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Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement/Biotechnology, Agronomy, Society and Environment

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Jean Pierre Mvondo-Awono, Lawane, Alexis Boukong, Antoine David Mvondo-Zé & Honoré Beyegue-Djonko

Rétablissement de la capacité de production de sorgho (Sorghum bicolor [L.] Moench) d’un vertisol dégradé dans la région de l’Extrême Nord du Cameroun

(Volume 17 (2013) — numéro 1)
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Reçu le 14 février 2012, accepté le 8 novembre 2012

Résumé

La remise en culture des vertisols dégradés appelés Hardé, qui représentent 10 à 20 % des terres cultivables, constitue l’un des principaux défis de l’agriculture dans la région septentrionale du Cameroun. L’objectif de cette étude conduite de 2007 à 2009 était d’examiner la possibilité de produire du sorgho sur un vertisol dégradé par la combinaison de deux modes de préparation du sol (labour ou billonnage), deux doses de poudrette de parcs de bovins (6 ou 12 t·ha-1) et trois doses d’urée (0, 50 ou 100 kg·ha-1), dans un dispositif expérimental en blocs complètement randomisés avec quatre répétitions. Le sol du site a été échantillonné sur une épaisseur de 25 cm et analysé. Les valeurs établies pour les sols tropicaux ont permis d’apprécier l’état de ses caractéristiques. La paille et le grain de sorgho ont été récoltés et les données analysées. Les caractéristiques du site sont conformes à celles des sols Hardé rencontrés dans le Nord Cameroun. L’induration de l’horizon de surface ne permet pas la mise en place du sorgho en l’état. Le carbone organique (0,85 %) est élevé et la somme des cations (4,91 méq·100 g-1 de sol) faible. Le ratio des cations échangeables montre une présence du Ca relativement plus faible que l’optimum. Les niveaux du phosphore assimilable (5,35 mg·kg-1 de sol) et de l’azote total (0,04 g·kg-1) sont très bas. Les traitements appliqués ont engendré la production de 2,4 à 5,2 t·ha-1 de paille et 1,3 à 2,8 t·ha-1 de grain de sorgho. Le labour et le billonnage ont rompu la croute superficielle indurée. Les billons ont entrainé une augmentation de paille d’environ 16 % par rapport au labour à plat. L’application de 12 t·ha-1 de poudrette de parcs de bovins a engendré, par rapport à l’application de 6 t·ha-1, une production supplémentaire de grain de sorgho de 17 % et 39 % en 2008 et 2009, respectivement. La réponse du sorgho à l’urée est quadratique. Il est donc possible de réhabiliter les sols dégradés de la Région de l’Extrême Nord du Cameroun par l’usage de techniques culturales incluant l’application de la poudrette de parcs de bovins, le labour, le billonnage et la fertilisation azotée du sorgho.

Mots-clés : Cameroun, matière organique, fertilité du sol, travail du sol, vertisol, dégradation du sol, possibilité de production

