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- Volume 15 (2011)
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Cartographie des sols en Belgique : aperçu historique et présentation des travaux actuels de valorisation et de révision de la Carte Numérique des Sols de Wallonie
Résumé
Depuis quelques années, on assiste à un regain d'intérêt sur les sols et leurs propriétés, en relation avec une prise de conscience environnementale accrue. La protection des sols est ainsi devenue l'objet d'initiatives réglementaires au niveau européen. Cette communication propose un bref historique de la cartographie des sols en Belgique et présente les travaux de valorisation et de révision de la Carte des Sols menés au sein de notre équipe de recherche-développement. La Belgique fut un des premiers pays à s'être doté d'une carte des sols à grande échelle (1/20 000) sur la totalité de son territoire. L'article commente les étapes de sa réalisation et ses caractéristiques. S'étalant de 1947 à 1991, ce programme ambitieux délivra divers produits en marge de cette carte. Face à une demande accrue d'informations sur les sols et au développement des systèmes d'information géographiques, la partie wallonne de la carte a été numérisée dans le cadre du Projet de Cartographie Numérique des Sols de Wallonie (PCNSW). La Carte Numérique des Sols de Wallonie et sa légende unique ont ensuite été valorisées au travers d'un certain nombre de produits dérivés dont une sélection est brièvement commentée. Si l'utilisation de la Carte des Sols et les applications dont elle fait l'objet dépassent de loin les objectifs initiaux d'augmentation des productions agricoles, elle ne répond cependant pas toujours aux demandes actuelles, au regard des enjeux environnementaux et des législations actuelles et futures, tant au niveau régional qu'européen. Faisant écho à ce constat, les travaux menés actuellement par l'équipe de révision de la Carte Numérique des Sols de Wallonie sont brièvement présentés, à travers une description de son cadre méthodologique et technique. Le crédo des travaux menés étant que la Carte des Sols, en tant qu'outil d'intégration, de structuration et de cadrage de l'information pédologique, doit devenir de plus en plus le fondement de Systèmes Régionaux d'Information sur les Sols et leurs propriétés.
Abstract
Soil mapping in Belgium: historical overview and presentation of the current work on valorisation and revision of the Digital Soil Map of Wallonia. Over the past few years, there has been growing concern about soils and their properties, thanks to greater environmental awareness. Consequently, existing documents on soil are valuable in risk assessment and for the research of well-adapted solutions. In this context, this paper reviews the main stages of soil mapping in Belgium and presents current works to valorize the Digital Soil Map of Wallonia and update associated databases. Belgium is among the first countries to be completely covered by a detailed soil map (1:20,000). The origin of the Soil Map of Belgium, its realisation between 1947 and 1991, the principles and characteristics as well as the related products are described. But since its publication, due to the increasing need of soil information and thanks to the development of geographical information systems the Walloon part of the map was digitalised between 2000 and 2003 by the Digital Soil Map of Wallonia (DSMW) Project. From this early action at regional level, a selection of immediately derived products is presented and briefly commented. However, if these products go beyond the initial objective of agricultural production increase, they do not always meet the environmental challenges nor the future legislation at European, national and regional levels. To fill this gap, the recent tasks carried out by the DMSW team are presented through a description of their methodological and technical framework. The long-term objective is to build Regional Soil Information Systems based on the use of the Digital Soil Map of Wallonia as a tool of integration, structuring and referencing of pedological information.
Table des matières
1. La Carte des Sols de la Belgique
1Les prémices de la cartographie des sols en Belgique se situent dans la seconde partie du 19e siècle, à travers les cartes à petite échelle d'essence agro-géologique réalisées successivement par Dumont (1853) et Malaise (1867-1871) (Tavernier, 1949). Suivirent plusieurs initiatives restées inachevées du fait principalement de difficultés d'ordre financier et du succès des engrais chimiques, donnant pour un temps l'illusion d'une solution définitive à la médiocrité de certains sols (Tavernier, 1950).
