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- Volume 15 (2011)
- numéro 4
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Contribution à l'étude structurale par PY/CG-SM de la matière organique liée aux particules fines (0-50 µm) dans quelques sols sous formations naturelles de longue durée au Burkina Faso
Editor's Notes
Reçu le 19 juin 2010, accepté le 16 novembre 2010
Résumé
L'étude vise à approfondir nos connaissances sur la matière organique des Arénosols, des Ferralsols et des Cambisols au Burkina Faso. Elle traite de la distribution granulométrique du carbone, de l'azote et se focalise sur les caractéristiques structurales de la fraction organique liée aux particules inférieures à 50 µm. Ainsi, quelle que soit l'unité de sol, le taux de matière organique totale est inférieur à 2 %. Plus de 70 % du carbone total se retrouvent dans la fraction (0-50 µm). Les principales structures de la fraction (0-50 µm) libérées par la technique de PY/CG-SM sont issues de la lignine, des carbohydrates, des acides gras méthyl esters, des acides aminés et un composé aromatique d'origine inconnue. Les composés aliphatiques vont du C12 au C18, C16 étant dominant. Des corrélations négatives existent entre les composés aliphatiques et les composés aromatiques. Les composés dérivés des acides aminés sont positivement corrélés avec le taux d'argile. Par contre, les composés dérivés des sucres ont des corrélations négatives avec ces particules argileuses. Par ailleurs, l'étude a mis en évidence les différentes structures de la lignine telles que les unités syringyl, guaiacyl et p.hydroxyphényle. Liées à la nature du bois (bois dur, bois léger et graminées), elles reflètent la composition floristique des sites étudiés. La technique de PY/CG-SM s'est ainsi révélée efficace pour une caractérisation structurale de très faibles quantités de matière organique des sols.
Abstract
Contribution to the study by PY/GC-MS of organic matter linked to fine particles (0-50 µm) in some soils under long-term natural formations in Burkina Faso. The study aims to enhance the knowledge on organic matter of Arenosols, Ferralsols, and Cambisols in Burkina Faso. It deals with the distribution of C and N in three particles size fractions and is focused on the structures of organic matter linked to the (0-50 µm) fraction. The results showed that total organic matter was lower than 2% in all soil units. More than 70% of total carbon were held by the finest fraction. The main products released by PY/GC-MS technique of the (0-50 µm) fraction were lignin derived compounds, non lignin derived aromatic compounds, carbohydrates derived compounds, fatty acids methyl esters and nitrogen derived compounds. The aliphatic compounds ranged from C12 to C18, C16 being the dominant one. The aliphatic compounds were negatively correlated with the aromatic compounds. A positive correlation was observed between the nitrogen derived compounds and the amounts of clay. On the other hand, the carbohydrates derived compounds were negatively correlated with clay particles. Furthermore, the study pointed out some different structures of lignin such as syringyl, guaiacyl, and p.hydrophenyl. Depending on the nature of wood (hard wood, soft wood and grasses), they reflected the composition of vegetation on the studied sites. Therefore, PY/GC-MS technique was efficient for structural characterization of low amounts of soil organic matter.
