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- Volume 14 (2010)
- Numéro spécial 1
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Synthèse de résultats d’essais de cultures intermédiaires pièges à nitrate à l'Université catholique de Louvain
Résumé
Depuis 2001, plusieurs essais de cultures intermédiaires pièges à nitrate (CIPAN) ont été mis en place par le Département de Biologie appliquée et des Productions agricoles de l’Université catholique de Louvain. Ils visent à améliorer la gestion de l’interculture et son impact environnemental. L’intérêt des CIPAN est de couvrir le sol pour piéger les éléments fertilisants résiduels et ceux minéralisés après la récolte et ainsi réduire la quantité d’azote potentiellement lessivable (APL) pendant la période de recharge des nappes phréatiques. Les premiers essais ont eu pour objectif de mieux connaitre les espèces susceptibles de remplir les objectifs souhaités : quantité d’azote prélevé et caractéristiques agronomiques. Par la suite, d’autres paramètres ont été étudiés : fertilisation organique, itinéraires techniques et mélanges d’espèces. Les résultats obtenus ont permis d’identifier les espèces et les conditions d’implantation permettant d’optimaliser le prélèvement d’azote et de fournir aux agriculteurs de Wallonie (Belgique) des références techniques nécessaires.
Abstract
Summary of catch crops experiments conducted at UCL. Since 2001, many catch crops trials were set up by the Department of applied Biology and agricultural Productions of the Catholic University of Louvain. They aim at improving the management of interculture and its environmental impact. Catch crops interest is mainly to cover the ground to trap the residual fertilizing elements and those mineralized after the harvest and so to reduce the quantity of potentially leachable nitrogen (PLN) during the period of refill of groundwater. The first trials have for objectives a better knowledge of species likely to meet the desired objectives: nitrogen absorption and agronomic characteristics. Afterward, other parameters were studied such as organic fertilization, crop management and mixtures of species. The results allowed to identify the species and to optimize the taking of nitrogen and provide Walloon farmers (Belgium) with necessary technical references.
Table of content
1. Introduction
1Les cultures intermédiaires pièges à nitrate (CIPAN) sont essentiellement implantées après une récolte d’été pour couvrir le sol avant la mise en place d’une culture de printemps. L’objectif principal est de piéger les nitrates non prélevés par la culture et résultant de la minéralisation de la matière organique durant l’arrière-saison. On évite ainsi leur lixiviation vers la nappe phréatique. Le Programme de Gestion Durable de l’Azote en agriculture (PGDA) impose que des CIPAN soient implantées lors d’une récolte effectuée avant le 1er septembre et suivie d’une culture de printemps quand il y a apport de matière organique – obligation valable pour l’ensemble de la Wallonie (Belgique) – et sur 75 % des superficies (hors lin et pois) en zone vulnérable. La quantité d’azote (nitrique) restant dans le sol après la récolte dépend essentiellement de la fumure de celle-ci, de la minéralisation de la matière organique et du prélèvement par les plantes. Les reliquats peuvent aller de quelques kg à plus de 100 kg.ha-1 dans le cas par exemple d’une culture de légumineuse. L’azote potentiellement lessivable (APL) résulte de l’addition du reliquat post-culture et de l’azote libéré par la minéralisation pendant l’interculture. L’ampleur du phénomène de minéralisation est dépendante des conditions météorologiques (température et humidité) prévalant durant l’arrière-saison. L’objectif de cette synthèse est de présenter les résultats des essais qui ont été réalisés chez différents agriculteurs de la zone limoneuse en région wallonne pour mesurer l’effet des cultures intermédiaires en fonction de différents itinéraires techniques. Par souci de clarté, les différentes études sont présentées chronologiquement.
2. Diversification des espèces implantées en CIPAN
2.1. Matériel et méthodes
2Le premier essai, réalisé en 2001, compare huit espèces de cultures intermédiaires (Tableau 1) et mesure l’efficacité de chacune à prélever les reliquats azotés (Bontemps et al., 2004). L’essai a été reproduit sur trois sites dont deux après culture d’escourgeon à Houtain-le-Val et à Liernu et un après pois à Lasne. Les semis ont été réalisés les 20 et 21 aout 2001 à l’aide d’un semoir à céréales.
