs de la zone utilisent les produits chimiques destinés au cotonnier pour traiter d'autres cultures, à savoir le niébé, Citrulus colocynthis (pastèque), le melon et le maïs (Tableau 5).

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3.3. Distance des points d'eau par rapport aux champs de coton

14Le tableau 6 montre les distances qui séparent respectivement les champs de cotonniers où sont opérés des traitements de pesticides et les points d'approvisionnement en eau de boisson pour les habitants et les animaux.

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3.4. Mesures de protection des manipulateurs

15Les équipements de protection des manipulateurs sont constitués essentiellement de gants, de bottes, de masques et de cache-nez de fortune, des mouchoirs et des chapeaux. On note que 31 % des manipulateurs ne portent aucun équipement de protection et les combinaisons types recommandées sont absentes. Par ailleurs, les conditions atmosphériques telles que la pluie et la direction du vent sont considérées par les producteurs avant l'épandage. La figure 2 présente l'importance du recours à chaque mode de protection au cours des traitements.

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3.5. Conséquences de l'utilisation des pesticides

16Les mauvaises pratiques mises en exergue dans l'utilisation des pesticides conditionnent les manifestations exprimées par les producteurs. D'une façon générale, tous les enquêtés ont affirmé ressentir des malaises pendant et après les applications des pesticides. Les malaises cités sont généralement les picotements des yeux (86 %), les maux de têtes (84 %), les troubles digestifs (76 %), les manifestations cutanées (75 %) et des troubles respiratoires (69 %). Des cas d'intoxications alimentaires aigües (allant jusqu'à faire des victimes mortelles) ont été rapportés par les acteurs dans la zone. Les investigations ont permis de vérifier certains cas cités.

3.6. Lieux de nettoyage du matériel de pulvérisation

17Il ressort du diagnostic des points de nettoyage de l'opérateur ainsi que du matériel ayant servi à la pulvérisation des insecticides et herbicides que trois lieux sont couramment utilisés. Il s'agit des champs, des maisons et des points d'eau (forage, puits et cours d'eau) (Tableau 7).

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3.7. Utilisations des emballages de pesticides après traitement

18Certains utilisateurs (18,92 %) réutilisent les emballages vides pour acheter du pétrole, du dolo, pour s'approvisionner en eau de consommation et pour la conservation de semences. D'autres (28,33 %) les abandonnent dans la nature et le reste (52,75 %) affirment les brûler avec les ordures ou les enfouir dans le sol. La figure 3 montre des flacons vides de pesticides utilisés pour conditionner de l'eau de consommation.

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4. Discussion

4.1. Risques sanitaires

19Les problèmes sanitaires auxquels est exposée la population de la zone sont liés aux différents circuits d'approvisionnement, les modes d'utilisation des pesticides et les équipements de protection des producteurs qui ont été présentés dans les résultats. L'étude des circuits d'approvisionnement des pesticides a révélé quatre circuits, à savoir celui formel, de producteur à producteur, le marché local et le marché extérieur. Cette même typologie de distribution a été proposée par OBEPAB (2006) à Kobé, Déni et Okéowo au Bénin. Par ailleurs, il faut noter que le niveau d'équipement en matériel de protection pendant l'épandage est faible. Ceux qui déclarent disposer de matériel ne l'utilisent pas souvent. Cette situation a été déjà dépeinte par PAN Togo (2005) et OBEPAB (2006). Pendant les pulvérisations, l'air est pollué et est chargé de particules d'aérosol qui seraient inhalées par les habitants au voisinage des champs de cotonnier.

20Aussi, le nombre élevé d'épandages des insecticides (parfois 20 épandages) expose davantage les producteurs à une intoxication chronique dans la mesure où ils n'ont pas d'équipement de protection adéquat. Duemmler et al. (1988), Kumar (1991) et Guissou et al. (1996) ont estimé que l'exposition des producteurs de coton aux traitements pendant une longue durée et sans matériel de protection adéquat constitue la source de risque majeur d'intoxication.

