BASE BASE -  Volume 28 (2024)  Numéro 3 

Conflits armés et gouvernance des sites naturels du patrimoine mondial en Afrique (synthèse bibliographique)

Dodé H.M. Houehounha
Université de Liège - Gembloux Agro-Bio Tech, Forest is life, Passage des Déportés 2, BE-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : dhmhouehounha@doct.uliege.be, d.houehounha@eraift-rdc.org – École Régionale Postuniversitaire d'Aménagement et de Gestion intégrés des Forêts et Territoires tropicaux (ERAIFT).
Simon Lhoest
Université de Liège - Gembloux Agro-Bio Tech, Forest is life, Passage des Déportés 2, BE-5030 Gembloux (Belgique) – Arizona State University, Center for Biodiversity Outcomes, 400 E Tyler Mall, Tempe, AZ (USA).
Jean Hugé
Department of Environmental Sciences, Faculty of Science, Open University of The Netherlands, Valkenburgerweg 177, 6419 Heerlen (The Netherlands) – Systems Ecology & Resource Management Lab, Biology Department (DBO), Université Libre de Bruxelles (Belgique) – Ecology & Biodiversity, Biology Department, Vrije Universiteit Brussel (Belgium) – Centre for Environmental Science, University of Hasselt (Belgium).
Cédric Vermeulen
Université de Liège - Gembloux Agro-Bio Tech, Forest is life, Passage des Déportés 2, BE-5030 Gembloux (Belgique) – École Régionale Postuniversitaire d'Aménagement et de Gestion intégrés des Forêts et Territoires tropicaux (ERAIFT).

Résumé

Introduction. La Convention du patrimoine mondial est l’unique traité international qui promeut l’exceptionnalité universelle des sites. Depuis son adoption en 1972, les conflits armés ont conduit à l’inscription de huit aires protégées d’Afrique subsaharienne sur la Liste du patrimoine mondial en péril. En 2023, l’insécurité persiste dans six sites naturels africains et menace cinq autres sites de la région sur les quarante-deux que compte la Liste du patrimoine mondial. Les conséquences pour ces sites se traduisent par la prolifération d’activités illégales, des pertes en biodiversité et en vies humaines, un changement dans les systèmes de gouvernance ainsi que de nouvelles dynamiques communautaires. Cette situation est préoccupante et nous documentons l’état de conservation et les systèmes de gouvernance de ces aires protégées affectées par l’insécurité.

Littérature. Une recherche a été réalisée en exploitant Google Scholar et Scopus (sur la période 2000-2023) et les rapports officiels (depuis l’inscription des sites jusqu’en 2024) soumis par les pays sur l’état de conservation des sites naturels africains du patrimoine mondial de l’UNESCO. Les thématiques scientifiques qui abordent les déterminants des conflits armés affectant les sites naturels africains du patrimoine mondial ainsi que les liens entre la qualité de la gouvernance des aires protégées et l’apparition et/ou la résolution des conflits armés ne sont en effet pas assez abordés dans la littérature scientifique. La compréhension de l’origine et des fondements de ces conflits armés implique une analyse approfondie de plusieurs déterminants liés à l’existence de ces aires protégées ainsi qu’une évaluation de l’efficacité des systèmes de gouvernance, qui est rarement disponible.

Conclusions. Des lacunes persistent en termes de connaissances scientifiques sur les sites naturels du patrimoine mondial situés en zone de conflits armés en Afrique subsaharienne. Plusieurs enjeux au sujet de ces aires protégées situées en zone de conflits armés restent à explorer, et nous suggérons pour de futures recherches que les thématiques suivantes soient prioritairement abordées : (i) l’analyse des déterminants politico-religieux à l’origine des conflits armés contemporains qui affectent des aires protégées en Afrique et (ii) les facteurs qui limitent la résolution des conflits armés qui affectent les sites naturels du patrimoine mondial en Afrique.

Mots-clés : Conservation, insécurité, patrimoine naturel, Afrique subsaharienne.

Abstract

Armed conflict and governance of natural World Heritage sites in Africa. A review

Introduction. The World Heritage Convention is the only global treaty promoting sites' universal exceptionality. Since its adoption in 1972, armed conflicts have led to the inclusion of eight protected areas in sub-Saharan Africa on the List of World Heritage in Danger. In 2023, insecurity persisted in six African natural sites and threatened five in the region out of the forty-two sites on the World Heritage List. The consequences for these sites are a proliferation of illegal activities, loss of biodiversity and human life, changes in governance systems, and new community dynamics. This is a worrying situation, and we are documenting the state of conservation and governance systems of these protected areas affected by armed conflict.

Literature. A search was carried out using Google Scholar and Scopus (for the period 2000-2023) and official reports (from the inscription of the site until 2024) submitted by countries on the state of conservation of natural UNESCO World Heritage sites in Africa. The scientific literature does not sufficiently address the determinants of armed conflicts affecting African natural World Heritage sites or the connections between the quality of governance of Protected Areas and the emergence and/or resolution of armed conflicts. Understanding the origins and foundations of these armed conflicts requires an in-depth analysis of several determinants linked to the existence of these protected areas and an assessment of the effectiveness of the governance systems, which is rarely available.

Conclusions. There are still gaps in scientific knowledge about natural World Heritage sites located in zones of armed conflict in sub-Saharan Africa. Several issues concerning these Protected Areas located in zones of armed conflict remain to be explored. We suggest that the following themes be addressed as a priority for future research: (i) the analysis of the sociocultural and religious determinants behind contemporary armed conflicts affecting Protected Areas in Africa and (ii) the factors that limit the resolution of armed conflicts that affect natural World Heritage sites in Africa.

Keywords : Conservation, insecurity, natural heritage, Subsaharan Africa.

Reçu le 25 décembre 2022, accepté le 10 septembre 2024, mis en ligne le 12 septembre 2024.

