L’impact d’un Système Public d’Information sur l’intégration et l’efficacité des marchés : une application du modèle « Parity Bounds » au cas du maïs au Bénin
Université d’Abomey-Calavi. Faculté des Sciences Agronomiques (FSA). BP 1471. Calavi (Bénin). E-mail : kpenavoun@yahoo.fr
Université d’Abomey-Calavi. Faculté des Sciences Agronomiques (FSA). 01 BP 526. Cotonou (Bénin).
Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).
Reçu le 24 novembre 2011, accepté le 23 janvier 2013
Résumé
Durant les années 1990, les réformes des marchés agricoles ont été au centre des efforts de libéralisation dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne. Les gouvernements de ces pays ont alors réduit leur intervention dans la commercialisation des produits agricoles. Le Système Public d’Information sur les Marchés (SPIM) a été l’une des plus importantes institutions du marché qui a accompagné ces réformes. De grands impacts positifs sont attendus de ces changements, mais peu de travaux d’évaluation empirique et quantitative existent à ce sujet. Cet article se propose d’analyser l’impact du SPIM sur l’efficacité du marché de maïs au Bénin, la céréale la plus produite et la plus échangée sur le marché intérieur et sous-régional. Les analyses sont réalisées principalement avec le modèle « Parity Bounds ». Cette méthode a l’avantage de pouvoir quantifier dans le temps, en tenant compte de l’évolution des différentes réformes agricoles mises en œuvre, les taux d’efficacité et d’intégration spatiales des marchés, d’autarcie, d’opportunités profitables et de violation des conditions d’arbitrage des marchés. Les résultats obtenus montrent que l’information et la formation n’ont pas bien accompagné la mise en œuvre du SPIM. Ainsi, le SPIM n’a pas pu améliorer significativement le degré d’intégration spatiale des marchés, bien qu’il ait créé des opportunités commerciales assez sous-exploitées. Les résultats montrent aussi que l’impact du SPIM est limité par des défaillances relatives aux barrières d’entrée au marché et par la collusion des commerçants. D’où l’importance non seulement d’adapter le SPIM aux besoins des petits producteurs et commerçants, en leur permettant d’avoir un accès à l’information fiable afin de mieux exploiter les opportunités du marché créées par les réformes, mais aussi de réduire les barrières physiques d’accès aux marchés et la collusion des commerçants.
Abstract
Measuring the impact of Public Market Information Systems on market integration and efficiency: an application of the Parity Bounds Model in maize markets in Benin. During the 1990s, agricultural market reforms prevailed within the economic liberalization undertaken in many sub-Saharan countries. In these countries, government intervention in the commodity markets through marketing boards or parastatal organizations was abandoned in favor of new market reforms. Public Market Information Systems (PMIS) thus emerged as part of these reforms. Even though great positive impacts were expected from these reforms, little empirical work has been carried out to evaluate their effects. This article investigates how PMIS has affected the market performance of maize, a major staple food crop in Benin. We use a modified version of the Parity Bounds Model (PBM). This method allows the estimation of the rates of spatial market efficiency or integration, but also the estimation of the rates of market arbitrage, autarky, profitable opportunities and the violation of market arbitrage conditions. Results showed that Benin’s agricultural sector suffered from a lack of quality training in how to follow the government-supported market information system implemented in the early 1990s. Subsequently, PMIS did not significantly improve the degree of market integration, although the reforms did induce new marketing opportunities. Results also showed that the impact of PMIS is limited by other market imperfections, such as entry barriers for non-residents or for persons not in local informal trade organizations, and the non-transparent enforcement of formal regulations. This study therefore recommends the implementation of more efficiency-raising policies in order to encourage competition and to allow PMIS to fulfill the expectations of farmers and consumers. Improving food producers and traders’ access to reliable information will allow them to better exploit the market opportunities induced by the reforms.
1. Introduction
1Dans les pays d’Afrique sub-saharienne, les risques liés aux activités commerciales (offre dispersée et irrégulière, fluctuation de la demande, état défectueux des routes, manque d’informations sur la disponibilité des produits et sur le niveau des prix, etc.) sont très élevés. De plus, les institutions de gestion de l’information sur les marchés sont le plus souvent absentes ou incomplètes. Les couts de transaction dans ces conditions sont considérables. Pour encourager la commercialisation des produits agricoles alimentaires, les gouvernements soutiennent la création d’institutions visant à réduire ces couts de transaction. Les Systèmes d’Information sur le Marché (SIM) occupent une place importante parmi ces institutions.