2Il faudra attendre 1947 pour que se concrétise le projet d'une cartographie systématique des sols de la Belgique, l'objectif affiché étant de contribuer à la relance de l'agriculture dans le contexte d'immédiat après-guerre. Par une meilleure connaissance des sols, étaient visées une meilleure gestion des terres et des rotations, une orientation en matière de drainage ou d'irrigation, une optimisation de la fertilisation, et in fine une augmentation des rendements (Dudal, 1996).
3À cette fin, le Comité pour l'Établissement de la Carte des Sols et de la Végétation de la Belgique fut instauré sous les auspices de l'Institut pour l'Encouragement de la Recherche Scientifique dans l'Industrie et l'Agriculture (IRSIA). L'exécution pratique des levés fut prise en charge par trois sections régionales, en étroite collaboration avec les facultés d'Agronomie de Gembloux, de Gent et de Leuven (Dudal et al., 2005).
4Les levés ont été réalisés sur plan cadastral à 1/5 000, parfois à 1/2 500, selon une prospection systématique suivant une maille carrée de 75 m. Les observations étaient effectuées par sondages à la tarière, jusqu'à 125 cm dans la mesure du possible. Ainsi, pas moins de 6 millions de sondages (de 1 à 2,5 observations par hectare, selon la complexité de la zone cartographiée) ont été réalisés sur l'ensemble du territoire belge.
5En chaque point d'observation, le cartographe posait son diagnostic selon un certain nombre de critères morphologiques du sol, objectifs (sans a priori d'interprétation) et les plus permanents possibles ; ces critères étaient ensuite transcrits suivant des règles précises en un sigle, par accolement de plusieurs symboles alphanumériques.
6L'unité cartographique de base est la série de sols, ensemble de profils ayant en commun des caractéristiques majeures, comme la texture, le drainage naturel, la présence d'un horizon diagnostique (permettant par ce biais un rattachement à divers systèmes de classification), la nature et l'importance de la charge en éléments grossiers. L'ajout de symboles en préfixe (série dérivée) ou en suffixe (variante ou phase) permet de préciser certaines caractéristiques secondaires, telles que la nature et la profondeur d'apparition d'un substrat différent, des particularités liées au matériau parental, au développement de profil, à des influences anthropiques ou à la position topographique.
7D'essence morphogénétique, la légende est également structurée physiographiquement, par la distinction qu'elle fait entre sols des plateaux et des pentes d'une part, sols des vallées et des dépressions d'autre part ; des terrains non différenciés et une gamme de sols artificiels étant par ailleurs définis.
8À titre d'illustration, le sigle wGdap2 signifie « sol limono-caillouteux (G), à charge psammitique (p), modérément gleyifié (d), à horizon B textural (a), phase peu profonde (2) à substrat argilo-sableux (w) ».
9Outre la description et l'assignation des sigles aux points d'observation, la délimitation des plages (unités cartographiques) était également réalisée sur le terrain, permettant de ce fait la prise en compte des formes du relief et du type de végétation.
10Pratiquement, le travail était organisé en équipes, au sein de chacune desquelles un chef cartographe organisait, contrôlait et synthétisait les observations de deux ou trois cartographes.
11Les levés étaient ensuite retranscrits (moyennant quelques simplifications) sur fond de carte topographique à 1/10 000 de l'Institut Géographique Militaire/National pour constituer les minutes. Les planchettes éditées, de 8 000 ha chacune (mis à part les planchettes frontalières), résultent d'une réduction à 1/20 000 et de l'ajout d'une légende couleur (Figure 1). Chaque planchette constitue ainsi un document unique, daté et signé de son auteur. En termes de rendu graphique, les nombreux sigles sont représentés par un subtil jeu de couleurs (propres à chaque série), de gradation de celles-ci (drainage) et de surcharges (séries dérivées, variantes et phases).