3Les mesures de l'APL ont été réalisées le 21 novembre sur 150 cm avec une sonde tubulaire pneumatique. Les résultats présentés ont trait à l’azote minéral total présent dans le profil (nitrate et ammoniacal). Cependant, la quantité d’azote ammoniacal est faible, en général inférieure à 5 kg N-NH4+.ha-1. Les différences entre traitements concernent essentiellement le nitrate qui est la forme d’absorption préférentielle par la plante. Les reliquats ont été comparés avec un témoin sol nu sur lequel les repousses n’ont pas été désherbées pour se placer dans les conditions rencontrées en ferme.
2.2. Résultats et discussion
4La synthèse des résultats est reprise individuellement pour chacun des sites ci-après. Trois tests statistiques d’égalité des moyennes ont été appliqués à chacun des essais : Fisher, Scheffe et Bonnferroni/Dunnet. Les résultats du test de Fisher sont utilisés pour différencier les traitements. A l’exception de l’essai mené à Lasne, le test de Fisher est appliqué sur les observations réalisées dans la couche de sol 0-150 cm.
5Essai « Houtain-le-Val ». Le tableau 2 reprend les moyennes de profils azotés mesurés dans les quatre blocs pour les différentes cultures pièges à nitrate. Le témoin permettant de rendre compte de la minéralisation du champ présente un profil peu élevé (45 kg N-NO3-.ha-1), expliqué par la culture d’escourgeon laissant généralement des reliquats assez faibles et par les repousses d’escourgeon.
6La lecture du tableau montre qu’il y a peu de différences entre les espèces testées : maximum 25 kg. Précisons que l’imprécision due à la mesure est de l’ordre de 10 kg. Ces faibles différences sont soulignées par les tests statistiques de Scheffe et de Bonferroni/Dunnet qui ne révèlent aucune différence significative. Seul le test de Fisher, moins robuste, met en évidence des différences significatives ; les résultats sont présentés au tableau 2, pour un niveau de signification de 5 %.
7Il est intéressant de noter qu’aucune différence significative ne peut être mise en évidence entre la moutarde et le mélange (constitué, pour rappel, de moutarde et de féveroles).
8Essai « Liernu ». La minéralisation post-récolte a été plus importante dans cet essai avec près de 65 unités d’azote par hectare sous parcelle nue. Ceci permet d’observer des résultats plus contrastés et de mieux différencier les CIPAN au point de vue de leur efficacité à prélever le nitrate (Tableau 3).
9Nous retrouvons ici le bon comportement général des crucifères en tant que CIPAN. Nous pouvons également souligner l’absence de différence statistiquement significative entre la moutarde pure et la moutarde semée en mélange avec des féveroles (Tableau 3). Ce mélange présente une forme de profil en triangle sur pointe, témoignant d’une bonne répartition de l’azote pouvant être facilement récupéré par la culture suivante. Le ray-grass et la phacélie présentent un profil en azote plus élevé que la moyenne (reliquat moyen de 31 kg N-NO3-.ha-1). Ceci est dû, pour le ray-grass, à une date d’implantation trop tardive. Dans le cas de la phacélie, sa vitesse d’implantation trop lente a permis de récupérer l’azote uniquement en surface. Pour les deux espèces, la couche la plus riche est la 50-100 cm (90 % de l’azote sur 50-150 cm pour le raygrass).
10Essai « Lasne ». Contrairement aux deux essais traités précédemment, celui de Lasne présente une gamme de profils azotés très étendue : de 17 à 190 kg N-NO3-.ha-1 (Tableau 4). La valeur élevée du témoin s’explique par le précédent cultural de cultures de légumineuse (pois). Ce reliquat permet de mesurer l’importance de l’implantation d’une culture piège à nitrate après légumineuse. En effet, en première lecture du tableau, nous pouvons déduire que les CIPAN permettent de réduire, en moyenne, de 2/3 le reliquat azoté (reliquat moyen sous CIPAN = 62 kg N-NO3-.ha-1).