Cet article est distribué suivant les termes et les conditions de la licence CC-BY (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr)

1. Introduction

1Les aires protégées en Afrique francophone ont été érigées soit pendant la colonisation (de 1925 à 1950), soit au cours de la vague des indépendances (de 1960 à 1990) ou encore selon Triplet (2009) après les indépendances (1990 à 2001). En revanche, la plupart des aires protégées en Afrique anglophone ont été créés entre 1950 et 1970 (Mengue-Medou, 2002). L’Afrique dispose donc globalement d’un riche héritage de quatre générations d’aires protégées, héritage historique qui a facilité les premières inscriptions sur la Liste du patrimoine mondial dès 1978 avec le Parc national du Simien en Éthiopie. Cette biodiversité africaine et sa valeur intrinsèque préservées à travers son réseau d’aires protégées représente un capital naturel important dont la conservation demeure une préoccupation mondiale au regard de son importance (Timko & Satterfield, 2008 ; Díaz et al., 2018). C’est pourquoi la création des aires protégées a été adoptée comme une stratégie efficace pour assurer la préservation des écosystèmes (Bruner et al., 2001 ; UNEP-WCMC, 2016), même si aujourd’hui il est démontré qu’elles ne peuvent garantir à elles seules le maintien de la biodiversité (Archer et al., 2018).

2Au-delà de la désignation d’aires protégées, certains instruments juridiques additionnels ont été adoptés par la communauté internationale pour garantir la durabilité des valeurs patrimoniales de certaines aires protégées. À ce jour (4 septembre 2024), la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel est le traité international le plus ratifié du monde avec 196 États parties et 1 223 biens (répartis dans 168 pays) présentant une Valeur Universelle Exceptionnelle (VUE) et inscrits sur la Liste du patrimoine mondial (UNESCO, 2024). Ces sites sont considérés d’importance environnementale majeure par la Commission du droit international (Hsiao, 2020). Malheureusement, en dépit de toutes ces mesures, on continue d’assister à une régression de la biodiversité amplifiée par une paupérisation des communautés riveraines aux aires protégées (Brondizio et al., 2019 ; WWF, 2020). Plusieurs raisons fondamentales justifient ce constat : la croissance démographique, le développement anarchique et non planifié des territoires, les modes d’utilisation non durables des ressources naturelles, le changement d’occupation des terres, le changement climatique et la multiplication des conflits armés (IUCN, 2021). Entre 1946 et 2010, plus de 70 % des aires protégées d’Afrique subsaharienne chevauchaient avec des zones de conflits armés (Daskin & Pringle, 2018). Depuis le début du XXIe siècle, on observe un regain des conflits (Duffy, 2014), inhibant ainsi des décennies d’efforts de conservation et de développement (Hugon, 2006). Au regard de leur accroissement et de leur intensification en Afrique sub-saharienne, l’analyse des impacts des conflits armés est cruciale pour la gestion des ressources naturelles du continent (Glew & Hudson, 2007). Dans ce contexte, une meilleure compréhension des déterminants des conflits armés est indispensable pour proposer un cadre adaptatif de gouvernance sur la base des modèles existants (Ribot, 2003 ; Dudley, 2008 ; Konrad, 2015). Il importe également de développer des modèles innovants pour permettre aux aires protégées affectées par des conflits armés de continuer à incarner les moteurs du développement durable. Cette synthèse bibliographique a pour objectif de faire un état des connaissances sur les impacts des conflits armés sur les sites naturels du patrimoine mondial en Afrique subsaharienne et sur l’évolution des systèmes de gouvernance au niveau de ces aires protégées.

2. Littérature

2.1. Méthodologie documentaire

3La méthodologie de l’analyse narrative (Rother, 2007) a été utilisée (Tableau 1). D’abord, les recherches documentaires ont été réalisées sur les 24 dernières années (2000-2023) en utilisant l’équation de recherche suivante dans Google Scholar : (gouvernance OR governance) AND (conflit armé OR armed conflict) AND (aire protégée OR protected area OR aire conservée OR conserved area OR patrimoine mondial OR World Heritage) AND (Afrique OR Africa). Le choix de Google scholar se justifie par le fait que le sujet abordé était réputé être traité a priori plus en littérature grise qu’en littérature scientifique. Au total, 4 290 publications en français et en anglais ont été obtenues. Par la suite, les résumés des publications ont été affinés sur la base d’une analyse subjective avec quatre mots clés discriminants.

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4De plus, l’application dans Scopus de l’équation (aire AND protégée OR protected AND area) AND (conflit AND armé OR armed AND conflict) OR (Afrique OR Africa) sur la période 2000 à 2023 a permis d’obtenir 353 documents. Une discrimination de ce résultat en excluant les pays ne faisant pas partie de la zone géographique « Afrique » a permis d’obtenir 62 documents.

5Enfin, des questions spécifiques listées dans le tableau 1 ont permis de guider le choix final des articles pertinents pour ce travail.

6Cette synthèse a été complétée par la documentation disponible sur la page web de l’UNESCO (https://whc.unesco.org/fr/soc/), notamment les rapports d’état de conservation des sites du patrimoine mondial inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial en péril affectés par des conflits armés en Afrique depuis leurs inscriptions jusqu’en 2024.

7Les données ont été traitées et synthétisées en analysant la situation initiale (au moment de l’inscription du site sur la Liste du patrimoine mondial), l’élément perturbateur (qui a entrainé l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial en péril – dans notre cas le conflit armé) et les impacts actuels (difficultés de finaliser un état de conservation souhaité en vue du retrait de l’aire protégée de la Liste du patrimoine mondial en péril).

