BASE BASE -  Volume 17 (2013)  numéro 2 

Cola pierlotii R.Germ. : étude de la composition chimique de la graine

Georges Lognay

Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Laboratoire de Chimie analytique. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : georges.lognay@ulg.ac.be

Bernard Wathelet

Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité de Chimie biologique industrielle. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).

Philippe Maesen

Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Bureau Environnement et Analyses de Gembloux (BEAGx). Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).

Notes de la rédaction :

Reçu le 11 janvier 2012, accepté le 8 mai 2013

Résumé

La présente note rapporte pour la première fois une analyse de la composition chimique de la graine de Cola pierlotii et en compare les constituants avec diverses données de la littérature sur Cola nitida et Cola acuminata qui sont les deux espèces les plus utilisées soit comme agent de flaveur, soit comme précurseur de médicaments. Cola pierlotii est caractérisée notamment par une teneur en caféine élevée atteignant 1,27 %.

Mots-clés : caféine

Abstract

Cola pierlotii R.Germ.: study of the chemical composition of the seed. This note reports the first analysis of the chemical composition of Cola pierlotii seed. It compares the recorded values with various literature data on Cola nitida and Cola acuminata that are the two most used species or as agent flavor or as a precursor drugs. Cola pierlotii is characterized in particular by a high caffeine content up to 1.27%.

Keywords : Cola pierlotii, composition, caffeine, composition, Cola pierlotii

1. Introduction

1En 1962, René Germain, en faisant une révision approfondie du genre guinéen Cola, et plus spécialement des espèces récoltées sur le territoire de l’actuelle République Démocratique du Congo, rapportait entre autres espèces nouvelles Cola pierlotii R.Germ. en provenance de la Province du Kivu. Une description botanique précise a été dressée pour cette nouvelle plante appartenant aux Sterculiaceae ; en 1963, l’auteur, qui décrivait cette famille dans la Flore du Congo, du Rwanda et du Burundi (Anon., 1963), rangeait l’espèce dans une catégorie – le groupe IV – caractérisée par des anthères disposées en couronne de deux verticilles, à côté de Cola nitida (Vent.) Schott & Endl. et de Cola acuminata (P.Beauv.) Schott & Endl. Ces deux espèces sont bien connues comme principales sources de la fameuse noix de cola commercialisée dans toute l’Afrique occidentale et centrale et même universellement réputée comme ingrédient de boissons rafraichissantes. Elle sert aussi à l’élaboration de produits pharmaceutiques à base de methylxanthines (Blumenthal, 2000). L’histoire de la noix de cola, depuis la nuit des temps, est liée à la vie des peuples du golfe de Guinée, tant sa graine – l’endosperme –, que l’on mastique à longueur de journée, a des vertus mythiques quasi religieuses et aide à lutter contre la fatigue physique et mentale. De nos jours, la noix fait l’objet d’un commerce mondial considérable. Une revue récente des propriétés d’extraits de noix de cola établit son caractère d’innocuité en tant qu’ingrédient alimentaire (Burdock et al., 2009). Toujours d’après ces auteurs, la noix est riche en alcaloïdes de type purine : la teneur en caféine dans les extraits varie entre 1,5 et 2,5 % mais, selon le traitement subi par les noix ou selon leur variété, le pourcentage en cet alcaloïde peut être compris entre 1,5 et 3,8 %.

2Hormis une description botanique précise, C. pierlotii n’a fait l’objet d’aucune investigation et la présente note est une contribution nouvelle à la caractérisation de cette espèce méconnue.

2. Matériel et méthodes

3Les graines (cotylédons) ont été récoltées à Hembe (Bitale) (Lat. Sud 2°12’, Long. Est 28°36’, Alt. 1850 m) par F. Zihire (INERA à Muliungu, RDC) à la demande du Professeur Honoraire R. Pierlot. Ce dernier a reçu les graines, en a semé une partie, éduqué les plantules et confié les jeunes plants au Jardin Botanique de l’État (Meise) et à l’École d’Horticulture de Grand-Manil, le restant étant confié au Laboratoire de Chimie analytique de la Faculté de Gembloux. Les jeunes plants ont bien crû au Jardin Botanique en restant à l’état d’arbustes stériles.