11Les écarts-types calculés sur ce site sont relativement élevés, ne permettant que très difficilement de comparer l’efficacité de piégeage des différentes cultures sans une approche statistique. La couche 100-150 cm présentant de nombreuses données manquantes (des cailloux empêchant le prélèvement à cette profondeur), l’analyse statistique a porté sur la couche 0-100 cm, afin de limiter au maximum les données manquantes. Le tableau 4 reprend les résultats du test de la plus petite différence significative pour la couche 0-100 cm, selon Fisher pour un niveau de signification de 5 %.
12Comme pour le site précédent, l’APL dans les parcelles de radis et de navet est significativement plus faible que dans le ray-grass. Comme pour les deux autres essais, la moutarde et le mélange moutarde-féverole présentent des APL semblables.
2.3. Conclusion
13Cet essai souligne bien l’importance de l’implantation d’une CIPAN, surtout après une culture laissant de gros reliquats azotés, comme les cultures de légumineuses. En effet, les quantités d’azote prélevé par la culture intermédiaire représentent en moyenne 2/3 des quantités retrouvées sous parcelles laissées nues. Il est cependant difficile de mettre en évidence des différences significatives entre les CIPAN.
14L’essai montre que :
15– Des espèces comme le navet et le radis présentent d’excellents résultats et ce, même dans des situations à fort reliquat azoté ;
16– Le ray-grass de westerwold présente régulièrement des résultats décevants ; pour un semis d’engrais vert, le ray-grass d'Italie serait à privilégier pour sa souplesse en terme de date d’implantation ;
17– La phacélie présente parfois une certaine faiblesse en termes de piégeage des nitrates au sein de cet essai ; cette faiblesse peut être compensée par un roulage au semis, permettant à la phacélie de démarrer plus vite son cycle végétatif ;
18– L’association d’une légumineuse à la moutarde n’engendre pas de conséquence négative en termes de piégeage des nitrates, même après culture de légumineuses.
19En définitive, de nombreuses alternatives à la moutarde s’offrent à l’agriculteur en matière d’interculture.
3. Efficacité de CIPAN après épandage d’engrais de ferme
3.1. Matériel et méthodes
20Durant l’été 2003, un essai a été réalisé à Corroy-le-Grand (centre A. de Marbaix) pour comparer l’efficacité de plusieurs espèces de CIPAN (Tableau 5) à réduire l’APL lors d’une application d’engrais de ferme en fin d’été. Le précédent est une culture d’escourgeon récoltée le 12 juillet 2003. Quarante m³ de lisier ont été épandus le 21 aout. L'analyse de sol réalisée lors de l’implantation de l’essai indiquait un reliquat azoté de 48 kg N-NO3-.ha-1 sur 90 cm. Les CIPAN ont été semées le 22 aout.
3.2. Résultats et discussion
21Les valeurs d’APL mesurées le 27 novembre sont indiquées dans le tableau 5 et présentées par couche à la figure 1. Le contenu en N-NH4+ des échantillons a également été mesuré (moins de 3 kg.ha-1 sur 0-90 cm).
22La quantité d'azote nitrique présent dans le sol laissé nu est passée de 48 kg.ha-1 à 86 kg.ha-1. Cette augmentation met en évidence l’effet de la minéralisation importante de la matière organique (MO) du sol après la période de sècheresse. L’application de lisier a également occasionné une forte augmentation de l’APL dans la parcelle de sol nu. Le reliquat mesuré en décembre atteint 30 kg de plus que dans la parcelle sans lisier. Par contre, dans les parcelles de CIPAN, le reliquat en décembre est inférieur ou égal à 13 kg. La CIPAN a donc pu valoriser l’azote apporté par l’application du lisier et libéré par la minéralisation de la MO. Toutes les espèces testées ont eu un effet important sur la réduction de l’APL avec peu de différences entre elles. Il est particulièrement intéressant de constater que le reliquat est également faible dans les parcelles dont la CIPAN contient une espèce légumineuse en mélange, le ray-grass/trèfle a un APL de 11 kg.ha-1 par rapport à 6 pour le ray-grass seul et la moutarde/féverole 10 kg.ha-1 par rapport à 9 pour la moutarde seule ! L’avoine semble également posséder des atouts intéressants pour une utilisation comme CIPAN (bonne efficacité, autoproduction possible des semences, gélive, etc.).