2.2. Généralités sur les conflits armés et les impacts sur la biodiversité dans des aires protégées africaines

8Les conflits armés se caractérisent par le fait qu’un acteur armé fasse valoir par la force ses intérêts au détriment d’autres acteurs. Nous entendons par acteurs armés des groupes organisés avec des noms officiels ou non et provoquant par différents moyens de l’insécurité (Lhoest et al., 2022). L’insécurité en Afrique est marquée soit par des évènements ponctuels et locaux, soit par de graves incidents historiques, notamment des crises politico-militaires, du terrorisme et des génocides avec des impacts importants sur les efforts de conservation (Hammill et al., 2016). Plus de 90 % des conflits armés majeurs survenus entre 1950 et 2000 à travers le monde se sont déroulés dans des pays abritant une concentration importante de biodiversité (Hanson et al., 2009). Plusieurs aires protégées africaines sont aujourd’hui encore localisées dans des zones de conflits armés anciens ou récents (Tubiana, 2019). Déjà en 2014, l’Afrique comptait presque 12 conflits armés, y compris en dehors des aires protégées (Pettersson & Wallensteen, 2015) et encore 11 conflits armés d’envergure en 20221. Cette incidence significative des conflits armés constitue une menace réelle pour l’atteinte des objectifs de conservation (Hammill et al., 2016). La prolifération des armes issues des conflits est une cause majeure de l'augmentation de la chasse illégale dans des aires protégées, et pas seulement pour les pays directement impliqués dans le conflit, mais aussi pour les pays limitrophes dans lesquels ces armes circulent également (Shambaugh et al., 2001). Même si la diminution de l’efficacité des aires protégées et la perte de la biodiversité qui en découle ont été très peu documentées dans le cas des zones en conflits armés (De Merode et al., 2007 ; Negret et al., 2019), pour Geslin (2011) un lien direct entre les conflits armés et les dégradations environnementales pourrait être établi.

9Les impacts des conflits armés sur les écosystèmes naturels peuvent être directs ou indirects avec des attaques ciblées ou des dommages collatéraux (Hsiao, 2020). L’origine de ces conflits armés remonte aux premières histoires militaires. Ces conflits armés se sont accentués avec le développement de nouvelles technologies (Hanson et al., 2009). Par exemple, les impacts des conflits armés sur les principales aires protégées du Rwanda (réduction des populations de faune aux parcs nationaux des Volcans et de l’Akagera et réduction de 60 % de la superficie initiale du Parc National de l'Akagera) étaient encore perceptibles longtemps après la fin des hostilités (Matthew et al., 2002 ; Plumptre et al., 2012 ; Vande weghe J.P., comm. pers.2). En effet, avant la guerre en 1990, les animaux dominants (Damaliscus korrigum, Equus burchelli, Aepyceros melampus et Taurotragus oryx) au Parc National de l'Akagera (PNA) étaient des espèces transhumant à grande distance. Ce parc se retrouvera dans la ligne de front du conflit rwandais (octobre 1990 à juillet 1994), situation qui entrainera une perte de sa biodiversité faunique estimée entre 90 et 95 % (Vande weghe J.P. et al., comm. pers.). Lors du recensement post-conflit durant les années 2000, la population des Impala (Aepyceros melampus) passera de 30 000-35 000 en 1990 à environ 4 000-5 000 et celle des Sitatunga de 10 000 individus à moins de 200 (Vande weghe J.P., comm. pers.). Par la suite, de 1994 à 2004, le PNA sera envahi par les éleveurs et leurs troupeaux avec pour conséquence directe un empoisonnement des lions et des vautours et la dispersion de la faune relictuaire dans les zones périphériques. Les espèces Diceros bicornis et Panthera leo disparaitront totalement de l’écosystème (Vande weghe J.P., comm. pers). De 2004 à 2010, avec le retour d’une gestion étatique, les éleveurs seront évacués du parc mais les conflits homme-faune vont s’intensifier jusqu’à la signature du partenariat public-privé (PPP) avec African Parks Network en 2010 qui clôturera le parc, à la demande de l’État rwandais, sur 120 km. Les efforts de conservation déployés depuis 2010 confirment en 2020 des densités moyennes de la faune comparables à celles avant le début de la crise en 1990 avec la réintroduction d’une dizaine de lions (Panthera leo) et de vingt-cinq rhinocéros noirs (Diceros bicornis) (Vande weghe J.P., comm. pers.).

10En Afrique centrale, Scholte et al. (2022) ont étudié, de 1960 à 2017, l'évolution des populations de grands herbivores sauvages dans sept aires protégées de savane, dont deux sites du patrimoine mondial (Parc National du Manovo-Gounda St Floris et Parc national de Garamba). Ces derniers ont conclu que non seulement la faune a sérieusement décliné, mais que la base économique du tourisme et de la chasse qui soutenait la conservation a également presque disparu du fait principalement d’une réduction des contributions en matière de conservation, d’une diminution des avantages socio-économiques et de la menace sécuritaire.

11Sur le même sujet concernant les liens entre conflits et réduction de la biodiversité, l’analyse des rapports de l’état de conservation publiés par l’UNESCO de 2003 à 2017 montre que la crise politico-militaire de 2002 à 2007 en Côte d’Ivoire a provoqué au niveau du Parc national de la Comoé (PNC) en Côte d’Ivoire une réduction inquiétante des effectifs des espèces phares comme l’éléphant, le chimpanzé et le lion, du fait principal du braconnage. De 2008 à 2015, les mécanismes de gestion ont été rétablis progressivement par l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) avec l’implication des autorités traditionnelles. Dans ce contexte, des caméras-pièges installées dans le PNC (en zone sud-ouest) ont enregistré 771 vidéos de chimpanzés et 71 vidéos d’éléphants. En revanche, le lion n'a pas pu être observé au moment du retrait du bien de la Liste du patrimoine mondial en péril en 2017 et toujours aucune observation scientifique de cette espèce n'a été enregistrée jusqu'en 2023.