12Un livret explicatif accompagne chaque planchette, reprenant tous les éléments nécessaires à la lecture et l'interprétation de la carte, à savoir des informations sur la physiographie (géologie, topographie, hydrographie, paysage et climat), la constitution des sols (matériaux constituants, hydrologie, genèse, classification, description et valeur agricole, voire forestière), ainsi que des considérations diverses (affectation des sols et données de géographie humaine).
13Des 457 planchettes couvrant la Belgique, 270 correspondent à la partie wallonne du territoire. Lorsque les activités de cartographie cessèrent en 1991, 214 (80 %) d'entre elles étaient éditées, le solde se trouvant encore à diverses étapes intermédiaires (plans cadastraux, minutes, documents de pré-presse, etc.).
2. En marge de la Carte des Sols de la Belgique
14Sur base des cartes des sols déjà éditées, une première carte des associations de sols à 1/800 000 fut réalisée en 1958 (Tavernier et al., 1958), suivie en 1970 d'une seconde carte d'associations de sols à 1/500 000 (Maréchal et al., 1971 ; Maréchal et al., 1974). Citons également la carte schématique des sols de Wallonie (Avril, 1982) à 1/1 000 000, qui constitue en réalité une synthèse des deux cartes précitées. La prise en compte des structures géologiques et des régions géographiques naturelles est bien perceptible sur ces cartes, particulièrement sur celle de 1958, époque à laquelle seule une faible portion du territoire était déjà cartographiée.
15Parallèlement aux levés cartographiques, une campagne de description et d'analyse de profils a été menée (près de 15 000 profils et 75 000 horizons) afin d'appuyer l'interprétation des sols cartographiés. Les informations résultantes furent consignées par planchette dans des livrets à tirage limité. La partie descriptive de terrain et analytique (plus de 50 variables) a été par la suite informatisée par le projet IRSIA-COBIS pour constituer la base de données Aardewerk, disponible actuellement sous format Access (Van Orshoven et al., 1993).
16Signalons également en tant que produits associés à la carte, plusieurs monographies sur la constitution des sols par région naturelle, destinées à approfondir la connaissance régionale des sols (Ameryckx, 1954 ; Dudal, 1955 ; Scheys, 1955 ; Pécrot, 1956 ; Maréchal, 1958 ; Pahaut, 1963 ; Deckers, 1966 ; Steffens, 1971).
3. La Carte Numérique des Sols de Wallonie
17Après les temps forts du levé et face à un intérêt somme toute relatif suscité par la carte, s'amorça en Région wallonne, et particulièrement à l'Unité de Science du Sol de la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux (devenue entre-temps Gembloux Agro-Bio Tech), une période de réflexion, de constat, de sensibilisation et d'appel à une réelle appropriation de la carte par les chercheurs et les gestionnaires du territoire (Avril et al., 1986 ; Bock, 1994 ; Bock, 1997a).
18En réponse à cet appel, cette même Unité, dépositaire de la Carte des Sols de la Belgique (CSB) pour la partie wallonne, fut chargée par le Service Public de Wallonie de procéder au sauvetage, à l'inventaire et à l'archivage d'une partie des documents relatifs à la CSB (Bock, 1997b). Dans la foulée débuta le Projet de Cartographie Numérique des Sols de Wallonie (PCNSW), visant à constituer sur la totalité du territoire wallon une base de données géographique complète et cohérente sur les caractéristiques des sols, à la mettre à jour et à la valoriser au sein du Service Public de Wallonie.
19Les deux premières phases du PCNSW (restitution et intégration) ont été réalisées entre 2001 et 2004. Elles avaient pour objectifs :
20– de reproduire numériquement les planchettes de la CSB couvrant le territoire wallon, en ce compris les 56 planchettes non éditées,
21– de produire une légende exhaustive et homogène (Bah et al., 2007b), d'apporter des corrections géométriques locales aux plages cartographiques en tenant compte des éléments de terrain figurant sur le fond topographique actuel et à résoudre les problèmes de coutures en vue d'établir une continuité sémantique et géométrique entre planchettes voisines (Bracke et al., 2004) (Figure 2).