2L’existence d’informations sur les prix, la qualité, l’offre et la demande du marché de manière fiable et accessible à tous les acteurs est jugée utile pour assurer un meilleur environnement du marché et équilibrer les pouvoirs des différents acteurs. Selon Shepherd (1997), une meilleure information est susceptible d’aider les agriculteurs à mieux planifier leur production en fonction de la demande, à organiser leurs récoltes et stockages de façon à les faire coïncider avec les époques les plus favorables à la vente, à choisir les marchés auxquels ils destinent leurs produits et à négocier avec les intermédiaires en meilleure connaissance de cause. Les SIM doivent permettre de réduire l’écart entre le prix payé par le consommateur et le prix payé au producteur, engendrant ainsi un élargissement de la demande et une augmentation de la production (Galtier, 2002). En améliorant l’allocation des ressources par une meilleure connexion entre zones déficitaires et excédentaires, les SIM contribuent à l’intégration et à l’efficacité spatiales des marchés agricoles (Goodwin et al., 1991). On peut considérer que les SIM concourent à la transparence des marchés, à leur régulation et à la réduction des couts de transaction (Egg et al., 1996).
3La mise en œuvre des SIM est censée améliorer les niveaux d’intégration et d’efficacité des marchés parce que davantage d’opportunités profitables à l’arbitrage spatial sont créées et exploitées, indépendamment de l’existence ou non des flux commerciaux physiques entre des marchés. Les SIM ont été mis en œuvre dans divers pays.
4Au Bénin, depuis 1989, la FAO a mis en place un Système Public d’Information sur les Marchés (SPIM), communément appelé Système d’Information et d’Alerte Rapide (SIAR). Ce système a aussi bénéficié de l’appui financier du Service Allemand de Développement (DED) et de divers programmes de promotion des produits agricoles. Le SPIM combine deux fonctions essentielles, à savoir : le suivi de l’évolution de la campagne agricole et le suivi du fonctionnement des marchés (prix des produits et flux). Le maïs, le mil/sorgho, le riz local et importé, la farine de blé, les tubercules d’igname, les cossettes d’igname et de manioc, le gari, l’haricot, l’arachide sont les produits agro-alimentaires concernés par le SPIM. Ce dispositif d’information utilise quatre moyens principaux : la diffusion hebdomadaire par la radio des prix, l’affichage des prix de trois produits locaux sur des tableaux dans les places de marchés, la publication d’un bulletin mensuel de huit pages qui présente, au niveau de chaque département, l’évolution de la campagne agricole et l’analyse des niveaux de prix, et récemment la réception des informations sur les prix sur demande par SMS (Short Message Service en anglais).
5On attendait d’importants effets du fonctionnement des SPIM au Bénin, notamment une amélioration de l’intégration et de l’efficacité des marchés de produits agro-alimentaires, mais peu de travaux ont été conduits pour le confirmer de manière empirique et quantitative. Les études réalisées ont concerné l’analyse du marché de produits agro-alimentaires – communément appelés produits vivriers – dans la perspective du développement agricole au Bénin (Fafchamps et al., 2006).
6L’étude de Adegbidi et al. (2003) est une évaluation globale de toutes les politiques mises en place depuis la libéralisation des marchés agricoles au Bénin. En appliquant la cointégration multiple de Johansen avec des données collectées entre 2001 et 2002, les auteurs ont montré que les marchés sont intégrés à long terme, mais que la vitesse d’ajustement ne s’est pas améliorée au cours de la période post-réforme. Ils ont donc conclu que les politiques de libéralisation n’ont pas affecté de manière significative l’intégration du marché du maïs et ont prôné des mesures pour renforcer la concurrence sur le marché. L’étude de Pede et al. (2008) a seulement cherché à mesurer l’efficacité du marché du maïs dans la partie sud du Bénin, ce qui ne constitue pas une réelle évaluation du SPIM.
7Cet article est une contribution pour combler l’absence d’évaluation empirique et quantitative du SPIM au Bénin. Il résulte d’une étude visant à cerner l’amélioration de l’intégration et de l’efficacité des marchés des produits agro-alimentaires au cours de la période 1992-2007, postérieure à la mise en œuvre du SPIM. L’intérêt principal de ce document réside dans le rôle potentiel des SPIM dans la planification des différents acteurs de la filière maïs au Bénin. Il est renforcé par le recours au modèle « Parity Bounds Amélioré » pour évaluer l’impact du SPIM.