21Des pratiques dangereuses telles que l'utilisation des pesticides du cotonnier pour d'autres cultures, l'association de certaines cultures (haricot, maïs, sorgho, oseille, gombo) à celle du coton constituent des risques sanitaires pour la population humaine. En effet, les travaux de Nebie et al. (2002) concluaient à la présence de fortes concentrations de cyperméthrine (1 à 100 mg.kg-1 de MS) et de delthaméthrine (12 à 146 mg.kg-1 de MS) à l'issue de l'analyse de divers échantillons de fruits, de légumes et de céréales traités par les pesticides. PAN Togo (2005), à l'issue d'analyse d'échantillons de niébé à proximité des champs, a révélé des concentrations de lindane (0,710 mg.kg-1) et d'heptachlore (0, 421 mg.kg-1) qui dépassent largement les normes admises par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS, 1994).

22De même, l'utilisation des boites vides de pesticides après ou sans lavage pour conditionner les eaux de consommation est une source de danger sanitaire pour les populations.

23Les maladies répertoriées qui affectent les producteurs de la zone sont les irritations cutanées, les maux de tête et de ventre. Des malaises comme des vomissements et des vertiges sont cités par les producteurs comme des cas qui surviennent souvent après l'épandage des produits chimiques. Des cas similaires de ces malaises ont déjà été rapportés par PAN Togo (2005), OBEPAB (2006) et Toé (2007) sur des producteurs de coton. Lincer et al. (1981) ont établi que de faibles concentrations de résidus peuvent avoir des conséquences biologiques significatives et causer des cancers ou provoquer des transformations génétiques. Des cas d'intoxication ont été rapportés par les producteurs de coton et d'autres acteurs lors de nos investigations. L'entretien avec les services de santé (Centre médical de Pama) a confirmé ces dires. Par exemple, le cas de cette famille de quatre personnes qui a été amenée en urgence à l'hôpital après avoir mangé du tô dont la farine avait reçu accidentellement des insecticides. Des cas graves d'intoxication par les produits phytosanitaires ont été signalés. Ces situations seraient fréquentes chaque année et ont aussi été constatées par Guissou et al. (1996) en zone cotonnière de l'ouest du pays, qui signalent l'intoxication aux organochlorés à plusieurs degrés de sévérité allant des simples vertiges avec des céphalées aux convulsions, voire la mort.

4.2. Risques écologiques

24Les résultats sur la concentration des insecticides ont montré que les producteurs de coton n'appliquent aucune norme. Les différences de concentration et de quantité de bouillie appliqués par hectare sont très disparates d'un producteur à un autre. Des recherches, dont celle de Belem (1985), dans la zone cotonnière ouest du Burkina Faso, ont permis de conclure qu'en matière de lutte contre les parasites du cotonnier, l'adéquation était loin d'être réalisée entre les pratiques paysannes et les recommandations de l'encadrement technique. Le corollaire de cette pratique est la forte concentration ou la faible concentration des pesticides. Les niveaux de dosage différents présenteraient des risques environnementaux avec des conséquences négatives à redouter. En cas de forte concentration de la matière active, ce ne sont pas uniquement les parasites ciblés qui seraient détruits, mais aussi les non ciblés. De même, les émulsions concentrées qui tombent sur le sol agiraient négativement sur la faune tellurique. Par contre, en cas de faible concentration, d'autres phénomènes pourraient se produire. Dans cette situation, les parasites pourraient développer des résistances (Georghiou et al., 1997 ; Kumar, 1991), ce qui occasionnerait des traitements répétés des champs (Le Clech, 1998), perturberait l'écosystème et augmenterait les couts de production.

25Les résultats sur les lieux de lavage du matériel de pulvérisation ont montré que 7,14 % des producteurs lavent leur matériel au niveau des points d'eau. Aussi, l'installation des champs de coton sans tenir compte de la distance des points d'eaux et de la situation topographique a été constatée. Le risque majeur lié à cette proximité des points d'eau est une contamination. En effet, les eaux de pluie, par le ruissellement, entrainent d'importantes quantités de produits phytosanitaires vers les milieux environnants. L'étude de Cisse et al. (2004) a permis la détection de 16 pesticides organochlorés dans les puits avec une concentration supérieure à 0,1 μg.l-1 dans la zone de Niayes au Sénégal. De même, les travaux de Illa (2004) dans la zone cotonnière burkinabé (boucle du Mouhoun) ont permis de détecter la présence de métidathion dans des puits et l'eau de forage et la lie au transport des pesticides en surface ou en profondeur.