22La Carte Numérique des Sols de Wallonie (CNSW) couvre une superficie d'environ 16 000 km2 et est constituée de près de 600 000 plages cartographiques se rapportant à plus de 6 000 sigles pédologiques. Son caractère numérique et sa complétude territoriale sont des atouts considérables pour exploiter les informations qu'elle porte. L'Administration wallonne, propriétaire de la donnée, délivre à certains groupes d'utilisateurs (marché public, recherche ou enseignement) une licence de mise à disposition. Par ailleurs, une application WebGIS permet depuis fin 2010 une consultation en ligne (http://cartopro3.wallonie.be/CIGALE).
4. Valorisation de la Carte Numérique des Sols de Wallonie
23La troisième phase du PCNSW (interprétation), réalisée entre 2004 et 2007, a consisté à valoriser les données liées à la CNSW, de façon à rendre accessible l'information pédologique au plus grand nombre d'utilisateurs. En effet, le niveau de détail élevé de la carte couplé à une légende passablement complexe rendent l'utilisation de la CNSW ardue.
24Les moyens d'y parvenir sont variés : développement d'outils de traitement et d'analyse de la carte, réalisation de cartes synthétiques ou dérivées, création de notices explicatives, structuration de l'information pédologique existante, etc. La démarche consiste également à délivrer cette information sous une forme adaptée à l'utilisateur : agriculteur, guide-nature, institution scientifique, bureau d'études, administration communale ou régionale.
25À titre d'illustration, trois produits issus des travaux de cette phase de valorisation de la CNSW (Bah et al., 2007a) sont brièvement présentés.
4.1. La Carte des Principaux Types de Sols de Wallonie à 1/250 000
26Partant du constat qu'un nombre limité de séries de sols couvrent une grande partie du territoire, une Carte des Principaux Types de Sols de Wallonie à 1/250 000 a été dérivée de la CNSW (voir figure 1 de la préface, p 644). Ce document offre une vision d'ensemble régionale des sols et l'échelle répond aux exigences d'une intégration européenne.
27La légende, forte de 23 classes, est conçue à partir de regroupements des sols sur base de trois des quatre critères majeurs de la série de sols, à savoir la texture, le drainage naturel et la nature de la charge caillouteuse pour les sols contenant plus de 15 % d'éléments grossiers. Le développement de profil n'est pas pris en compte. Sa relation avec la texture est généralement forte pour une région donnée. Cette carte diffère d'une carte d'associations de sols, du fait notamment que les sols de textures différentes n'ont pas été regroupés.
28Une réduction d'échelle et une adaptation de la légende ont permis de générer deux autres cartes, aux échelles 1/500 000 (déclassant de fait la carte des associations de sols de Maréchal et al., 1971) et 1/750 000 (document de vulgarisation).
29Par ailleurs, la réalisation de cartes régionales à 1/100 000 est également prévue, pour offrir un niveau de perception intermédiaire entre la CNSW et la carte à 1/250 000. La légende des cartes régionales serait dérivée de la carte à 1/250 000, par division des classes existantes selon la profondeur du sol, l'apparition d'un substrat ou encore la distinction entre sols des plateaux et des pentes et sols des vallées et des dépressions.
4.2. Les Unités de l'Espace Rural
30Sur base de la vision d'ensemble qu'offre la carte à 1/250 000 et des relations génétiques entre roches, reliefs, sols et occupation des sols, 24 Districts (DER) et 196 Secteurs de l'Espace Rural (SER) ont été délimités en Wallonie (voir figure 2 de la préface, p 645). Cette stratification du territoire met en évidence les spécificités régionales d'organisation des sols dans les paysages. L'analyse géomorphopédologique fournit le cadre explicatif et oriente ainsi la réflexion en matière de représentativité spatiale des observations locales.