Table of content
1. Introduction
1Selon Flaig (1971) et Guggenberger et al. (1994), la matière organique des sols (MOS) inclut, en plus des débris végétaux et animaux plus ou moins décomposés, une variété de produits organiques hétérogènes souvent intimement liés aux composantes inorganiques du sol. On lui reconnait une influence positive sur la fertilité des sols (Nwinyi, 1973 ; Thompson et al., 1989 ; Asadu et al., 1997) et un rôle sur les processus de formation et d'évolution de ces derniers (Duchaufour, 1977). La MOS se singularise également par sa capacité de chélation des métaux, évitant ainsi la pollution des nappes phréatiques (Karapanagiotis et al., 1991 ; He et al., 1994). Au plan environnemental, elle a acquis ces dernières années une importance toute particulière. En effet, la quantité totale de carbone organique dans les sols du monde est évaluée à 1 576 Pg (Eswaran et al., 1993). Elle représente respectivement le double et environ le triple des stocks de carbone de l'atmosphère (750 Pg) et de la biomasse végétale (550 Pg) (Post et al., 1990 ). Une telle source de dioxyde de carbone pourrait, à la faveur des changements climatiques, influencer la concentration de CO2 dans l'atmosphère et accroître le réchauffement de notre planète (Kirschbaum, 1995). Cependant, sa caractérisation notamment chimique s'est heurtée à de nombreuses difficultés relevées par Oades (1995), Zuman et al. (1995) et Swift (1996). Aussi est-il de plus en plus suggéré d'employer des méthodes physiques et/ou des techniques spectroscopiques en combinaison avec des méthodes de dégradation chimiques sélectives pour caractériser la MOS. Depuis la fin des années 1970, la pyrolyse, définie comme une technique de détermination de la structure des géo-/bio-macromolécules organiques fondées sur leur décomposition chimique sous l'action de la chaleur, est apparue comme une méthode simple et rapide qui fournit à l'échelle moléculaire des données sur les matériaux organiques complexes constitutifs du sol entier, des acides fulviques, humiques et des humines (Saiz-Jimenez et al., 1984 ; Saiz-Jimenez et al., 1986 ; Bracewell et al., 1989 ; Schnitzer et al., 1992 ; Schulten et al., 1995). Elle permet ainsi d'identifier leurs composants majeurs dont les hydrates de carbone, les phénols, les mono-/di-mères de lignines et les graisses. De nombreux travaux font état de son utilisation en vue d'accroître les connaissances sur la composition et la structure chimique de la MOS sous cultures et sous forêts (Hempfling et al., 1988 ; Hempfling et al., 1990 ; Hempfling et al., 1991), permettant de déboucher sur des pratiques de gestion environnementale plus efficaces (Schulten et al., 1992).
2La présente étude, qui s'intègre dans le cadre général de ces travaux, a pour objectif spécifique la caractérisation de la structure de la matière organique liée aux particules fines (0-50 µm) des sols. Elle a été réalisée dans la région ouest et dans la région nord-ouest du Burkina Faso sur trois unités de sol sous formations naturelles de longue durée (70 ans), qualifiées de « forêts classées ». Les échantillons de sol proviennent de l'horizon supérieur de ces unités. Outre les caractéristiques du fractionnement granulométrique de la matière organique, les caractères structuraux de la fraction organo-minérale de chaque échantillon de sol ont été déterminés. Les coefficients de corrélation de rang entre le pourcentage relatif des différents composés et les propriétés physico-chimiques des sols ont également été calculés.
2. Matériel et méthodes
2.1. Cadre géographique
3Les données sur les milieux naturels étudiés sont reportées au tableau 1. Elles révèlent que trois sites sont concernés : Niangoloko, Farakoba et Sâ. Ils sont localisés dans des zones climatiques différentes dont les pluviosités moyennes annuelles diminuent du premier au troisième site. Les formations géologiques varient d'un site à un autre. Il en est de même des sols. Dans la Base de Référence Mondiale pour les ressources en sols (FAO, 1998), ils correspondent aux Arénosols endopétroplinthiques à Niangoloko ; aux Ferralsols abrupti-chromiques à Farakoba et aux Cambisols ferri-épigleyiques à Sâ. Dans le reste du texte, ils sont désignés par « Arénosols », « Ferralsols » et « Cambisols ». Les formations végétales appartiennent au secteur soudanien méridional pour les deux premiers sites et au secteur soudanien septentrional pour le dernier.