3.3. Conclusion
23Cet essai démontre l’intérêt d’implanter une CIPAN même en cas de reliquat post-culture relativement modéré (< 50 kg N-NO3-.ha-1). En effet, la minéralisation de la MO qui a suivi la récolte de la céréale a conduit à un APL de 86 kg N-NO3-.ha-1 sans application de matière organique et de 114 kg N-NO3-.ha-1 avec application de lisier. On peut évaluer l’absorption de nitrate par les CIPAN à plus de 100 kg N-NO3-.ha-1 dans cet essai, quelle que soit l’espèce semée. Dans les parcelles dont la CIPAN contient une espèce légumineuse en mélange, le reliquat est également très faible.
4. Efficacité de CIPAN fertilisées par différentes matières organiques
4.1. Matériel et méthodes
24Le but de cet essai est de tester la capacité de captage de trois espèces de CIPAN pour une même dose d’azote provenant de différents apports organiques. Les espèces semées, après récolte de l’escourgeon, sont la moutarde blanche, la phacélie et le ray-grass d’Italie. Une parcelle nue (non semée mais désherbée) subit les mêmes traitements et sert de témoin. Les profils d'azote sont effectués sur 90 cm de profondeur le 30 juillet 2002 pour le reliquat post-culture et le 26 novembre 2002 pour l’APL.
25L’épandage des matières organiques a eu lieu le 31 juillet 2002. Les fertilisants testés sont le compost de déchets verts, le lisier de porc, le lisier de bovin, le fumier de bovin et le fumier de poule. La quantité appliquée est celle correspondant le mieux possible à 210 kg Ntot.ha-1, ce qui correspond, en 2002, à la dose seuil fixée par l'arrêté du gouvernement wallon relatif à la gestion durable de l’azote en agriculture. Chaque matière a été analysée et au vu des quantités réellement épandues, les doses en kg Ntot.ha-1 sont reprises au tableau 6.
26Le semis a été réalisé le 3 septembre 2002 aux densités suivantes : la moutarde blanche 15 kg.ha-1, la phacélie 10 kg.ha-1 et le ray-grass d’Italie 50 kg.ha-1.
4.2. Résultats et discussion
27Le reliquat post-culture est de 22 kg N-NO3.ha-1, résultat d’une fertilisation raisonnée de l’escourgeon.
28Le tableau 7 donne les résultats des profils en fin de période de minéralisation (le 27 novembre 2002).
29Profils APL. Une analyse de variance à trois critères de classification (plante, effluent, bloc) a été réalisée sur ces résultats. Il s’agit d’une ANOVA 3 complètement croisée, ce qui signifie qu’il ne sera pas possible de tester les facteurs qui doivent l’être contre le résidu. Les résultats permettent de voir qu’il existe un effet « plantes » sur le résidu d’azote (p-valeur < 0,0001), mais pas d’effet « effluent » (p-valeur = 0,6660) ni « plante*effluent » (p-valeur = 0,9163). Cela peut être en partie visualisé à la figure 2.
30La figure 2 permet de mieux comprendre que, quel que soit l’effluent épandu, les plantes ont retenu une bonne partie de l’azote en surface. Le sol resté nu contient jusqu’à six fois plus de nitrate dans la couche 0-90. Cependant, il reste à savoir si l’effet « plante » mis en évidence n’est pas significatif uniquement à cause de la forte différence entre le sol nu et toutes les autres plantes. La moutarde a été la plus efficace et la différence entre celle-ci et les deux autres plantes est significative (p-valeur = 0,0108), ce qui signifie qu’elle capte plus d’azote. Par contre, la phacélie et le ray-grass présentent des résultats comparables (p-valeur = 0,1483). La figure 3 permet de visualiser que l’effet « effluent » n’existe pas (les courbes se croisent à plusieurs reprises). Elle permet malgré tout de dégager quels effluents ont laissé le plus d’azote dans le sol : le lisier de bovin et le fumier. Le fumier de poule a, comme le fumier de bovin, été épandu à plus fortes doses (262 kg Ntot.ha-1), mais il possède un plus grand pourcentage d’azote directement assimilable par la plante que les autres effluents.