12Toutefois, d’autres auteurs estiment que, bien que les conflits armés impactent négativement les efforts de conservation, des effets positifs sur la biodiversité peuvent paradoxalement parfois être documentés (McNeely, 2003 ; Daskin & Pringle, 2018). Citons, par exemple, la végétation et la faune qui peuvent à nouveau se développer dans des zones où l'accès aux personnes est limité, comme les zones démilitarisées négociées ou imposées aux parties (Matthew et al., 2002 ; Solomon et al., 2018). Cependant, même si des aires protégées peuvent toujours fournir des services écosystémiques et maintenir la fonctionnalité écologique des écosystèmes pendant les conflits armés grâce à une protection accrue et militarisée (De Merode et al., 2007), il est évident que le cout économique et humain des opérations est insupportable sur le long terme.

13D’autres auteurs s’accordent sur le fait qu'ignorer le risque des conflits armés entrainerait un faible retour sur investissement pour la conservation des aires protégées (Hugon, 2006 ; De Merode et al., 2007 ; Hammill et al., 2016 ; Tubiana, 2019). Par exemple, le Parc national de Waza au Cameroun, qui était le plus visité d’Afrique centrale (jusqu’à 7 000 touristes par an) dans les années 1970 à 1990, a enregistré respectivement 10 et 11 visiteurs en 2019 et 2020 à cause de la dégradation drastique du contexte sécuritaire engendrée par la secte Boko Haram au Nigéria à la fin des années 2000 (Doumenge et al., 2021). De plus, l'analyse des priorités spatiales entreprise par Williams et al. (2022) dans les aires protégées de l'est de la République démocratique du Congo a révélé que les stratégies de conservation qui évitent d'aborder les menaces telles que les conflits armés ignorent d’importantes opportunités pour la conservation de la biodiversité. L'option consistant à ne pas intervenir comporte le risque d'une dégradation rapide des valeurs écologiques et patrimoniales de ces sites, jusqu'à un point tel qu'aucune restauration ne sera possible en temps de paix et de stabilité (Debonnet & Hillman-Smith, 2004). Enfin, les impacts des conflits armés sur l'environnement et les communautés dépendent également dans une large mesure du type, de l'intensité et de la durée du conflit (Shambaugh et al., 2001). La conservation de la biodiversité des aires protégées dans les zones de conflits armés reste donc un défi majeur, d’autant que ces conflits entrent en écho avec la militarisation de la conservation associée aux formes modernes d’aires protégées en Afrique, les deux phénomènes s’entre-répondant.

2.3. État de conservation des sites naturels africains du patrimoine mondial situés en zone de conflits armés en 2023

14Plusieurs statuts de conservation et de protection internationaux sont conférés aux aires protégées et le plus prestigieux – au regard de l’exigence des procédures d’inscription et du mécanisme de suivi des sites – demeure celui du patrimoine mondial3. Les biens naturels inscrits sur la Liste du patrimoine mondial bénéficient d’une large attention de la part de la communauté internationale et sont placés au sommet de la pyramide en termes de protection et de soutiens financiers internationaux pour la conservation. À ce jour (4 septembre 2024), la région « Afrique4 » dispose de 42 sites naturels, soit environ 18 % du total des 231 biens naturels inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. Sur les 15 sites naturels inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril au niveau mondial, 10 sites naturels sont situés en Afrique, comptant pour près de 70 % de cette catégorie. Les raisons sont diverses mais les conflits armés apparaissent comme la première cause de classement dans cette catégorie (Tableau 2).

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15La figure 1 présente la répartition des sites naturels africains du patrimoine mondial (en vert), la localisation des sites étudiés dans cette contribution (en rouge), ainsi que les sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril pour une autre cause que le conflit armé (en orange). Les autres aires protégées du continent africain sont également présentées en gris.

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Figure 1. Localisation des sites naturels du patrimoine mondial (en vert) inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril (en orange) et situés en zone de conflits armés (en rouge). Les autres aires protégées du continent africain sont présentées en gris — Location of natural World Heritage Sites (in green), those that are on the List of World Heritage in Danger (in orange), and sites in zones of armed conflict (in red). The other protected areas on the African continent are shown in grey.

Source : WDPA database, 06/2024.

16Le tableau 2 révèle que principalement plus d'un site naturel sur deux du patrimoine mondial est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril à cause de conflits armés. Ce ratio est plus élevé quand on considère les sites naturels africains du patrimoine mondial affectés par des conflits armés et qui sont susceptibles d’être inscrits à l’avenir sur la Liste du patrimoine mondial en péril (exemple du Complexe W-Arly-Pendjari [Bénin, Burkina Faso et Niger], voir encadré en annexe 1). Au fil des années après leur inscription sur la Liste en péril, l’analyse approfondie des rapports d’état de conservation des sites naturels du patrimoine mondial affectés par les conflits armés et des rapports de mission de suivi réactif de 1978 à 2024 montre une dégradation de la gestion au niveau de ces aires protégées et une accentuation de l’exploitation illégale des ressources naturelles, entrainant des pertes de biodiversité et en vies humaines.

17A contrario, une pacification des zones de conflits abritant les sites naturels africains du patrimoine mondial combinée aux efforts de gestion entrainent le retrait des sites naturels de la Liste en péril en moyenne sept ans après l’arrêt des hostilités. Le tableau 3 illustre l’évolution du contexte sécuritaire et le retrait définitif des deux seuls sites naturels africains ayant été retirés définitivement de la Liste en péril après des conflits armés.

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18L’analyse des rapports UNESCO sur les deux aires protégées ayant été retirées définitivement de la Liste du patrimoine en péril (Tableau 35) nous permet d’affirmer que ces succès auraient été favorisés par différents facteurs tels que le rétablissement d'un environnement de paix, l'engagement des décideurs des services décentralisés, la mobilisation des partenaires techniques et financiers, l'engagement des communautés et enfin la mise en place d'un cadre méthodique de rapportage sur l'état de conservation de l’aire protégée.