Abstract

Recovery of sorghum (Sorghum bicolor [L.] Moench) production capacity in degraded vertisols in the Far North Region of Cameroon. In Northern Cameroon, degraded soils represent 10 to 20% of arable land. Recovering the production capacity of these degraded soils is one of the main challenges faced by agriculture in the region. The objective of the present study, conducted from 2007 to 2009, was to examine the possibility of growing sorghum on degraded and bare vertisols. A combination of the following techniques was used in a randomized complete block design: two land preparation techniques (plowing or mounding), two levels of cow dung dust (6 or 12 t·ha-1) and three rates of urea application (0, 50 or 100 kg·ha-1). The soil was sampled at a depth of up to 25 cm and was analyzed for its properties following standard analytical procedures. Critical levels established for tropical soils were used to declare sufficiency or deficiency of soil nutrients within the samples. Sorghum straw and grain yields were obtained and analyzed. Soil characteristics were found to be similar to those of other degraded vertisols found in the Far North Region of Cameroon. The hard top soil layer was found to be unfavorable to the establishment of sorghum. On the other hand, levels of organic carbon (0.85%) and the sum of cations (4.91 meq·100 g-1 of soil) were found to be favorable. The ratio of cations was found to be unfavorable to Ca. Available phosphorus (5.35 mg·kg-1 of soil) and total N (0.04 g·kg-1) were very low. Following the application of treatments, 2.4 to 3.5 t·ha-1 of sorghum straw were produced and 1.3 to 2.8 t·ha-1 of grain were harvested during the experimental period. Soil plowing and mounding successfully disturbed the hard top soil layer. Soil mounding resulted into in a 16% increase in straw production in comparison with soil plowing alone. The application of 12 t·ha-1 of cow dung dust produced an additional grain yield of 17% in 2008 and of 39% in 2009 when compared to plots receiving only 6 t·ha-1. The sorghum yield response to urea was shown to be quadratic. These results suggest that it is possible to rehabilitate the degraded and abandoned vertisols of the Far North Region of Cameroon using appropriate cultural practices, including the application of cow dung dust, soil plowing and mounding, and nitrogen fertilization.

Keywords : soil fertility, fertilisation, Cameroon, organic matter, tillage, vertisols, fertilizer application, soil degradation, production possibilities

1. Introduction

1La dégradation des sols est un problème majeur qui hypothèque le développement agro-sylvo-pastoral des zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest et du Centre (Masse et al., 1995 ; Zougmoré et al., 1999). Les vertisols figurent parmi les sols affectés par cette dégradation. On aboutit à la longue à l’apparition de sols dénudés et indurés connus sous l’appellation Zipellés au Burkina Faso (Kambou et al., 1995), Nagas au Tchad (Gavaud, 1971) et Hardé au Cameroun. La dégradation et l’abandon de ces terres résultent des mauvaises pratiques culturales ou pastorales (Obale-Ebanga, 2001) accentuées par les phénomènes d’érosion (Pieri, 1989).

2Hardé est un mot peul qui signifie stérile. Cette appellation en langue locale a été promue en termes pédologique, géographique et agronomique de référence (Seignobos, 1990). Elle désigne le faciès de terres dégradées aux propriétés physico-hydriques les plus défavorables (Seignobos, 1990 ; Masse et al., 1995). On reconnait les Hardé typiques par la végétation ligneuse indigente et la couverture herbacée saisonnière très peu dense qui les recouvrent. Les vertisols dégradés se distinguent des vertisols typiques (ou Karal en dialecte local) par la déstructuration de l’épipédon avec une baisse de la teneur en matière organique, la généralisation des pellicules de battance et la disparition des fentes de retrait (Seiny-Boukar et al., 1990). Il en résulte un fort dysfonctionnement du régime hydrique (pertes importantes par ruissellement, diminution des capacités d'emmagasinage de l'eau des pluies), qui génère une augmentation du stress hydrique pour la végétation (Masse et al., 1995). Ces terres ne sont plus cultivées et ne conservent qu'un usage pastoral ou de production de bois. L’horizon superficiel dur et compact est parfois recouvert par une couche sableuse grossière (Gavaud, 1971).

3La région de l’Extrême Nord du Cameroun compte environ 10 millions d’hectares de terres cultivables dont 10 à 20 % sont entièrement dégradées, tandis que 30 à 40 % ont évolué en terres marginales (Brabant et al., 1985 ; Thébé, 1990). Le rétablissement de la capacité de production des sols dégradés est primordial si l’on veut réduire l’insécurité alimentaire et la pauvreté des agriculteurs (Mvondo-Awono et al., 2007). En effet, la pression démographique croissante d’une population dont la densité moyenne dépasse 80 habitants au km2 et le besoin en terres cultivables dans cette région où l’on atteint par endroit la saturation foncière, suggèrent d’examiner toute possibilité de remise en culture des terres dégradées. Des études pluridisciplinaires ont essayé de recouvrer la capacité de production des Hardé (Seignobos , 1993). Les premières tentatives de réhabilitation étaient fondées sur des essais de régénération de la structure du sol par sous-solage avec des engins mécaniques lourds. Les moyens onéreux engagés avaient cependant une efficacité localisée et éphémère, et les résultats étaient peu probants (Guis, 1976). D’autres tentatives de régénération de la végétation naturelle ont eu pour fondement l’amélioration du fonctionnement hydrique (Donfack et al., 1990 ; Seghieri et al., 1990 ; Seiny-Boukar et al., 1993). Dans la mesure où l’eau s’infiltre, on a pu observer une reprise de la végétation due à l’amélioration sensible de l’humectation du profil cultural.