2.2. Matériel
4Cinq profils de sol ont été considérés et décrits selon les directives FAO en la matière (FAO, 1994). Ils se répartissent comme suit : 1 profil à Niangoloko (Arénosol) ; 2 profils à Farakoba (Ferralsols) et 2 profils de sol à Sâ (Cambisols). Leurs caractéristiques morphologiques et physico-chimiques sont présentées dans des travaux antérieurs (Pallo, 2009). Celles de leur horizon supérieur sont indiquées au tableau 2. Elles montrent, d'une part, que la texture s'affine de l'échantillon de l'Arénosol à ceux des Cambisols et, d'autre part, que les valeurs les plus élevées des paramètres tels que le taux de matière organique totale, la capacité d'échange cationique, la somme des bases échangeables, sont celles des échantillons provenant des Cambisols. D'une manière générale, ces échantillons de sol sont faiblement acides à neutres et le complexe adsorbant, moyennement à faiblement désaturé.
2.3. Méthodes
5Outre la détermination des paramètres ci-dessus indiqués, les analyses ci-après ont été effectuées sur les cinq échantillons de sol prélevés dans l'horizon supérieur (0-20 cm) des profils considérés :
6Fractionnement granulométrique de la matière organique des sols. La méthodologie employée s'inspire de celle élaborée par Feller (1979). Elle est basée sur un fractionnement granulométrique du sol par tamisages successifs à sec et sous eau. Pour les fractions considérées ici, seuls les tamisages sous eau ont été effectués. Ainsi, en plus des fractions organiques associées aux sables grossiers [F(200-2 000 µm)], aux sables fins [F(50-200 µm)], une troisième fraction a été séparée. Elle est liée aux particules argileuses et limoneuses [F(0-50 µm)] et désignée par « fraction organo-minérale » (FOM). C'est la matière organique de cette dernière qui a fait l'objet d'une analyse structurale.
7Analyse structurale de la FOM. La pyrolyse (Py) analytique, associée à la chromatographie en phase gazeuse (CG) et à la spectrométrie de masse (SM), a été utilisée. L'analyse a été faite en se servant d'un appareillage comportant une interface du pyrolyseur (marque CDS 1500 Valved interface), un chromatographe en phase gazeuse (marque Varian 3900, piloté par un logiciel Star Workstation) et un spectromètre de masse. L'opération porte sur un échantillon de 4-5 mg du produit à analyser, finement écrasé et ayant subi une méthylation avec 75 µl de TMAH (tétraméthylammonium hydroxyde). Il est introduit dans un tube de quartz qui est, ensuite, inséré dans un solénoïde de platine fixé à l'extrémité d'une sonde. Cette sonde est placée dans l'interface du pyrolyseur et chauffée à 300 °C. La température de l'échantillon est portée à 650 °C à raison de 5 °C.ms-1 pendant 10 secondes à l'aide d'un pyrolyseur CDS (Chemical Data System) pyroprobe. Les effluents produits sont entrainés hors de l'interface par un gaz vecteur (hélium) vers le chromatographe via un injecteur (Split/splitless 50:1) chauffé à 250 °C. La chromatographie est effectuée sur une colonne BPx5 (longueur : 30 m ; diamètre intérieur : 0,25 mm ; épaisseur : 0,25 µm) à phase stationnaire (5 % phényl méthylsiloxane, 95 % méthylsiloxane). La température du four est programmée de 60 °C à 300 °C avec une augmentation de 5 °C.min-1 et une étape à 300 °C pendant 20 min. Le chromatographe comporte également un détecteur FiD (ionisation de flamme) ayant une température de 300 °C. Il est couplé à un spectromètre de masse, ce qui permet d'identifier chaque composé élué grâce à son temps de rétention et à son spectre de masse. L'identification a été rendue possible en comparant les spectres obtenus avec ceux de composés déjà connus, disponibles dans la collection du laboratoire de chimie 12 (Université de Poitiers) ou dans la bibliothèque internationale NIST.