31Répartitions dans les couches. Cette fois, c’est une analyse à quatre critères de classification qui doit être réalisée étant donné le facteur « profondeur » qui vient s’ajouter aux trois précédents. Cette analyse révèle qu’il existe un effet « plante » (p-valeur < 0,0001) et un effet « profondeur » (p-valeur = 0,0007). Deux interactions ont également un effet significatif : « profondeur*plante » (p-valeur < 0,0001), ou autrement dit la répartition dans le profil est différente selon la plante, et « effluent*bloc », c’est-à-dire que les effluents n’ont pas le même effet d’un bloc à l’autre.
32Afin de préciser les effets « profondeur » et « plante*profondeur », la figure 4 est tracée. Les valeurs de résidus sont celles obtenues en effectuant la moyenne pour chaque profondeur à travers les effluents. Ceci est permis étant donné que l’ANOVA dit qu’il n’existe pas d’effet « effluent ».
33Les reliquats sous sol nu sont les plus importants dans les couches 30 à 60 cm et 60-90 cm. Ceci signifie qu’il y a eu migration du nitrate de surface en profondeur. Sous moutarde, les teneurs en nitrate varient peu d’une profondeur à l’autre (épuisement plus uniforme du profil), ce qui est moins le cas pour les deux autres CIPAN (système radiculaire moins développé en profondeur).
4.3. Conclusion
34Les reliquats d’azote nitrique dosés sous sol nu sont nettement plus élevés que sous CIPAN, quelle qu’elle soit. La moutarde est la plus efficace dans cet essai (en quantité et en profondeur). La comparaison de tous les effluents doit tenir compte des différentes doses appliquées. Le fumier de bovin, le lisier de porc et le fumier de poule ont été appliqués à une dose de +/- 280 kg Ntot.ha-1. L’APL mesuré sous fumier de bovin est le plus élevé, vient ensuite le fumier de poule et enfin le lisier de porc. Le lisier de bovin et le compost on été épandus à +/- 190 kg Ntot.ha-1, l’APL mesuré sous lisier de bovin est nettement supérieur. Les rapports N épandu/N absorbé sont, du plus élevé au plus faible : le lisier de bovin, le fumier de bovin, le fumier de poule, le compost et enfin le lisier de porc.
5. Mesure de la capacité d’une CIPAN à piéger l’azote par apport de doses croissantes de lisier
5.1. Matériel et méthodes
35L’essai a pour objectif de tester la capacité de piégeage de l’azote par une CIPAN, le ray-grass, en fonction de différentes doses de lisier de porc appliquées. La densité de la couverture en place est mesurée par un herbomètre, outil permettant d’obtenir une valeur représentative à la fois de la hauteur et de la densité des couverts. Les doses testées sont de 0, 100, 200 et 300 kg N.ha-1 ; plus une parcelle témoin ne subissant aucun traitement. L’analyse du lisier effectuée au laboratoire de Michamps donne une teneur en Ntotal de 9,94 kg.t-1, ce qui permet de calculer que les doses effectivement épandues sont 153, 306 et 459 kg Ntot.ha-1.
36Dates d’interventions : 30 juillet 2002 : profils d’azote post-récolte sur 90 cm ; 31 juillet 2002 : épandage du lisier ; 3 septembre 2002 : semis du ray-grass à 50 kg.ha-1 ; 26 novembre 2002 : profil APL.
5.2. Résultats et discussion
37Le reliquat d'azote nitrique après la culture d’escourgeon est faible : 11 kg N-NO3-.ha-1.