4La plupart des études menées sur la réhabilitation des terres Hardé (Donfack et al., 1990 ; Seghieri et al., 1990 ; Thébé, 1990 ; Seiny-Boukar et al., 1993) se sont principalement focalisées sur les caractéristiques physico-chimiques des sols, aussi ont-elles reçu peu d’intérêt de la part des producteurs surtout intéressés par l’évolution de la capacité de production des terres en cours de réhabilitation. La présente étude a pour objectif d’examiner la possibilité de production du sorgho pluvial (Sorghum bicolor [L.] Moench) sur un vertisol dégradé par l’application de matière organique associée à des modes de préparation du sol et à la fertilisation azotée.

2. Matériel et méthodes

2.1. Site expérimental et déroulement des essais

5Les essais se sont déroulés pendant trois saisons culturales en 2007, 2008 et 2009 sur le site expérimental de l’Antenne de l’Université de Dschang de Papata dans la région de l’Extrême Nord du Cameroun, à climat soudano-sahélien. La pluviométrie enregistrée sur le site expérimental était de 1 111 mm, 942 mm et 651 mm pendant les trois années consécutives, respectivement. Le site avait été abandonné par les agriculteurs depuis plus d’une quinzaine d’années du fait de sa dégradation, d’où le scepticisme des villageois, de passage à proximité du site expérimental, sur l’issue des travaux.

2.2. Échantillonnage et analyse du sol et de la poudrette de parcs de bovins

6La parcelle expérimentale d’un faciès homogène a été échantillonnée à la tarière avant l’implantation de l’essai. Un échantillon homogène issu de 24 prélèvements effectués en surface sur une épaisseur de 25 cm a été analysé selon les procédures de routine au Laboratoire des Sciences du Sol de l’Université de Dschang au Cameroun, telles que décrites par Pauwels et al. (1992). Ainsi, la fraction sableuse a été obtenue par tamisage à sec. Les prélèvements du limon et de l’argile ont été effectués à la pipette de Robinson. Le pH-H2O a été déterminé grâce à une électrode dans une suspension sol-eau (1:2,5) et le pH-KCl dans une suspension sol-KCl (1:2,5) 1 N. Le pourcentage de carbone organique total (COT %) a été déterminé selon la méthode de Walkley et Black. Le pourcentage de matière organique (MO %) a été obtenu par la relation MO % = COT % x 1,724. Le Ca et le Mg ont été déterminés par complexométrie, tandis que K et Na ont été obtenus par photométrie à flamme. Le pH-H2O étant supérieur à 5,5, l’acidité échangeable a été considérée négligeable. Dans ce cas, la CEC effective est égale à la somme des cations échangeables (SCE). La CEC à pH 7 a été obtenue par la procédure utilisant l’acétate d’ammonium 1 M à pH 7. La saturation en cations échangeables (SCE %) est calculée par la relation :

7saturation en cations échangeables = (SCE x 100)/CEC à pH 7.

8La somme des cations Ca, Mg et K a été faite et leurs proportions relatives déterminées et comparées au rapport cationique optimal (76/18/6) proposé par Beernaert et al. (1992). Le phosphore assimilable a été obtenu selon la Méthode Bray 2. Les seuils établis pour les sols tropicaux ont permis d’apprécier l’état des caractéristiques du vertisol de Papata (FAO, 1988 ; Euroconsult, 1989 ; Sys et al., 1991 ; Beernaert et al., 1992). La poudrette de parcs de bovins a fait l’objet d’analyses similaires.