8Analyse statistique des données. Elle a consisté principalement à déterminer par le test de Spearman (1904) les coefficients de corrélation des rangs (rs) entre les différents paramètres indiqués ci-dessus, pris deux à deux. Ils ont été calculés en utilisant le logiciel Minitab sous Window – version 13-31. Par convention d'écriture, les signes utilisés pour indiquer et apprécier le degré de signification des probabilités sont les suivants : * : p < 0,05 (significatif) ; ** : p < 0,01 (hautement significatif) ; *** : p < 0,001 (très hautement significatif). L'écart-type a été calculé sur les valeurs moyennes des résultats analytiques.
3. Résultats
3.1. Caractéristiques du fractionnement granulométrique de la MOS
9Comme indiqué au tableau 3, les teneurs moyennes en carbone et en azote totaux exprimées en g.kg-1 sol brut (sol non fractionné) sont comprises entre 2,0 et 8,0 C d'une part ; entre 0,28 et 0,80 N d'autre part. Les différents rapports C/N s'échelonnent entre 7,2 et 13,8. Les teneurs en carbone et en azote des fractions granulométriques montrent que la FOM détient plus de 70 % de la somme des taux de carbone exprimés en g.kg-1 de sol, des trois fractions ; les pourcentages les plus élevés étant ceux des échantillons 4 et 5 issus des Cambisols. Les plus forts taux de carbone associé à la fraction « sables fins » sont notés au niveau des échantillons 2 et 3 (Ferralsols). Les échantillons des Cambisols se particularisent aussi par leurs faibles taux de carbone associé à la fraction « sables grossiers » (200-2 000 µm) et l'échantillon 1 (Arénosol) par la plus forte valeur (17 %) de cette composante. Des corrélations positives existent entre le taux de carbone de F(0-50 µm) d'une part et respectivement le taux d'argiles (rs = 0,90*), la capacité d'échange cationique (rs = 0,90*), la somme des bases échangeables (rs = 0,90*), d'autre part. La corrélation devient négative entre cette variable organique et le rapport sables/argiles.
10Dans les Cambisols (échantillons 4 et 5), le taux d'azote lié à la FOM représente environ 90 % de la somme en azote des fractions, contre 46,7 % dans l'Arénosol (échantillon 1). Dans ce dernier échantillon, les taux d'azote de F(200-2 000 µm) et F(50-200 µm) constituent respectivement le 1/3 et le 1/5 de cette somme. Pour les Ferralsols (échantillons 2 et 3), ces paramètres sont compris entre 70 et 76 % [F(0-50 µm)], 15 et 20 % [F(50-200 µm)], 6 et 11 % [F(200-2 000 µm)]. Quant au rapport C/N de la matière organique des fractions, ses valeurs les plus élevées sont celles de la fraction associée aux « sables grossiers », sauf pour l'Arénosol (échantillon 1).
3.2. Caractères structuraux de la matière organique liée à F(0-50µm) ou FOM
11L'analyse de la structure de ce compartiment organique par PY/CG-SM a abouti à la mise en évidence de produits d'origines diverses. Les composés d'origine non lipidique et leurs pourcentages relatifs sont indiqués au tableau 4. Pour l'essentiel, ils proviennent de la lignine. Des fragments (unités syringyl, guaiacyl, p-coumarique) de cette dernière ont été identifiés. Certains composés sont issus des carbohydrates ; d'autres, des acides aminés. En revanche, la source du produit 2-t-butyl 4-méthylphénol reste incertaine (ionol ?). Une dizaine de composés sont d'origine lipidique (Tableau 5).
12Par ailleurs, les pyrogrammes montrent que ces différents composés ne figurent pas dans la fraction organo-minérale (FOM) de tous les échantillons de sol étudiés. Le pyrogramme de celle de l'échantillon de l'Arénosol (Figure 1) comporte à la fois le plus grand nombre de pics chromatographiques détectés (103) et identifiés (25). Il se distingue des autres pyrogrammes par la présence de 1-(3,4- diméthoxyphényl)-éthanone (unité guaiacyl) et du myristate de méthyle (C14). Comme illustré par la figure 2, le pyrogramme de la FOM de l'échantillon 3 (Ferralsols) se particularise par les faibles valeurs des pics détectés (72) et identifiés (20). C'est aussi le seul pyrogramme qui renferme du dodécanoate de méthyle (C12) et deux pics chromatographiques représentant l'oléate de méthyle (C18 :1).