19En 2024, six sites naturels africains demeurent toujours inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril à cause des conflits armés (voir Annexe 2). La brève description qui va suivre du contexte sécuritaire des sites inscrits dans la catégorie en péril permet d’apprécier la complexité des enjeux de conflictualité, de conservation et de développement ainsi que les déterminants du conflit selon Rechciński et al. (2019) :

20– Réserves naturelles de l'Aïr et du Ténéré (Niger) : le site est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril depuis 1992 à la demande du pays à cause des troubles civils dans la région. Depuis la crise armée qui affecta le nord du Niger de 2006 à 2008 avec l’attaque revendiquée par le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ), la situation sécuritaire demeure volatile dans cette région et la pression du braconnage reste très forte sur le territoire du bien encore en 2023. L’orpaillage illégal demeure une importante cause de l’insécurité dans la zone.

21—Parc National des Virunga (République démocratique du Congo) : l’aire protégée est inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en péril depuis 1994. La situation sécuritaire s'est à nouveau dégradée récemment et deux groupes rebelles, M23 et FDLR, opèrent dans la zone du parc, compliquant sa gestion. L’UNESCO a régulièrement déploré la poursuite de ce conflit armé et les pertes en vie de membres du personnel tués dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que de membres des communautés locales6;

22– Parc National de Kahuzi-Biega (République démocratique du Congo) : ce parc est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril depuis 1997. Plus d’une cinquantaine de groupes armés ont opéré dans et autour du parc et étaient impliqués dans le trafic illicite des ressources naturelles ces 25 dernières années. Quinze groupes armés continuaient d’opérer à proximité de ce parc en 2020 selon les informations du Kivu Security Tracker (Simpson & Pellegrini, 2023). Avec l’organisation des patrouilles de surveillance et les opérations de ratissages organisées entre 2018 et 2021, une amélioration significative de la sécurité a été observée, rendant possible dès 2019 la mise en œuvre des activités de conservation sur l’ensemble des sept secteurs du bien et la neutralisation des Mai-Mai, des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et des miliciens Nyatura. En 2024, des groupes organisés en tribu et affiliés aux groupes Maï-Maï ou FDLR continuent d’être actifs dans cette zone. Un écogarde est d’ailleurs mort le 6 juillet dernier à la suite d’une nouvelle attaque ;

23– Parc National de la Garamba (République démocratique du Congo) : ce site fut retiré de la Liste du patrimoine mondial en péril en 1992 avant d’y être inscrit à nouveau en 1996 jusqu’à aujourd’hui. L'Armée de Résistance du Seigneur (LRA, Lord Resistance Army) a fait des ravages au sein de cette aire protégée avec la destruction du siège du parc à Nagero en 2009 (en faisant 10 morts). Avant le début du conflit armé (en 1996), la population d'éléphants dans ce site était estimée à plus de 11 000 individus, contre moins de 1 000 individus en 2022 (UNESCO, 2021). Ce conflit a également engendré l’extinction à l'état sauvage du rhinocéros blanc avec l’absence d’indices de présence depuis 2008. Plus aucun groupe armé n’est compté à l’intérieur du parc en 2023 ;

24– Réserve de Faune à Okapis (République démocratique du Congo) : ce parc est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril depuis 1997. Déjà en 1997, en période intense de guerre, l’intégrité du site était gravement menacée par l’occupation à différents moments des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et des groupes rebelles. En juin 2012, le quartier général du site a été attaqué, avec au moins sept employés du parc tués, la destruction des infrastructures et le massacre de 14 okapis qui vivaient à la station d’élevage d’Epulu. L’attaque meurtrière du 17 septembre 2020 au niveau du poste d'Adusa à l’entrée de la Réserve a entrainé l’assassinat de deux employés de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature7. Le 18 juin dernier, un éco-garde a été tué dans une attaque armée à environ 50 km à l'ouest du Quartier général du parc à Epulu. L’insécurité persiste dans cette région avec le développement de l'exploitation minière aurifère illégale sur le territoire du parc.

25– Parc National du Manovo-Gounda St Floris (République centrafricaine) : ce parc situé dans la zone nord-est de la République Centrafricaine a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril en 1997. C’est de cette région qu’est partie en 2012 la rébellion « Seleka » et, le 10 décembre de la même année, la base de Manovo a été attaquée par ce groupe armé. En 2023, le contexte sécuritaire demeure précaire du fait de la circulation des armes à la suite de la crise politico-militaire de 2012 combinée à une militarisation des transhumants. Le Comité du patrimoine mondial a accordé un délai de quatre ans (jusqu’en 2023) à l’État partie afin de démontrer s’il est possible de restaurer l’intégrité du bien. Depuis 2018, ce bien bénéficie de l’appui de l’ONG WCS et l’état de conservation globale s’améliore progressivement (Houehounha et al., 2024).

26L’année 1997 a été critique pour les sites naturels du continent avec trois inscriptions (Parc national du Manovo-Gounda-St.Floris, Réserve de faune à Okapis et Parc national de Kahuzi-Biega) sur la Liste du patrimoine mondial en péril.

27Le tableau 4 résume la situation sécuritaire au niveau des six aires protégées susmentionnées en lien avec l’impact de ce changement structurel sur les principales espèces animales caractéristiques de l’exceptionnalité des sites ainsi que sur les systèmes de gouvernance.