31Les DER ont été choisis pour l'élaboration de nouveaux livrets explicatifs, le découpage en planchettes ne se justifiant plus dans un système informatisé. Plus qu'une simple compilation et mise à jour des notices par planchettes existantes, ces livrets s'étofferont d'illustrations et mettront davantage l'accent sur la compréhension de l'organisation spatiale des sols au sein d'un contexte régional donné.
4.3. La Carte des limitations intrinsèques des sols à l'épandage de substances organiques
32Actuellement, les préoccupations environnementales sont devenues indissociables des considérations socio-économiques liées à l'usage de l'espace rural. Concilier les exigences de production soutenue, nécessitant l'apport d'éléments fertilisants, avec les impératifs de protection du sol et des eaux de surface et souterraines passe entre autres par l'évaluation de la capacité intrinsèque des sols à recevoir ces substances. L'estimation des quantités épandables doit prendre en compte la capacité d'épuration des sols.
33Pour ce faire, une carte des limitations intrinsèques des sols à l'épandage de substances organiques a été élaborée à partir de la CNSW. L'originalité de l'approche réside dans le choix délibéré de ne pas se référer à un quelconque modèle, mais plutôt de suggérer certaines limitations à l'épandage en relation avec les processus en jeu. Le raisonnement est formalisé par l'élaboration d'une clef de classification et d'interprétation, le long de laquelle les caractéristiques du sol sont évaluées en termes de limitation par rapport à la percolation, la rétention (volume utile de terre fine), la minéralisation, le ruissellement, l'écoulement hypodermique et l'érosion.
34Cette carte ne constitue donc pas une carte d'aptitude à l'épandage, mais bien un outil d'aide à la décision en matière de valorisation agricole de substances organiques par l'identification de contraintes.
5. Utilisation et applications de la Carte des Sols
35En 2004, un premier inventaire des applications de la Carte des Sols a fait l’objet d’une présentation introductive sur invitation au Ministère de l’écologie et du Développement Durable à Paris, dans le cadre d’une journée thématique intitulée « Vers une directive européenne sur les sols : sommes-nous prêts ? ».
36L'intérêt majeur de la Carte des Sols, outre son haut niveau de détail, est le principe de sa légende, basée sur une codification multicritère. Si le choix des critères permet l'utilisation de la carte pour un large éventail d'applications, le système de codification rend en outre son utilisation particulièrement intéressante, de par la possibilité qu'elle offre d'en extraire sélectivement les informations nécessaires à l'utilisateur.
37Hier, l'objectif d'une cartographie des sols était de mieux les connaitre pour mieux produire. Aujourd'hui, la Carte des Sols donne lieu à de multiples applications et fournit des éléments de réponse pour des problématiques d'ordre agricole, mais également en matière de gestion forestière, d'hydrologie, de géologie, de gestion de l'environnement, d'aménagement du territoire et d'urbanisme, de génie civil, de construction, d'archéologie, etc.
38La Carte des Sols s'avère être tantôt un outil de diagnostic pédologique (réalisation de clés d'interprétation et de cartes thématiques) (Berce, 1970 ; Weissen et al., 1994 ; Morelle et al., 2000), ou géomorphopédologique (analyse pédopaysagère, approche toposéquentielle, modélisation) (Desmet et al., 1994 ; Closson et al., 1999 ; Dautrebande, 2006 ; Bah et al., 2011 ; Legrain et al., 2011a), tantôt un support de représentativité d'investigations physiques (Leclerq et al., 1979 ; Delecour, 1987 ; Sirjacobs et al., 2002 ; Ridremont et al., 2011) ou chimiques (utilisation de fonctions de pédotransfert, conseil personnalisé à la parcelle, estimation du fond pédogéochimique) (Bock et al., 2002 ; Bock et al., 2003 ; Colinet, 2003 ; Colinet et al., 2004 ; Genot et al., 2011 ; Liénard et al., 2011), tantôt encore une composante d'un outil d'intégration (démarche facilitée par la version numérique de la carte et le développement des Systèmes d'Information Géographiques) (Engels, 1998 ; Engels et al., 1993). Quant à la carte d'associations de sols et les Cartes des Principaux Types de Sols, elles constituent par excellence des outils de perception régionale (Van Wesemael et al., 2004 ; Colinet et al., 2005).