13Les pourcentages relatifs des différents composés révèlent que l'hexahydro 2- H quinolizine, dérivé des acides aminés, présente le pourcentage le plus élevé, en particulier dans la fraction organo-minérale des échantillons 4 et 5 (Cambisols). Dans celles des Ferralsols (échantillons 2 et 3) et de l'Arénosol (échantillon 1), il est de l'ordre de 20 % et 16 %. Par ailleurs, on note que la FOM de l'échantillon 2 montre le plus fort pourcentage relatif de 3,4- diméthoxybenzaldéhyde (vanilline) et que 2- t- butyl 4- méthylphénol (origine incertaine) avoisine 14 % dans celle de l'échantillon 1. Les produits d'origine lipidique sont respectivement dominés par le dodécanoate de méthyle (13,5 %) et par le palmitate de méthyle (17,3 %) dans la fraction organo-minérale des échantillons 3 et 4 ; la FOM de l'échantillon 4 ayant, en plus, le pourcentage de stéarate de méthyle le plus élevé (8,8 %).
14Le regroupement de l'ensemble de ces produits en familles (Tableau 6) révèle que dans la fraction organo-minérale des échantillons de sol 1 et 2, les composés aromatiques sont dominants. Les composés aliphatiques le deviennent au niveau de celle des échantillons 3 et 4, ceux dérivés des acides aminés l'étant dans la FOM de l'échantillon 5. Les produits dérivés des sucres ont les plus faibles pourcentages relatifs : moins de 10 %. Une corrélation négative existe entre le pourcentage relatif des composés aromatiques et celui des composés aliphatiques (rs = -0,90*). Celui des composés dérivés des acides aminés est positivement corrélé avec le taux d'argiles (rs = 0,98**) et négativement avec le rapport sables/argiles (rs = -0,98**). Inversement, les coefficients de corrélation sont négatifs entre d'une part, le pourcentage relatif des composés dérivés des sucres et d'autre part, le taux d'argiles (rs = -0,90*), la capacité d'échange cationique (rs = -0,90*), la somme des bases échangeables (rs = -0,90*) et le taux de carbone de la fraction organo-minérale (rs = -1,00***). Le coefficient devient positif avec le rapport sables/argiles (rs = 0,90*).
4. Discussion
15Avec une teneur en matière organique totale inférieure à 2 %, les sols étudiés peuvent être considérés comme étant pauvres à très pauvres selon la synthèse réalisée par Boyadgiev (1980). La majeure partie du carbone total est associée aux particules argileuses et limoneuses. La même observation a été faite sur d'autres types de sol au Burkina Faso (Sedogo, 1993 ; Bacyé, 1993 ; Pallo, 2001 ; Pallo et al., 2006), mais aussi sur des sols des régions tempérées (Christensen, 2001). Elle résulte des liens qui unissent la matière organique et la fraction argileuse du sol (Spain, 1990 ; Shang et al., 1997). Par ailleurs, le taux de carbone associé à la fraction fine (0-50 µm) présente une corrélation positive avec la capacité d'échange cationique et avec la somme des bases échangeables. Ceci corrobore les effets bénéfiques de la MOS sur les caractéristiques du complexe adsorbant couramment mentionnés dans la littérature (Thompson et al., 1989 ; Asadu et al.,1997).
16Au niveau de l'azote total (N), les sols étudiés en sont également pauvres (N.total < 0,1 %) et comparables à 71 % des sols du Burkina Faso étudiés entre 1960 et 1980 (Boyadgiev, 1980). Il est aussi majoritairement retenu par la fraction (0-50 µm) comme dans les Lixisols de la région du centre (Pallo et al., 2000) et dans les Cambisols de la région sahélienne (Pallo et al., 2006).