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28Il ressort de cette énumération que tous les conflits armés dans les sites naturels du patrimoine mondial en péril émanent d’une combinaison de deux principaux déterminants (i) institutionnels/politiques (avec des systèmes politiques nationaux répressifs ou fragiles) et (ii) socio-culturels (inégalités sociales). Ils sont menés par des acteurs armés structurés portés d’abord par des idéaux politiques, sociaux, religieux qui par la suite s’orientent vers d’autres considérations économiques. L’implication de ces groupes armés dans l’exploitation illégale des ressources naturelles, notamment le braconnage et l’exploitation minière artisanale, est perceptible. À l’est de la République démocratique du Congo particulièrement, l’exploitation minière illégale a évolué parallèlement avec l’expansion des conflits armés qui affectaient les aires protégées (Williams et al., 2022).

29Au-delà de l’extinction d’espèces animales (rhinocéros blanc au Parc National de la Garamba) ou de la réduction drastique des effectifs fauniques, ces conflits armés ont engendré au cours des années des pertes de vies humaines considérables parmi les écogardes au cours des patrouilles et au sein des communautés riveraines (Simpson & Pellegrini, 2023). Ces conflits armés sont d’autant plus complexes qu’ils induisent des changements (souvent non planifiés) dans les systèmes de gouvernance et de gestion des aires protégées. Au regard donc de l’ampleur des conflits armés qui affectent les sites naturels du patrimoine mondial, une meilleure compréhension des déterminants favorables à leur apparition permettrait de mettre en place des processus opérationnels et efficaces de prévention face à une dégradation du contexte sécuritaire.

2.4. Principaux déterminants favorables à l’apparition des conflits armés dans les sites naturels du patrimoine mondial en Afrique

30Il y a quelques décennies, les ressources naturelles étaient considérées comme des biens contrôlés par le pouvoir étatique central au détriment des communautés locales et au profit des puissances coloniales ou post-coloniales (Borrini-Feyerabend & Sandwith, 2003). Depuis les années 1980 et 1990, et progressivement, cette perception a évolué timidement vers un modèle qui vise à inclure les communautés dans la préservation du patrimoine naturel (Adams & Hulme, 2001 ; Larson & Soto, 2008). L’Afrique ayant connu une « décolonisation en trompe-l’œil » (Dozon, 2006), aujourd’hui encore, les processus décisionnels au niveau des aires protégées n’intègrent pas, peu ou mal les étapes de prises de décisions décrites par Mukherjee et al. (2018). Pour ces derniers auteurs, un cycle chronologique en trois phases est nécessaire pour une prise de décision avisée. Il s’agit de la pré-décision qui consiste en une meilleure compréhension des enjeux et perspectives qui peuvent être utiles pour prendre des décisions ultérieures. Ensuite, la décision elle-même fait référence au processus réel d'engagement des parties prenantes pertinentes pour atteindre un consensus. Enfin, l’après-décision permet d’obtenir des commentaires sur une intervention de gestion déjà en place ou à évaluer l'impact d'une politique existante. Dans de nombreux cas, les antécédents du passé n’ayant pas été proprement considérés, ils alimentent aujourd’hui des conflits armés auxquels sont venus se surimposer l’extrémisme violent et des enjeux socio-économiques de développement. Par exemple, les conflits armés dans la région de Rwenzori (Ouganda) ont été causés par divers facteurs tels que l'impact du passé colonial, les différends ethniques/culturels, la pénurie de terres, la propriété coutumière des ressources, la pression démographique et la pauvreté (Gitta, 2016). Dans un tel contexte, il peut s’avérer utopique d’espérer disposer d’aires protégées exemptes de conflits au regard des conditions politiques et historiques qui ont souvent prévalu à leur création (De Blas et al., 2011) et des impératifs actuels de développement économique. Il est cependant important de souligner que l’existence des aires protégées étudiées n’est pas directement à l’origine de l’émergence d’un conflit armé, même si elles subissent largement les impacts des conflits armés aux origines nationale, sous-régionale et internationale (Figure 2).

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Figure 2. Cadre conceptuel pour l’analyse des conflits armés affectant les aires protégées sur la base de l’adaptation du cadre conceptuel de Rechciński et al. (2019) — Conceptual framework for analyzing armed conflicts impacting Protected Areas, adapted from the Rechciński et al. (2019) framework.

31En outre, le narratif selon lequel l’exploitation des ressources naturelles est la principale des causes contribuant à la multiplication des conflits armés en Afrique est largement discuté (Hanson et al., 2009 ; Tubiana, 2019). Les ressources naturelles minières, pétrolières et gazières contribuent en tout cas à la persistance des conflits armés et selon Hugon (2009), elles attireraient des convoitises en raison de leur rareté, même s’il n’existerait pas de déterminisme établi entre l’occurrence des conflits armés et l’abondance des ressources naturelles dans un territoire donné. Avec l’émergence des conflits armés combinant des déterminants politiques, socio-culturels et religieux, notamment en Afrique de l’Ouest, les interventions efficaces pour mettre fin aux conflits armés ne relèvent pas de recettes et ne peuvent être généralisées à tous les contextes ; elles doivent être adaptées spécifiquement à la situation locale. La dépendance des acteurs envers les ressources naturelles protégées influence fortement les résultats des actions proposées pour mettre fin aux conflits (Morrison et al., 2020). Par exemple, pour le Parc National de la Comoé en Côte d’Ivoire, l’Office Ivoirien des Parcs et Réserves a mis en œuvre dans son réseau d’aires protégées une stratégie de développement local avec les communautés bénéficiaires et les autres partenaires au développement. L’opérationnalisation de cette disposition s’est faite par le biais des Associations Villageoises de Conservation et de Développement (AVCD) mises en place dans environ 25 villages riverains du bien. Dès 2013, les communautés ont été impliquées dans environ 20 % des patrouilles de surveillance.