26Il faut également noter que la dispersion des pesticides se fait au-delà des agrosystèmes. En effet, par les mouvements atmosphériques (transport par le vent), les pesticides utilisés peuvent être entrainés vers les ressources lointaines dans les biotopes. Le nettoyage du matériel de pulvérisation dans certains points d'eau est un facteur de risque pour cette ressource et peut affecter la santé humaine et animale (Devez, 2004).

27L'eutrophisation par le transport des matières fertilisantes utilisées pour l'amendement des champs de coton par les eaux de ruissellement vers les lacs et étangs serait inévitable. La conséquence est un transfert et un dépôt de ces produits dans les milieux humides, d'où un déséquilibre écologique dû à une colonisation des végétaux.

28L'utilisation des pesticides et des fertilisants minéraux est un fait qui peut affecter la qualité des sols par sa modification physico-chimique et sa contamination (Le Clech, 1998). Aussi, l'application des herbicides totaux, des insecticides et la pression foncière avec l'abandon de la jachère constituent des risques potentiels d'abaisser la fertilité et de contaminer les sols. Dans ce registre, Hascoet (1968)1, cité par Ramade, 1995, a pu mettre en évidence une sérieuse contamination des sols cultivés français par les insecticides organochlorés. Des travaux similaires montrant la contamination par les pesticides en zone cotonnière existent. Les résultats de Savadogo et al. (2006) ont montré une contamination des sols par l'endosulfan et l'aldrine avec des concentrations variant respectivement de 1 à 22 µg.kg-1 et de l'ordre de 20 µg.kg-1 aussi bien en milieu rural qu'en station expérimentale dans la boucle du Mouhoun (Burkina Faso). Or, Edwards (1973)2 cité par Duemmler et al. (1988) a indiqué que la présence de pesticides influence directement ou indirectement la microfaune du sol et peut intervenir dans le cycle des éléments et dans les processus de décomposition de la matière organique. Basedow (1985)3, cité par Duemmler et al., 1988, a constaté au cours d'essais que l'atrazine réduisait la population de lombrics.

5. Conclusion

29Cette étude a permis de mieux appréhender les différentes pratiques à risques liées à l'utilisation des pesticides dans la zone cotonnière de l'est et d'en tirer les conséquences pour l'environnement et la santé humaine. Il ressort des résultats obtenus de l'étude que les pratiques d'utilisation des pesticides sont peu respectueuses des normes de protection sanitaire aussi bien des utilisateurs que de l'écosystème environnant. Font partie entre autres de ces mauvaises pratiques, la non-utilisation des équipements de protection sanitaire, le non-respect des directives pour les concentrations des insecticides, l'utilisation des pesticides du cotonnier sur les cultures alimentaires et le lavage du matériel d'épandage au niveau des points d'approvisionnement et d'abreuvement en eau. C'est pourquoi, dans la perspective d'une exploitation durable des ressources naturelles de la région, nous suggérons une sensibilisation des producteurs sur l'utilisation des pesticides et que des études plus approfondies s'effectuent (analyse d'échantillons de sol, eau, céréales, etc.) pour connaitre les niveaux de contamination.

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Institut de l'Environnement et de Recherches Agricoles (INERA). Station de Kamboincè. 01BP 476. BF-Ouagadougou 01 (Burkina Faso).

Acerca de: Aimé J. Nianogo

Union mondiale pour la Nature et la Conservation des Ressources. Bureau régional d'Afrique de l'Ouest et du Centre. BF-Ouagadougou (Burkina Faso).

Acerca de: Jeanne Millogo-Rasolodimby

Université de Ouagadougou. Laboratoire de Biologie et Ecologie végétale. 05 BP 9016. BF-Ouagadougou 05 (Burkina Faso).