6. Enjeux et besoins actuels
39La Carte des Sols a de nouveaux défis à relever, au regard des enjeux environnementaux et des exigences des législations actuelles et futures, tant au niveau régional qu'européen. Pour ne prendre qu'un exemple, la mise en place de mesures de protection des sols face aux diverses menaces qui pèsent sur eux nécessite :
40– d'évaluer l'état de dégradation actuel des sols,
41– de recenser et délimiter les zones à risque par rapport aux divers processus de dégradation, en s'appuyant sur des faits ou en recourant à la modélisation,
42– de développer des indicateurs permettant le suivi de ces menaces (monitoring).
43La Carte des Sols est sans conteste un outil de premier choix pour parvenir à ces objectifs. Elle est cependant appelée à évoluer pour être en mesure de répondre aux attentes. Nous abordons ci-dessous quelques pistes méritant d'être approfondies quant aux directions à prendre.
44Pour de nombreux pays dépourvus d'une carte des sols à grande échelle sur l'ensemble de leur territoire, la priorité est de combler ou pallier au manque d'informations. À notre niveau, le défi est au contraire d'exploiter efficacement l'existant, en faisant appel entre autres à la généralisation. C'est un des objectifs des cartes à 1/250 000 et à 1/100 000 d'adapter le niveau de détail (tant géographique que sémantique) au niveau de perception le plus pertinent par rapport à l'objectif de l'étude et aux données à disposition.
45À l'inverse, la demande se fait également de plus en plus grande pour acquérir des données ponctuelles relatives à des propriétés des sols à l'échelle de la parcelle. Les informations délivrées par la Carte des Sols ne répondent pas toujours à cette demande, mais elles gardent souvent leur pertinence pour orienter une stratégie d'échantillonnage, ainsi que pour agréger de façon pertinente les résultats analytiques existants. En tant qu'outils de stratification pédologique et géographique, la Carte des Sols et les cartes dérivées (Principaux Types de Sols, Unités de l'Espace Rural) constituent des outils pertinents de prédiction spatiale.
46La stratification géographique peut s'avérer également utile pour l'identification de spécificités régionales. En effet, une unité typologique donnée, se référant à des sols partageant un certain nombre de caractéristiques morphologiques communes, peut se décliner quelque peu différemment selon les régions où elle est présente. Le sol est la résultante de l'action combinée de différents facteurs (climat, matériau parental, géomorphologie, etc.) et ces derniers varient sensiblement d'une région à l'autre. Une même unité typologique peut dès lors montrer de sensibles différences en termes de relation de voisinage avec d'autres unités (modèles d'organisation des sols) ou de caractéristiques chimiques, physico-chimiques ou physiques, en fonction des régions.
47Une lecture et une analyse appropriées de la Carte des Sols devraient permettre de formaliser des modèles d'organisation des sols. Les livrets explicatifs décrivent successivement les séries de sols, mais ne montrent pas de façon explicite les relations des sols entre eux et avec les autres composantes de l'environnement. Des représentations toposéquentielles pourraient y remédier.
48Enfin, il n'est jamais assez rappelé l'importance de prendre la carte pour ce qu'elle est, à savoir un modèle, une représentation simplifiée d'une couverture pédologique intrinsèquement complexe, continue et variable. D'où la nécessité de donner aux utilisateurs les clés de lecture de cette carte, qui leur permettent de comprendre l'organisation spatiale des sols sans chercher à leur donner l'illusion d'une précision qu'elle n'a pas.