2.3. Traitements

9Chaque année, les traitements étaient les 12 combinaisons de deux modes de préparation de sol, deux doses de poudrette de parcs de bovins et trois doses d’urée. Les modalités de préparation du sol sont le labour à plat (P1) et le billonnage (P2). Les trois doses d’urée sont 0 kg·ha-1 (U1), 50 kg·ha-1 (U2) et 100 kg·ha-1 (U3). Les doses d’application de la poudrette de parcs de bovins sont 6 t·ha-1 (F1) et 12 t·ha-1 (F2). Les 12 combinaisons des trois facteurs qui déterminent les traitements (T1 à T12) sont décrites dans le tableau 2.

2.4. Dispositif expérimental

10Le dispositif expérimental était en blocs complètement randomisés avec quatre répétitions. En somme, 48 unités expérimentales servaient de support pour l’essai. Les dimensions d’une unité expérimentale sont de 5 m x 4 m. Les espacements sont de 1,5 m entre les blocs et 1 m entre les unités expérimentales. Le site a été sécurisé pour faire face aux menaces des animaux en divagation.

2.5. Pratiques culturales

11Toutes les unités expérimentales ont été labourées à l’aide d’une charrue tirée par des bœufs de trait. Trois passages ponctués par des pluies ont été nécessaires en 2007 pour ameublir le sol sur une profondeur de 10 à 15 cm à cause de la dureté de la croute superficielle. En 2008 et en 2009, un seul labour a été réalisé après l’installation des pluies. Les doses de poudrette de parcs de bovins ont été appliquées aux unités expérimentales après labour puis mélangées à la terre. Le billonnage manuel des unités expérimentales concernées par ce traitement a suivi. L’application d’urée a été fractionnée. La première moitié a été appliquée après la levée et la deuxième avant la montaison. Deux désherbages manuels ont été nécessaires chaque année sur les parcelles expérimentales. Les mauvaises herbes étaient déposées en dehors de la parcelle expérimentale.

2.6. Détermination des rendements et analyse des données

12Une portion comprenant les trois lignes centrales sur les cinq de chaque unité expérimentale a été utilisée pour la détermination des rendements de paille et de grain du sorgho. Les rendements ont été saisis à l’aide du logiciel Excel puis traités à l’aide du logiciel SAS (Statistical Analysis System) dont les procédures ont été utilisées pour l’analyse de la variance. La comparaison des moyennes des traitements a été faite à l’aide de contrastes simples. Le seuil de probabilité était de 5 % pour les différences significatives et de 1 % pour les différences hautement significatives. Des contrastes de régression ont permis de décrire la réponse du sorgho aux doses croissantes d’urée.

3. Résultats

3.1. Caractéristiques du sol Hardé et de la poudrette de parcs de bovins

13Les résultats des analyses du sol et de la poudrette de parcs de bovins sont présentés au tableau 1. Ils permettent d’apprécier la situation du site avant les travaux entrepris pour sa réhabilitation. Le pH est proche de la neutralité et il y a absence d’aluminium échangeable. La texture est limono-argileuse. Quelques valeurs dérivées des caractéristiques déterminées sont les proportions relatives de Ca, Mg et K qui sont de l’ordre de 52 %, 26 % et 22 % et le rapport Na/Ca de 20 %.

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3.2. Production de paille

14La production de paille a connu des variations importantes. En 2007, elle a été similaire pour tous les niveaux des traitements appliqués avec une moyenne de 2,97 t·ha-1 (Tableau 2). La poudrette de parcs de bovins a eu des effets significatif (p ≤ 0,05) et hautement significatif (p ≤ 0,01) sur la production de paille en 2008 et 2009, respectivement (Tableau 3). L’application de 12 t·ha-1 de poudrette de parcs de bovins en 2008 et 2009 apporte un surplus de paille de 12 % et 26 % par rapport à l’application de 6 t·ha-1, respectivement (Tableau 4). En 2009, le mode de préparation du sol a affecté significativement (p ≤ 0,05) la production de paille du sorgho (Tableau 3). Cette même année, les billons ont engendré une augmentation de la production de paille d’environ 16 % par rapport au labour à plat (Tableau 4).