38Croissance du couvert. Une mesure de la densité du ray-grass d’Italie a été réalisée à l’aide de l’herbomètre sur les différentes parcelles le 15 novembre (Figure 5).
39La tendance de la courbe explique qu’une dose croissante d’azote provoque une croissance plus prononcée du ray-grass, avec un effet plus important entre 0 et 150 kg Ntot.ha-1. Le test de comparaison des moyennes par la méthode de Scheffé permet de dire que les hauteurs observées sur les parcelles ayant reçu 153, 306 et 459 kg Ntot.ha-1 ne sont pas significativement différentes. Ceci signifie qu’après cette dose, la densité et la hauteur du couvert n’augmentent plus proportionnellement à la dose ajoutée.
40Profils APL. Une analyse de la variance à trois critères de classification (plante, dose, bloc) a été appliquée aux résultats APL. Elle révèle qu’il existe un effet « plante » (p-valeur = 0,01) de même qu’un effet « dose » (p-valeur = 0,0088). La figure 6 permet de quantifier les effets « plante ».
41Sous sol nu, les quantités dosées augmentent fortement lorsque les doses d’azote appliquées passent de 153 à 306 kg Ntot.ha-1, par contre sous ray-grass elles se maintiennent, ce qui signifie que la plante est capable d’absorber les quantités supplémentaires apportées de façon impressionnante (110 kg N-NO3-.ha-1). Au-delà d’une dose de 306 kg Ntot.ha-1, le ray-grass ne semble plus capable de capter totalement les quantités supplémentaires apportées. Pour ces valeurs, le test de comparaison de moyennes par la méthode de Scheffé dit que sous ray-grass, il existe un certain « décrochage » dans la courbe APL : au-delà d’une dose de 153 kg Ntot.ha-1, plus d’APL sont détectés dans le sol.
42Répartitions dans les couches. Une ANOVA 4 est réalisée pour analyser les résultats précédents à chaque profondeur. A nouveau, les effets « plante » (p-valeur = 0,01) et « dose » (p-valeur = 0,0088) sont remarqués. A présent, un effet « profondeur » (p-valeur = 0,0339) est également observé. L’application d’une nouvelle ANOVA 4 met en évidence un effet supplémentaire : « plante*dose » (p-valeur = 0,0244). Les tableaux 8 et 9 montrent comment évoluent les profils azotés pour les doses testées sous sol nu et sous ray-grass. Tout à fait logiquement, plus il y a d'azote appliqué, plus on en retrouve dans le sol (effet « dose »). Le fait que le ray-grass possède un système radiculaire qui n’a pas le temps de se développer en profondeur sur cette période permet d’expliquer l’allure du profil : en effet, les quantités d’azote dosées dans la couche 0-30 cm restent relativement faibles par rapport aux autres profondeurs (d’où l’effet « profondeur »).
43Les quantités dosées sont nettement supérieures à celles mesurées sous ray-grass (effet « plante ») ; en effet, aucune plante n’est là pour capter cet azote. Il faut également savoir que l’humidité plus importante sous sol nu favorise la minéralisation.
5.3. Conclusion
44Le but de cet essai était d’apporter des doses croissantes d’effluents afin de tester la capacité d’absorption d’une CIPAN, le ray-grass d’Italie.
45Plus les effluents sont épandus en grande quantité, plus l’APL dosé à la fin de la période de minéralisation est élevé. La plante est capable de piéger des quantités impressionnantes d’azote nitrique. Cependant, elle possède un seuil limite de captage d’azote (que nous ne pouvons déterminer ici au vu des écarts-types importants sur les résultats), et par conséquent elle ne peut profiter des surplus appliqués qui seront alors soumis au lessivage.
6. Comparaison de CIPAN en fonction de la date d’implantation et en mélange en damier
6.1. Matériel et méthodes
46L’UCL a collaboré en 2007 à un essai à caractère démonstratif sans répétition mis en place à Malèves-Sainte-Marie (Nitrawal, 2008).