7. Révision de la Carte Numérique des Sols de Wallonie
7.1. Contexte et objectifs
49La phase actuelle du PCNSW (révision), amorcée en 2008, a comme objectifs :
50– la poursuite de la valorisation de la CNSW,
51– l'amélioration de sa précision sémantique et spatiale, par l'acquisition de nouvelles informations sur le terrain et la ré-interprétation des sigles pédologiques nuancée en fonction du contexte régional, pour tenir compte de l'évolution des acquis scientifiques depuis le levé de la carte.
52Contrairement aux phases précédentes du projet limitées dans le temps, la phase de révision, à travers l'équipe récemment constituée (deux ingénieurs et trois collaborateurs techniques), s'inscrit dans la durée. Depuis la fin des travaux de l'IRSIA en 1991, il n'existait plus d'équipe dédiée à la cartographie des sols. Cette interruption dans la chaine de transmission de l'information et de l'expérience accumulée par les différentes générations de cartographes explique la méconnaissance partielle que nous avons actuellement de nombreux aspects relatifs au levé de la carte, au dessin des plages cartographiques et à l'assignation des sigles, avec toutes leurs nuances d'interprétation.
53Sans vouloir reproduire le travail systématique entrepris par nos prédécesseurs, l'objectif premier de l'équipe de révision est de retourner aux fondamentaux cartographiques que sont les observations de terrain. Pratiquement, il s'agit d'être capable :
54– de comprendre l'organisation spatiale des sols dans le paysage,
55– d'observer et de décrire les sols de façon objective, en tirant le bénéfice des outils modernes de gestion de l'information et de l'analyse spatiale.
56Par rapport à l'objectif spécifique de révision de la CNSW, il ne s'agit pas de redessiner les plages cartographiques, au risque de rendre la carte encore plus complexe sans être nécessairement plus correcte, mais plutôt d'en préciser le contenu et sa variabilité, de nuancer l'interprétation des sigles au delà des définitions strictes qui leur ont été données, en considérant le contexte régional et le positionnement des sols dans le paysage.
7.2. Cadre méthodologique et technique
57Deux options de travail caractérisent la démarche de terrain adoptée. Primo, bien que l'ensemble des observations effectuées contribue dans un sens large à une meilleure connaissance des sols wallons, la révision de la CNSW se focalise sur des thématiques ciblées. Secundo, bien que la totalité du territoire wallon soit concernée par la révision, les actions menées sont dans un premier temps limitées à des zones d'étude délimitées.
58Les thématiques abordées répondent avant tout aux besoins de l'Administration, Maître d'œuvre du projet, en matière de gestion et de protection des sols, anticipant de ce fait les exigences de la future directive-cadre européenne. L'équipe est amenée à travailler sur divers aspects, notamment :
59– la révision des critères d'hydromorphie en relation avec des mesures, dans l'optique d'une meilleure connaissance du régime hydrique actuel,
60– l'estimation des pertes en sols par érosion sur base d'une cartographie des volumes pédologiques,
61– la caractérisation des sols caillouteux (profondeur prospectable, abondance en éléments grossiers, variabilité verticale et latérale, texture de la terre fine, etc.).
62Chaque thématique est abordée sur une ou plusieurs zones d'étude, délimitées sur base de critères de représentativité des sols concernés. Les SER jouent à ce titre un rôle de cadre de référence pour orienter les choix. La dimension des zones (de 200 à plusieurs milliers d'hectares) et la technique de prospection privilégiée (systématique ou raisonnée, suivant un maillage strict ou une logique toposéquentielle, etc.) dépendent de la thématique et de l'objectif poursuivi. Actuellement, le champ d'actions se limite au secteur agricole, bien que d'autres milieux (forêt, sites pollués, etc.) pourraient être concernés à l'avenir.