4Les graines ont été préalablement séchées par lyophylisation puis finement broyées et homogénéisées. Les divers constituants majeurs et mineurs ont été déterminés selon les méthodes répertoriées ci-dessous. La caféine a été dosée par chromatographie liquide à haute performance (HPLC) sur un appareil Agilent HP1200 muni d’un détecteur à réseau de diodes (λ de mesure = 214 nm). Les extraits ont été obtenus par traitement de 500 mg de prise d’essai par 25 ml d'un mélange eau/méthanol 3 :7 (v/v), centrifugés puis dilués 10 fois, filtrés sur membrane de 0,2 µm puis injectés en HPLC (Vol. d’injection : 20 µl). La séparation de la caféine a été réalisée sur une colonne Grace Prevail Select C18 (3 µm, 150 x 3 mm) à 35 °C à l’aide d’un gradient Acétonitrile (A) / eau acidifiée à pH = 3 par H3PO4 (B) passant de 10 % à 40 % de A en 30 min. Dans ces conditions, la caféine est parfaitement résolue à 6,95 min (Figure 1). La théobromine, en très faible proportion, n’a pas pu être dosée du fait de sa co-élution avec les nombreuses interférences des extraits.

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5Les lipides totaux ont été dosés par gravimétrie après extraction de 1 g pendant 18 h par 10 ml de n-Hexane. Les protéines brutes ont été mesurées par la méthode de Kjeldahl (Norganique x 6,25) (Adrian et al., 1998). Les acides aminés totaux, soufrés et le tryptophane ont été mesurés selon les techniques décrites dans Ambé et al. (2001), tandis que les fibres ont été mesurées selon la méthode de Van Soest et Robertson (1985). Les cendres ont été dosées par gravimétrie après calcination à 550 °C pendant 16 h. Pour l’analyse minérale, la norme AOAC (1996) a été suivie, cependant les échantillons ont été minéralisés par l’eau régale et mesurés par spectrophotométrie d’absorption atomique sauf K+, Na+ (mesurés par spectrométrie d’émission dans la flamme) et P par spectrophotométrie dans le visible sous forme de bleu de molybdène. Les polyphénols ont été dosés selon la méthode de Folin-Ciocalteu (Vernon et al., 1999).

3. Résultats et discussion

6L’ensemble des résultats d’analyses, sauf mention particulière, sont la moyenne d’au moins trois répétitions. Ils figurent au tableau 1. Les diverses valeurs relatives à l’analyse chimique des graines de C. pierlotii sont du même ordre que celles des autres espèces. Néanmoins, cette étude ponctuelle montre que le taux lipidique des graines de C. pierlotii est extrêmement bas. Celui en protéines brutes est intermédiaire par rapport aux autres espèces : C. acuminata (11,95 %) (Adeyeye et al., 1994) et C. nitida (3,5 %) (Arogba, 2000). La comparaison des teneurs en acides aminés essentiels avec les données de référence répertoriées par la FAO (1990) montre des valeurs intéressantes pour la thréonine, la valine, l’isoleucine, la lysine et le tryptophane. Les acides aminés soufrés sont juste suffisants, la paire phénylalanine-tyrosine est limitante. La composition minérale ne présente aucune particularité à relever, si ce n’est la présence de très faibles concentrations en éléments métalliques.

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7Cependant, C. perlotii révèle une concentration en caféine intéressante (12,7 ± 0,3 mg·g-1 ; n = 5). Burdock et al. (2009) mentionnent des teneurs pouvant varier entre 10 et 25 mg·g-1 chez C. acuminata. Des valeurs élevées sont également répertoriées par Niemenak et al. (2008) chez C. nitida (8,6 à 19,3 mg·g-1), C. acuminata (4,7 à 16,1 mg·g-1) et C. anomala (3,9 à 11,8 mg·g-1). Ces auteurs considèrent que la caféine est un composé représentant une réelle particularité des espèces de Cola.

8Cola pierlotii est une espèce nettement caractéristique des forêts subtropicales humides montagnardes du Kivu (entre 1 200 et 2 000 m d’altitude), tout comme les espèces guinéennes. Il pourrait aussi être à l’origine d’une agro-foresterie émergeante dans ces régions, à l’image du café d’Arabie et du quinquina.

Bibliographie

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Ambé G.A., Lognay G., Wathelet B. & Malaisse F., 2001. Ethnobotanical and chemical surveys of an edible wild legule: Uraria picta (Jacq.) DC. Ecol. Food Nutr., 40(5), 545-565.

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Van Soest P. & Robertson J., 1985. Analysis of forages and fibrous foods. Ithaca, NY, USA: Department of Animal Science, Cornell University.

Pour citer cet article

Georges Lognay, Bernard Wathelet & Philippe Maesen, «Cola pierlotii R.Germ. : étude de la composition chimique de la graine», BASE [En ligne], Volume 17 (2013), numéro 2, URL : https://popups.uliege.be/1780-4507/index.php?id=9833.