47Le premier volet compare, par rapport à un témoin sol nu, l’efficacité à piéger l’azote de cinq espèces de CIPAN (moutarde, phacélie, avoine, ray-grass et nyger) semées à trois dates différentes (31 juillet, 21 aout et 11 septembre) sur une parcelle avec deux précédents différents : escourgeon (suivi d’un épandage de fumier de bovin) et pois. Des profils d’azote nitrique ont été mesurés avant chaque semis, plus un profil intermédiaire le 2 octobre (sur les 24 premiers semis) et un APL a été réalisé sur l’ensemble le 22 octobre.
48Le deuxième volet compare six espèces différentes mélangées à demi-dose dans une disposition en damier. Le but de l’essai était de montrer le développement de différents mélanges associant des espèces à système racinaire fasciculé et/ou pivotant, mais également des mélanges avec légumineuse (vesce).
6.2. Résultats et discussion
49Premier volet. Après escourgeon : au 22 octobre, les différentes CIPAN semées le 31 juillet ont prélevé entre 60 et 70 kg d’azote nitrique par hectare. Pour les semis du 21 aout, la moutarde, le ray-grass et l’avoine ont prélevé (par différence du reliquat azoté entre sol nu et phacélie) plus de 50 kg N-NO3-.ha-1. Les deux autres espèces ont prélevé entre 30 et 40 kg N-NO3-.ha-1. Enfin, les semis du 11 septembre n’ont pas eu d’effet positif sur le prélèvement d’azote. Seule la moutarde a prélevé 20 kg N-NO3-.ha-1.
50Après pois : pour les premiers semis, le prélèvement d’azote par la phacélie et la moutarde est respectivement de 174 et 162 kg N-NO3-.ha-1, tandis que les autres espèces ont prélevé de l’ordre de 140 kg N-NO3-.ha-1. Tout comme pour le précédent escourgeon, on note que pour un semis plus tardif, seule la moutarde prélève rapidement l’azote.
51Les courbes de prélèvements montrent que la moutarde capte rapidement l’azote (Figure 7). Elle a cependant tendance à plafonner vers 160 kg N-NO3-.ha-1. A l’inverse, la phacélie prend un temps d’installation d’environ 40 jours pour se développer, puis prélève l’azote jusqu’à 170 kg N-NO3-.ha-1. On note que la courbe ne plafonne pas, ce qui laisse supposer qu’elle peut encore prélever de l’azote.
52Deuxième volet. L’essai a montré que les moutardes ont tendance à supplanter les autres espèces lorsqu’elles sont en mélange. La densité de semis pour la moutarde (10 kg.ha-1) est trop importante, il convient donc de diminuer fortement la densité de semis lorsqu’elle est en mélange. Tous les autres mélanges ont bien pris, mis à part les mélanges avec le nyger (faible développement et détruit aux premières gelées).
7. Comparaison de CIPAN en fonction de la dose de semis et de la date d’implantation
7.1. Matériel et méthodes
53Deux sites d’essais en deux répétitions à vocation démonstrative ont été mis en place en collaboration avec Nitrawal en 2008 (Nitrawal, 2009). L’objectif était de montrer les potentiels de prélèvement d’azote nitrique des différentes espèces en fonction de la dose et de la date de semis.
54Premier site. Six couverts ont été testés à Gerpinnes (moutarde, avoine, phacélie, ray-grass, radis et chou) à deux dates (26 aout et 11 septembre) et à deux doses de semis (dose pleine et dose pleine - 30 %) (Tableau 10).
55La culture précédente était du froment d’hiver, du fumier a été épandu le 23 aout 2008 à raison de 40 t.ha-1. Un déchaumage a eu lieu le 23 aout. Le témoin n’a plus été retravaillé, les repousses n’ont donc pas été détruites par la suite.
56Deuxième site. Situé à Melles, l’essai mis en place le 28 aout 2008 après pois comprend huit couverts et mélanges différents. Il y a également deux doses de semis pour les couverts en pur et un semis tardif supplémentaire pour la moutarde (Figure 8). Des profils ont été réalisés le 26 aout (avant semis), le 13 octobre et le 3 novembre.