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3.3. Production de grain

15Le sorgho n’a pas produit de grain en 2007. Par contre, en 2008 et 2009, la production de grain du sorgho a varié entre 1,3 et 2,8 t·ha-1 (Tableau 2), avec des différences significatives entre les traitements (Tableau 3). Des différences hautement significatives (p ≤ 0,01) sont identifiées entre les doses de poudrette de parcs de bovins et celles d’urée pour la production de grain de sorgho en 2008. L’application de 12 t·ha-1 de poudrette de parcs de bovins engendre une production supplémentaire de grain de sorgho de 20 % par rapport aux unités recevant 6 t·ha-1. La même année, la réponse du sorgho à l’urée montre un effet quadratique significatif (Tableau 3). En 2009, l’analyse des données de rendement en grain du sorgho montre des différences hautement significatives (p ≤ 0,01) entre les modes de préparation du sol, les niveaux d’application de la poudrette de parcs de bovins et les doses d’urée (Tableau 3). Les billons ont permis d’obtenir un supplément de production de grain d’environ 17 % par rapport au labour à plat. L’application de 12 t·ha-1 de poudrette de bovin a engendré un surplus de grain de sorgho de 39 % par rapport aux parcelles n’en recevant que 6 t·ha-1. L’effet quadratique de l’urée est hautement significatif (p ≤ 0,01) sur la production de grain du sorgho (Tableau 4).

4. Discussion

4.1. Appréciation des caractéristiques du sol

16Dans l’ensemble, les caractéristiques du sol étudié sont conformes à celles des Hardé du Nord Cameroun (Gavaud, 1971 ; Seignobos, 1993 ; Seiny-Boukar et al., 1993). La texture limono-argileuse est a priori favorable à la production du sorgho, mais l’induration de l’horizon de surface ne le permettait pas en l’état. L’abondance relative du sodium (Na) par rapport au calcium (Ca) pourrait expliquer le durcissement de la croute superficielle. En effet, Gavaud (1971) rapporte que lorsque le rapport Na/Ca dépasse 15 %, 1'horizon correspondant devient très compact. Ce dernier peut se trouver à la surface du sol qui présente alors les caractéristiques d’un Hardé typique (disparition de la végétation, érosion de la couche de sol superficielle suivie du glaçage du sol ainsi décapé). C’est notamment le cas du site étudié où le rapport Na/Ca est d’environ 20 % et sur lequel la végétation a disparu du fait de l’induration du sol en surface. La réaction du sol neutre est favorable à la production du sorgho (Sys et al., 1993). La teneur en carbone organique (0,85 %) est moyenne (Sys et al., 1991). Elle serait convenable pour la production des céréales, mais sa qualité (C/N ≥ 20) est plutôt médiocre (A.F.E.S., 1992 ; Beernaert et al., 1992). Les teneurs en phosphore assimilable (5,35 mg·kg-1) et en azote total (0,04 g·kg-1) sont très basses. En général, les sols de la partie septentrionale du Cameroun sont très peu pourvus en azote, ce qui constitue l’une des principales limitations de la production agricole (Obale-Ebanga, 2001). La somme des cations échangeables (4,91 méq·100 g-1 de sol) ne présente pas de limitation pour la production du sorgho (Sys et al., 1993), mais les proportions relatives de Ca, Mg et K (52 %, 26 % et 22 % respectivement) sont déséquilibrées, surtout en défaveur du Ca, lorsqu’on considère les proportions optimales de 76 %, 18 % et 6 % reconnues pour ces bases (Beernaert et al., 1992). L’amélioration du statut physique et chimique du sol Hardé est nécessaire si l’on veut le remettre durablement en culture.