32Selon notre analyse, la compréhension de l’origine et des fondements des conflits armés qui impactent les sites naturels du patrimoine implique souvent une combinaison de plusieurs facteurs (Figure 2), notamment institutionnels/politiques, socio-religieux, économiques, environnementaux et psychologiques, avec des répercussions sur les différents systèmes de gouvernance en place. Les sites naturels du patrimoine mondial situés à l’est de la République démocratique du Congo ont été affectés par les conflits armés depuis 1990 et une guerre civile (1996 à 2003) qui continue jusqu’en 2023 (Williams et al., 2022).

2.5. La gouvernance des sites naturels du patrimoine mondial situés en zones de conflits armés en Afrique

33Quatre types de gouvernance se basant sur le principal acteur ou l’entité gouvernante sont globalement reconnus : la gouvernance par l’État, la gouvernance partagée, la gouvernance privée et la gouvernance par des peuples autochtones et des communautés locales (Dudley, 2008 ; Borrini-Feyerabend et al., 2014 ; Worboys et al., 2015 ; Bennett & Satterfield, 2018). Notons que cette classification masque parfois des situations hybrides, avec notamment une gouvernance en théorie menée par l’État mais en pratique aux mains d’ONG internationales.

34Depuis l'indépendance, la gouvernance des aires protégées par l’État est majoritairement répandue en Afrique subsaharienne (Borrini-Feyerabend et al., 2014). En Afrique centrale, la gouvernance étatique était le principal modèle jusqu’en 1990 avec une absence de PPP et d’administration d’aires protégées sous une gouvernance communautaire (Mayen Ndiong et al., 2021 in Doumenge et al., 2021). Cette prédominance trouve principalement son fondement dans le passé colonial du continent. Même si des formes de conservation informelle et d'utilisation durable des ressources naturelles ont été pratiquées par les communautés pendant des siècles, les approches visant à introduire des mesures formelles de conservation ont été prises fin du XIXe siècle durant la période des régimes coloniaux européens (DeGeorges & Reilly, 2009). Aux côtés de ce modèle principal, on trouve aujourd’hui, bien qu’encore timidement sur le continent, certaines aires protégées gouvernées formellement par des peuples autochtones et des communautés locales (Ribot et al., 2010). Par exemple, Uibasen Twyfelfontein Conservancy est l’une des toutes premières conservancies établies en Namibie en 1999 où la principale institution de gouvernance est locale (Mosimane & Silva, 2015). Cette gouvernance repose en théorie sur la base de principes démocratiques afin de garantir la durabilité des efforts de conservation tout en satisfaisant les besoins actuels des communautés (Kellert et al., 2000 ; Mohan & Stokke, 2000 ; Matose & Watts, 2010). Même si les aires protégées gouvernées par des peuples autochtones et des communautés locales ou des entités privées demeurent largement épargnées par les conflits armés sur le continent ou sont plus résilientes aux incursions armées (Hsiao, 2020), ces types de gouvernance demeurent moins répandus (Borrini-Feyerabend et al., 2014). L’Afrique centrale compte seulement la réserve naturelle de Tayna et celle de Kisimba Ikobo en République démocratique du Congo qui relèvent d’un mode de gouvernance communautaire et le parc de la Lékédi (Gabon) d’une gouvernance privée (Mayen Ndiong et al., 2021 in Doumenge et al., 2021). La plupart des aires et systèmes protégés sont régis par des gouvernements avec des mécanismes complexes impliquant diverses entités ayant parfois des mandats ambigus et des intérêts divergents voire conflictuels (Borrini-Feyerabend et al., 2013 ; Worboys et al., 2015). Ceci n’empêche pas que certaines aires protégées combinent les caractéristiques de plusieurs types de gouvernance avec des dispositions décisionnelles dynamiques (Borrini-Feyerabend et al., 2014), d’où la nécessité de disposer d’une représentation cartographique annuelle actualisée des systèmes de gouvernance pour documenter efficacement leur évolution au fil du temps sur le continent (Lindsey et al., 2021), cartographie encore non disponible à l’heure d’écrire ces lignes.

35De l’analyse des sites naturels inscrits au patrimoine mondial situés en zone de conflits armés en Afrique, il ressort clairement que ces derniers étaient tous régis par l’État au moment de leur inscription. Il faudra attendre les années 2000 pour observer une transition progressive vers « une forme de gouvernance partagée dominée par l’État ». Par le biais des PPP et des modèles de cogestion, des organisations internationales de conservation sont impliquées officiellement et avec mandat dans les processus décisionnels et la gestion effective de plusieurs sites naturels du patrimoine mondial. Sur la base des rapports fournis périodiquement par les pays sur l’état de conservation des différents sites du patrimoine mondial, le tableau 5 présente une synthèse des principales entités impliquées dans la gestion des sites naturels du patrimoine mondial situés dans des zones de conflits armés en Afrique subsaharienne.

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36De plus en plus de sites du patrimoine mondial inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril pour cause de conflit armé ou situés en zone de conflit armé sont gérés en 2023 à travers un modèle PPP.

37Cette délégation contribue en principe à mobiliser davantage de moyens humains et financiers pour la gestion des conflits armés et de leurs impacts sur les écosystèmes. Cependant, il serait hâtif de conclure que c’est l’approche PPP qui doit être privilégiée pour atteindre un état de conservation souhaité en vue du retrait d’un site de la Liste du patrimoine mondial en péril. En effet, au cours de la période de l’étude (2000-2023), les sites du patrimoine mondial affectés par des conflits armés en Afrique ayant pu être retirés de la Liste du patrimoine mondial en péril étaient régis essentiellement par une gouvernance par l’État (Monts Rwenzori en Ouganda et Parc National de la Comoé en Côte d’Ivoire). Ces changements structurels observés au niveau des aires protégées doivent être évalués en lien avec le contexte sécuritaire et, si possible, améliorés afin de mieux servir la conservation et avoir un impact plus équitable sur les moyens de subsistance.