7.2. Résultats et discussion
57Premier site. Le reliquat post-récolte était de 44 kg N-NO3-.ha-1. L’APL a été mesuré sur chaque parcelle le 3 novembre et comparé au témoin en fonction de la date de semis (Figure 9).
58Tous les couverts donnent un profil azoté entre 20 et 30 kg N-NO3-.ha-1 pour les semis d’aout et entre 45 et 80 kg.ha-1 pour les semis du mois de septembre. Ces derniers sont tous plus élevés que le témoin (37 kg N-NO3-.ha-1). Cela est dû au fait que la minéralisation a été relancée par le travail du sol lors du semis, alors que le témoin n’a plus été retravaillé depuis le déchaumage du 23 aout, ce qui a également permis aux repousses de céréales de prélever l’azote du profil dans la parcelle témoin.
59La comparaison des densités a donné peu de différences entre les doses pleines et réduites (Figure 10). Quatre espèces ont donné un résultat APL plus élevé avec la dose réduite (les crucifères et le ray-grass), une ne montre pas de différence (phacélie) et une est plus performante de 6 kg.ha-1 (avoine).
60Deuxième site. Les prélèvements d’azote par les différents couverts s’échelonnent de 69 à 133 kg N-NO3-.ha-1 (Figure 11). L’APL sol nu après pois est en effet souvent élevé, ici 154 kg N-NO3-.ha-1 (Figure 12).
61Seigle, moutarde, radis et phacélie ont particulièrement bien piégé l’azote libéré, par contre le ray-grass ainsi que plusieurs espèces à densité de semis réduite et en mélange décrochent en termes d’APL. Le semis au 25 septembre (dérogation à l’obligation de semer avant le 15 septembre en 2008) a, quant à lui, un APL supérieur au témoin, ce qui s’explique à nouveau par une minéralisation relancée par le travail du sol et un faible développement du couvert semé à cette date.
7.3. Conclusion
62L’essai de Gerpinnes montre qu’en cas d’arrière-saison plutôt froide, les semis tardifs (vers la mi-septembre) ont un impact limité voire négatif sur l’APL et sont, dans ce contexte, assurément moins performants que les repousses de céréales. Les résultats du deuxième site montrent l’importance du rôle des CIPAN implantés après une culture à fort reliquat azoté.
8. Conclusion générale
63Les essais de cultures intermédiaires réalisés depuis 2001 à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve ont montré qu’une diversification des espèces était possible tout en respectant les objectifs de prélèvement d’azote pendant l’interculture. Cette diversification permet d’adapter la ou les espèces utilisées (mélanges) aux contraintes techniques : date de semis, technique d’implantation, destruction, etc.
64Les résultats obtenus lors d’application de fertilisants organiques ont montré l’importance des cultures intermédiaires pour leur valorisation tout en préservant du lessivage des nitrates. Une attention particulière doit être portée aux conditions d’implantation avec pour facteur déterminant la date de semis adaptée à l’espèce semée et à l’objectif de prélèvement (durée de croissance de la CIPAN).
Bibliographie
Bontemps P-Y., Lambert R., Devillers C. & Peeters A., 2004. Comparison of the effiency of different catch crops on potentially leachable nitrate. In: Hatch D.J., Chadwick D.R., Jarvis S.C. & Roker J.A., eds. Controlling nitrogen flows and losses. Proceedings of the 12th Nitrogen Workshop, 21-24 September, University of Exeter, UK, 415-416.
Nitrawal, 2008. Rapport d’activité annuel intermédiaire, fiche action E6.3. Gembloux, Belgique : Nitrawal Asbl.
Nitrawal, 2009. Rapport d’activités annuel intermédiaire 01.01.08 au 31.12.08, fiche action C4.3. Gembloux, Belgique : Nitrawal Asbl.
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About: Marc De Toffoli
Université catholique de Louvain-la-Neuve. Département de Biologie appliquée et des Productions agricoles. Place Croix du Sud, 2/24. B-1348 Louvain-la-Neuve (Belgique). E-mail : marc.detoffoli@uclouvain.be
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