4.2. Effets des blocs

17Les différences significatives entre les blocs traduisent une hétérogénéité du sol réelle, malgré le faciès apparemment homogène. Gavaud (1971) rapporte des variations latérales rapides des sols Hardé. La pente légère du site peut expliquer les différences observées.

4.3. Effets du mode de préparation du sol

18Le sol Hardé a eu besoin d’un labour initial pour casser la croute superficielle indurée. L’une des caractéristiques des sols Hardé s’exprime par une diminution de la réserve d’eau utile du sol résultant du durcissement de l’horizon de surface. Le labour et le billonnage qui rompent la croute superficielle améliorent le régime hydrique des Hardé, avec une profondeur d’humectation pouvant atteindre 30 à 35 cm la première année et 50 cm la deuxième année (Donfack et al., 1990), d’où l’impact favorable sur le rendement observé. Les sillons entre billons adjacents permettent une humectation accrue par rapport au labour à plat plus directement affecté par le ruissellement. Le billonnage est une opération culturale recommandable pour les initiatives de réhabilitation des vertisols dégradés dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Au Burkina Faso, le fait de briser la croute de l’horizon superficiel d’un sol enduré en surface a aussi engendré un gain de production attribué à l’amélioration de la porosité et de l’infiltration de l’eau (Zougmoré et al., 1999). L’effet d’amorce du billonnage et du labour à plat peut être complété par des itinéraires subséquents sans travail du sol qui utilisent des plantes améliorantes (Mvondo-Awono et al., 2007 ; Bouzinac et al., 2009). En effet, les systèmes de culture sous couvertures végétales démontrent leur aptitude à l’amélioration durable des terres dégradées dans le Nord du Cameroun (Mvondo-Awono et al., 2007).

4.4. Effets de la poudrette de parcs de bovins

19La poudrette de parcs de bovins a aussi engendré une augmentation de la production de sorgho. Malgré la structure peu perméable dans les sols indurés en surface, l’apport d’amendements organiques entraine souvent des modifications importantes du statut nutritif du sol qui se traduisent par des augmentations de rendement parfois spectaculaires (Zougmoré et al., 1999). La recommandation générale est d’appliquer 6 t·ha-1 de fumier tous les trois ans dans les écosystèmes agricoles de la région septentrionale du Cameroun, compte tenu des faibles teneurs en matière organique des sols (Njomaha, 2004). Le fumier bien décomposé est plutôt rare dans la région de l’Extrême Nord du Cameroun. Par contre, la poudrette de bovins de moindre qualité est abondante dans les parcs à bétail. Presque toutes les agglomérations en disposent dans cette région agropastorale, car le bétail de la communauté est souvent rassemblé dans des parcs où la poudrette s’accumule.

4.5. Effets de l’urée

20Le rendement du sorgho a aussi augmenté avec la quantité d’urée appliquée. L’effet quadratique significatif révèle d’une part une réponse du sorgho à l’urée sur sol dégradé et d’autre part, il suggère que le sol n’est pas encore apte à valoriser des quantités de fumures élevées. Le plafonnement du rendement à une dose d’urée relativement basse pourrait aussi être dû à la très faible teneur du sol en phosphore assimilable (5,35 mg·100 g-1 de sol). L’insuffisance du phosphore entraine souvent une faible assimilation de l’azote et inversement (Mengel et al., 1988). Sur les sols dégradés et indurés en surface, la levée de la contrainte hydrique par la destruction de la croute de battance de surface fait souvent apparaitre une autre contrainte majeure qu’est la pauvreté chimique des sols (Zougmoré et al., 1999). Le Hardé de Papata est pauvre en phosphore assimilable et en azote. L’apport de ces éléments peut contribuer significativement à l’augmentation de la capacité de production du sol Hardé en cours de réhabilitation. Les éléments minéraux en sus de la matière organique sont nécessaires dans le processus de réhabilitation des sols dégradés. L’apport d’un engrais ternaire (N-P-K) dosé à 80 kg·ha-1 a permis d’atteindre 900 kg·ha-1 de sorgho sur un sol encrouté, contre 690 kg·ha-1 avec le compost uniquement (Zougmoré et al., 1999). L’application d’un engrais composé en sus de l’azote permet d’obtenir des rendements plus élevés. Dans la partie septentrionale du Cameroun, on a pu enregistrer, sur des sols en cours de réhabilitation, une augmentation de rendement par rapport au témoin de 1,6 fois due à l’application de 50 kg·ha-1 d’urée contre 2,1 fois avec application de 50 kg·ha-1 d’urée suivie de 100 kg·ha-1 de 22-10-15 (Mvondo-Awono et al., 2007). Une fumure minérale plus complète permettrait d’obtenir des rendements plus élevés sur les sols en cours de réhabilitation, sous réserve que leur rentabilité économique soit assurée.