3. Conclusions

38Les tendances décrites dans la littérature évoquent un accroissement des conflits armés en Afrique (Tubiana, 2019) et à l’issue de cette synthèse, il ressort que l’existence des aires protégées étudiées n’est pas directement à l’origine de l’émergence des conflits armés et qu’avec l’émergence des conflits armés combinant des déterminants politiques, socio-culturels et surtout religieux, les interventions efficaces pour mettre fin aux conflits armés ne sont pas généralisables. Similairement aux autres enjeux sociétaux, la préservation du patrimoine naturel et le renforcement de la résilience des communautés en zones de conflits armés demeurent très complexes et spécifiques à chaque contexte (Hanson et al., 2009). Le succès de la conservation dans des situations de conflits armés nécessite surtout des systèmes de gouvernance adaptée. En 2024, six sites naturels du patrimoine mondial sont toujours inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril pour des raisons d’insécurité et ces statistiques pourraient évoluer dans les prochaines années avec l’inscription de nouveaux sites au regard du contexte sécuritaire volatile en Afrique de l’Ouest. Dans ce contexte, on observe un changement structurel des systèmes formels de gouvernance au niveau de ces sites naturels du patrimoine mondial : d’une gouvernance par l’État à une gouvernance partagée impliquant des organisations de conservation. En revanche, les modèles de partenariats public-privé (PPP) sont encore trop récents pour évaluer leur efficacité face à des conflits armés eux aussi émergents issus de déterminants politico-religieux. Pour de futures recherches, nous suggérons donc que les thématiques suivantes soient prioritairement abordées : (i) l’analyse des déterminants politico-religieux à l’origine des conflits armés contemporains qui affectent des aires protégées en Afrique et (ii) les facteurs qui limitent la résolution des conflits armés affectant les sites naturels du patrimoine mondial en Afrique en vue de proposer des pistes pratiques de solutions pour accroître la performance de la conservation et le développement socio-économique des communautés locales.

Remerciements

39Les auteurs remercient le consortium ERAIFT/AGRINATURA/EU, l’UNESCO, l’ULiège ainsi que tous les acteurs impliqués dans la gestion durable des différentes aires protégées.

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Notes

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2 Livre en cours de préparation par Vande weghe J.P. &Vande weghe G.R. Rwanda. 2. Akagera savannah and marshes. Kigali : Illumue, 312 pages.

3 Le Paragraphe 49 des Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial stipule que « la valeur universelle exceptionnelle signifie une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité. À ce titre, la protection permanente de ce patrimoine est de la plus haute importance pour la communauté internationale toute entière ».

4 La région « Afrique » correspond au sens de l’UNESCO à l’Afrique subsaharienne et n’intègre pas l’Afrique du Nord (appelée région États arabes).

5 Le Parc National de la Garamba (République démocratique du Congo) ne figure pas dans le tableau 3 car bien que ce site ait été retiré de la Liste du patrimoine mondial en péril en 1992 (1984 -1992), il y a été inscrit à nouveau en 1996 et ce jusqu’à aujourd’hui, après le braconnage de deux rhinocéros blancs en avril 1996. De même, le Parc national de la Salonga (République démocratique du Congo) n’est pas intégré à ce tableau car ce site est localisé au centre de la République démocratique du Congo et sa position géographique l’a préservé des impacts des conflits armés dans l’est du pays. Cependant, les problèmes de gestion et d’exploitation illégale des ressources naturelles (braconnage et empiétements illégaux) ont conduit le Comité du patrimoine mondial à inscrire ce site sur la Liste du patrimoine mondial en péril en 1999. En 2011, des bandes armées se sont installées dans certaines parties du parc et de sa périphérie. Dans ce contexte, les deux phases de l’opération militaire de ratissage dénommée « opération Bonobo » achevées en 2016, ont permis de rétablir la sécurité sur ce site. Il sera retiré 22 ans plus tard en 2021 de la Liste du patrimoine mondial en péril lors de la 44e session du Comité du patrimoine mondial.

6 Le 24 décembre 2022, les gardes du Parc National des Virunga ont été victimes d’une nouvelle attaque faisant deux morts et un blessé selon l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN). En aout 2022, une attaque à l’artillerie a ciblé le chantier d’une centrale hydroélectrique du parc (https://virunga.org/news/hydropower-station-attack/). Le 10 janvier 2021, les gardes du Parc National des Virunga ont été pris en embuscade alors qu'ils patrouillaient à l'intérieur du parc (https://fr.unesco.org/news/lunesco-condamne-nouvelle-attaque-meurtriere-au-parc-national-virunga-republique-democratique), six gardes ont été tués et un gravement blessé (http://whc.unesco.org/fr/actualites/2235). Le 24 avril 2020, 17 personnes (13 gardes/employés et quatre civils) ont été tuées dans une attaque de la milice (https://whc.unesco.org/fr/actualites/2108). Le 24 juin 2020, cinq gardes ont été blessés dans une autre attaque (http://whc.unesco.org/fr/actualites/2128). Le 28 juillet 2020, sept soldats ont été tués (https://whc.unesco.org/fr/actualites/2138/). L'UNESCO a officiellement condamné toutes ces attaques meurtrières (https://whc.unesco.org/fr/actualites/2235/).

7 https://www.unesco.org/fr/articles/lunesco-condamne-le-meurtre-de-deux-gardes-de-la-reserve-de-faune-okapis-patrimoine-mondial-de

Pour citer cet article

Dodé H.M. Houehounha, Simon Lhoest, Jean Hugé & Cédric Vermeulen, «Conflits armés et gouvernance des sites naturels du patrimoine mondial en Afrique (synthèse bibliographique)», BASE [En ligne], Volume 28 (2024), Numéro 3, 113-130 URL : https://popups.uliege.be/1780-4507/index.php?id=20855.