17Concernant les rapports C/N de la matière organique associée aux différentes fractions, de nombreux auteurs notent qu'ils baissent avec la taille de ces dernières (Catroux et al., 1987 ; Christensen, 2001). Cette diminution serait indicative d'une augmentation du degré d'humification des produits organiques (Guggenberger et al., 1994) et d'un bon niveau de dispersion de l'échantillon. Elle serait aussi liée à une décroissance significative des phénols dérivés de la lignine des fractions grossières aux fractions fines (Amelung et al., 1999). Les résultats obtenus au niveau des échantillons des Ferralsols et des Cambisols concordent avec ces données. En effet, les rapports C/N de la fraction (0-50 µm) sont généralement plus faibles que ceux de la matière organique qui se trouve dans les fractions sableuses. Ceci serait dû à la nature des M.O associées à cette fraction (0-50 µm) : association de débris de parois végétales ou fongiques et de micro-agrégats organo-limoneux dans la fraction (2-20 µm), dominance des MO à caractère amorphe dans les fractions argileuses (Feller, 1995). Au niveau de l'échantillon de l'Arénosol, ce sont les rapports C/N des fractions sableuses qui sont les plus faibles. Ceci pourrait se justifier par le fait que plus de 50 % de l'azote total sont associés à ces fractions, contre 25 % environ pour le carbone total.
18L'analyse structurale de la MO liée à la fraction (0-50 µm) exhibe des produits couramment mentionnés dans la littérature et rencontrés sur divers types de matériaux (sol entier, substances humiques, sédiments marins, etc). Ainsi, les résultats montrent que les pyrogrammes sont constitués de deux portions (Pulchan et al., 2003). La première portion contient les pics des composés aromatiques et la seconde, ceux des composés aliphatiques. Pour ce qui est des composés aromatiques, les phénols dérivés de la lignine incluent des produits tels que les acides p-coumarique (3-(4-méthoxyphényl acryloate de méthyl)), vanillique (3,4-diméthoxybenzoate de méthyl), férulique (3-(3,4- diméthoxyphényl) acryloate de méthyl), syringique (3,4,5-triméthoxybenzoate de méthyl) (Pulchan et al., 1997 ; Grasset et al., 1998 ; Amblès, 2001). Les pourcentages relatifs les plus élevés de p-coumarique sont observés dans les échantillons des Cambisols (échantillons 4 et 5). L'acide férulique ne figure pas dans ceux des Ferralsols (échantillons 2 et 3). L'acide vanillique et la vanilline sont largement représentés dans l'échantillon 2, l'acide syringique l'est dans l'échantillon 1 (Arénosol). Quant aux composés dérivés des structures p-hydroxyphényle (lignine des graminées), guaiacyl (lignine des bois légers) et syringyl (lignine des bois durs), ils sont restreints dans cette étude, comparés aux résultats obtenus ailleurs (Chefetz et al., 2002a ; Chefetz et al., 2002b). En effet, ils ne sont représentés ici que par, respectivement, 4-méthoxybenzoate de méthyl, par 1,2-diméthoxybenzene et 3,4-diméthoxybenzaldéhyde et par 1,2,3-triméthoxybenzène. La structure p-hydroxyphényle est absente dans les échantillons 3 et 4 et les unités guaiacyl sont dominantes dans les échantillons 1 et 5. Ces résultats portant sur les composés issus de la lignine suggèrent ainsi que durant les processus d'humification, la dégradation de la lignine serait fonction de sa source (bois dur, bois léger ou graminée) ; certaines structures étant sélectivement plus rapidement dégradées (i.e. acides p-coumarique, férulique et p-hydroxyphényle) que d'autres. Outre les composés aromatiques, les pyrogrammes exhibent des composés dérivés des acides aminés qui se limitent à : hexahydro 2-H quinolizine, 1- indole, N-méthyl 5-oxo-proline. Ils présentent un pourcentage relatif qui peut excéder 40 %, supplantant ainsi ceux des composés aromatiques et aliphatiques. Ceci témoigne de leur importance dans la structure de la fraction organique liée aux particules fines (0-50 µm). Ces produits se