5. Conclusion

21Les caractéristiques du sol dégradé étudié se sont révélées conformes à celles des Hardé du Nord Cameroun, avec notamment des teneurs très basses en azote total et en phosphore assimilable. L’effet bloc significatif révèle cependant une hétérogénéité du site, malgré son aspect homogène. Les techniques culturales mises à l’essai pendant trois années consécutives se sont traduites par un recouvrement de la capacité de production de ce sol. Les facteurs étudiés ont tous contribué à la reprise de la production du sorgho sur le site dénudé et abandonné. Le risque climatique lié à une pluviométrie variable est présent. Toutefois, la production de paille enregistrée au cours de la période expérimentale est de 2,4 à 5,2 t·ha-1, tandis que celle de grain se situe entre 1,3 et 2,8 t·ha-1. Cette reprise de la production suggère qu’il est possible de réhabiliter et de remettre en culture les sols dégradés et abandonnés par les populations, par l’adoption de techniques culturales incluant le labour, le billonnage, l’application de poudrette de parcs de bovins et la fertilisation azotée. Les impacts spécifiques de ces facteurs sur les caractéristiques du sol restent à déterminer, tout comme les itinéraires techniques susceptibles de pérenniser le processus de réhabilitation du sol Hardé ainsi amorcé. En outre, le redressement du niveau de phosphore de ces sols devrait aussi être envisagé.

22Remerciements

23Les auteurs remercient les populations du Canton de Papata et en particulier leur Chef, Monsieur Boubakary Paye, pour la cession du site expérimental et leur participation aux travaux. Ils remercient aussi Messieurs Nene Amadou, Ella Biya, Bongo Eric et Souwore, pour leur contribution à la mise en place des essais.

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Om dit artikel te citeren:

Jean Pierre Mvondo-Awono, Lawane, Alexis Boukong, Antoine David Mvondo-Zé & Honoré Beyegue-Djonko, «Rétablissement de la capacité de production de sorgho (Sorghum bicolor [L.] Moench) d’un vertisol dégradé dans la région de l’Extrême Nord du Cameroun», BASE [En ligne], Volume 17 (2013), numéro 1, 56-63 URL : https://popups.uliege.be/1780-4507/index.php?id=9560.

Over : Jean Pierre Mvondo-Awono

Centre d’Étude de l’Environnement et du Développement au Cameroun. BP. 410. CAM-Maroua (Cameroun). E-mail : jpmvondoa@yahoo.fr

Over :  Lawane

Centre d’Étude de l’Environnement et du Développement au Cameroun. BP. 410. CAM-Maroua (Cameroun).

Over : Alexis Boukong

Université de Dschang. Faculté d’Agronomie et des Sciences Agricoles. Département des Sciences du Sol. BP. 222. CAM-Dschang (Cameroun).

Over : Antoine David Mvondo-Zé

Université de Dschang. Faculté d’Agronomie et des Sciences Agricoles. Département des Sciences du Sol. BP. 222. CAM-Dschang (Cameroun).

Over : Honoré Beyegue-Djonko

Université de Dschang. Faculté d’Agronomie et des Sciences Agricoles. Département des Sciences du Sol. BP. 222. CAM-Dschang (Cameroun).