63Les observations de terrain sont réalisées essentiellement à la tarière, carotte par carotte (0-30 cm, puis de 10 cm en 10 cm jusque 120 cm si possible). Un effort tout particulier est apporté à la formalisation et à l'harmonisation des observations, par le développement de standards de description, précis, cohérents et objectifs ; par un choix réfléchi de variables associées à une liste de descripteurs strictement définis ; par l'élaboration de clés décisionnelles. Des formulaires électroniques ont été conçus pour encoder les observations. Leurs avantages sont multiples :
64– facilité et gain de temps à l'encodage,
65– transfert rapide et sûr des données en bureau,
66– intégration d'outils d'aide à l'encodage et de validation des données,
67– mise en place de procédures de gestion des fichiers générés.
68Ces formulaires sont destinés à évoluer au gré des thématiques abordées. Ils sont déployés sur des appareils mobiles munis d'un récepteur GPS intégré. Une base de données structurée a été développée pour recueillir et exploiter efficacement les données.
69Par ailleurs, d'autres types d'investigations sont menés de manière occasionnelle : mesures in situ, ouverture et description de fosses pédologiques, prélèvement et analyses d'échantillons de sols, etc. À ce propos, mentionnons la campagne de prélèvement d'échantillons de sols, tant en surface qu'en profondeur, en relation avec les matériaux parentaux à l'origine de la majorité des sols présents en Wallonie (Legrain et al., 2011b).
70Afin de partager son expertise de la Carte des Sols, coordonner les actions menées et valoriser les données acquises, l'équipe du PCNSW favorise les collaborations avec les acteurs intervenant sur la thématique « sols », qu'ils soient producteurs ou utilisateurs de données à caractère pédologique. Parmi les collaborations actuelles, citons la cellule GISER (SPW – DGARNE), la chaine Minérale-Sols de Réquasud, l'Unité d'Hydrologie et Hydraulique agricole (ULg-GxABT), la cellule de l'Inventaire permanent des Ressources forestières de Wallonie (SPW – DGARNE – DNF), ainsi que la Direction de l'Archéologie (SPW – DGATLPE).
71Abréviations
72CNSW : Carte Numérique des Sols de Wallonie
73CSB : Carte des Sols de la Belgique
74DER : District de l'Espace Rural
75DGARNE : Direction Générale opérationnelle de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et de l'Environnement
76DGATLPE : Direction Générale opérationnelle de l'Aménagement du Territoire, du Logement, du Patrimoine et de l'Énergie
77DNF : Département de la Nature et des Forêts
78GxABT : Gembloux Agro-Bio Tech
79IRSIA : Institut pour l'Encouragement de la Recherche Scientifique dans l'Industrie et l'Agriculture
80PCNSW : Projet de Cartographie Numérique des Sols de Wallonie
81SER : Secteur de l'Espace Rural
82SPW : Service Public de Wallonie
83ULg : Université de Liège
84Remerciements
85Nous remercions la Direction du Développement Rural, Département de la Ruralité et des Cours d’Eau, Direction Générale Opérationnelle Agriculture, Ressources Naturelles et Environnement (DGARNE), Service Public de Wallonie (SPW), qui finance le Projet de Cartographie Numérique des Sols de Wallonie depuis 2000, et en particulier Abdel Ilah Mokadem, gestionnaire de la convention, qui soutient depuis le début les actions menées en faveur de la Carte des Sols.
Bibliographie
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Pour citer cet article
A propos de : Xavier Legrain
Univ. Liège-Gembloux Agro-Bio Tech. Département Sciences et Technologies de l'Environnement. Unité de Science du Sol. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : Xavier.Legrain@ulg.ac.be
A propos de : Pierre Demarcin
Univ. Liège-Gembloux Agro-Bio Tech. Département Sciences et Technologies de l'Environnement. Unité de Science du Sol. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).
A propos de : Gilles Colinet
Univ. Liège-Gembloux Agro-Bio Tech. Département Sciences et Technologies de l'Environnement. Unité de Science du Sol. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).
A propos de : Laurent Bock
Univ. Liège-Gembloux Agro-Bio Tech. Département Sciences et Technologies de l'Environnement. Unité de Science du Sol. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).