rencontrent également dans les acides humiques mais leur origine est encore incertaine et nécessite davantage d'investigations (Chefetz et al., 2002a ; Chefetz et al., 2002b). Toutefois selon ces auteurs, certains composés azotés hétérocycliques proviendraient des précurseurs biologiques tels que les résidus microbiens et végétaux. On relève dans la présente étude que le pourcentage relatif des composés dérivés des acides aminés est positivement corrélé avec le taux d'argile. Comme noté par Schulten et al. (1993), en plus de l'influence de la végétation, l'impact de la fraction minérale du sol est aussi un facteur essentiel. À la différence des résultats généralement obtenus au niveau des substances humiques (Hempfling et al., 1991 ; Hatcher et al., 2001), ici un seul composé dérivé des carbohydrates a été identifié. Il s'agit du 3-butyl-2-méthyl tétrahydrofurane. Son pourcentage relatif est plus faible que celui des autres composés. L'hypothèse avancée est que ces carbohydrates seraient utilisés par les populations microbiennes du sol. D'où une relative augmentation des fractions les plus réfractaires de la MOS telles que les structures aromatiques et alkyl (Chefetz et al., 2002b). Ces auteurs notent également qu'il y a une diminution liée à une utilisation microbienne des composés de polysaccharides avec la taille des agrégats, ce qui rejoint nos résultats portant sur les corrélations négatives entre le taux d'argiles, celui de la somme « argiles + limons totaux » et le pourcentage de 3-butyl-2- méthyl tétrahydrofurane.
19Les composés dérivés des lipides sont constitués uniquement par les esters méthyliques des acides gras dont la longueur des chaines varie de C12 à C18. Comme observé dans l'humine (Grasset et al., 2002) et dans les acides humiques (Chefetz et al., 2002a), les pics chromatographiques les plus intenses sont ceux du palmitate de méthyl (C16), sauf au niveau de l'échantillon 3 (Ferralsols) où prédomine le dodécanoate de méthyl (C12). Certains composés sont insaturés (C16:1 ; C18:1) et d'autres, ramifiés (iso et anté-iso en C14), ce qui témoigne de leur origine microbienne (Grasset et al., 2002 ; Lemée, 2004). La corrélation négative entre les pourcentages relatifs des composés aromatiques et aliphatiques témoigne de l'interdépendance entre ces différentes familles.
5. Conclusion
20La pyrolyse analytique associée à la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse s'est révélée efficace pour la caractérisation structurale de la fraction organique liée aux particules fines (0-50 µm) ou fraction organo-minérale (FOM). Elle a montré que, par delà les types de sol étudiés ici, ce sont le couvert végétal (nature du bois) et les caractéristiques de la fraction minérale du sol (taux d'argiles, rapport sables/argiles) qui influencent la structure des composés de ce compartiment organique. Comparés aux résultats obtenus avec les substances humiques (acides fulviques, acides humiques, humines) et les lipides libres des sols, la fraction organo-minérale des échantillons de sol étudiés se particularise par le recentrage vers les chaines de longueur moyenne (C12- C18) des esters méthyliques des acides gras, seuls constituants d'origine lipidique identifiés dans cette fraction. Par ailleurs, l'étude a révélé l'interdépendance entre les composés aromatiques et aliphatiques et confirmé le rôle de protection physique contre les attaques microbiennes qu'exercent les particules argileuses sur les composés organiques, notamment sur ceux dérivés des acides aminés. Enfin, au niveau des Arénosols et Ferralsols, les particules fines (0-50 µm) détiennent les plus fortes concentrations en carbone des fractions. Dans les Cambisols, les valeurs les plus élevées de ce paramètre sont celles de la fraction « sables grossiers » (200-2 000 µm).
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About: François J.P. Pallo
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