2. Matériel et méthodes de recherche
2.1. Outils d’analyse de l’efficacité et de l’intégration des marchés agricoles
8Il convient d’abord de préciser les nuances entre les concepts d’intégration et d’efficacité des marchés. Selon Barrett et al. (2002), l’efficacité spatiale des marchés est un état d’équilibre dans lequel toutes les opportunités profitables à l’arbitrage spatial sont exploitées, indépendamment de l’existence ou non des flux commerciaux physiques entre des marchés. On considère en revanche qu’il ne peut y avoir intégration spatiale des marchés que s’il y a transfert physique d’un produit en excès dans un milieu vers un autre ou lorsque les chocs de prix dans un milieu sont transmis à un autre. Ainsi, le transfert physique du produit d’un milieu vers un autre est une condition suffisante mais non nécessaire pour garantir l’intégration spatiale de deux marchés. Par ailleurs, l’intégration des marchés n’implique pas nécessairement que ces marchés sont compétitifs car la condition d’intégration spatiale est aussi compatible avec les pratiques des entreprises oligopoles (Baulch, 1997). L’efficacité spatiale ou l’intégration parfaite des marchés est observée lorsque les différences de prix entre deux marchés sont égales aux couts de transfert avec ou sans flux du produit entre lesdits marchés.
9L’analyse de l’arbitrage spatial et temporel des marchés requiert des méthodes spécifiques qui ont été améliorées dans le temps. Barrett (1996) établit une hiérarchie entre les méthodes développées selon la nature des données prises en compte dans les analyses (Tableau 1). Ainsi, distingue-t-il trois niveaux de méthodes. La première série de méthodes (Méthodes I) utilise seulement les séries de prix. Le deuxième groupe de méthodes (Méthodes II) exploite à la fois les données sur les prix et les couts de transfert, alors que les méthodes de niveau III (Méthodes III) combinent les données sur les prix, les flux et les couts de transfert. Seules les méthodes II et III permettraient de mieux comprendre les activités commerciales.
10D’importantes améliorations méthodologiques ont donc été réalisées récemment pour prendre en compte certains problèmes posés par des méthodes antérieures. Les meilleures méthodes, quoique moins utilisées1, permettent de prendre en compte les couts de transfert et/ou les flux des échanges, mais surtout de distinguer les trois régimes d’arbitrage possibles entre deux régions ou marchés physiques : les différences de prix sont inférieures aux couts de transfert, les différences de prix sont égales aux couts de transfert et les différences de prix sont supérieures aux couts de transfert. Il s’agit des modèles qui estiment les probabilités de changements des régimes d’arbitrage en fonction du temps (Swiching regime models). Dans l’ensemble de ces méthodes, il y a le modèle de « Parity Bounds » introduit par Spiller et al. (1988), développé par Baulch (1997) et amélioré dans le temps par d’autres auteurs.
11Dans l’étude conduite, le recours au modèle « Parity Bounds » s’explique par le fait qu’elle permet non seulement de prendre en compte les limites des méthodes antérieurement développées, mais aussi de faire une distinction nette entre l’efficacité spatiale des marchés et l’intégration spatiale des marchés lorsque les données sur les prix, les couts de transaction et les flux sont simultanément disponibles (Barrett et al., 2002). Par ailleurs, cette méthode n’a pas encore été appliquée en Afrique de l’Ouest, alors qu’elle l’a été pour les marchés du riz aux Philippines (Baulch, 1997), des grains en Chine (Park et al., 2002), en Éthiopie (Negassa et al., 2007), au Mozambique (Cirera et al., 2008), ou du soja dans les régions proches de l’Océan pacifique (Barrett et al., 2002).
12Cependant, le modèle « Parity Bounds » a des limites connues. La plus importante est qu’il n’existe pas un lien direct entre les théories économiques et les hypothèses faites sur la nature des distributions qui caractérisent chacun des trois régimes d’arbitrage. C’est pourquoi l’analyse de Monte Carlo est souvent faite pour tester la sensibilité des résultats obtenus sous ces hypothèses (Baulch, 1997 ; Barrett et al., 2002). Par ailleurs, ce modèle considère des déviations de court terme de l’équilibre comme des situations d’inefficacité, alors que ces déviations peuvent être dues aux réactions rationnelles des commerçants dans le traitement en retard des informations.
13Par ailleurs, le modèle « Parity Bounds » standard offre seulement des comparaisons statiques. Il ne permet pas l’analyse de la dynamique de l’ajustement inter-temporel des déviations à court terme à l’équilibre de long terme. En effet, il assume l’indépendance périodique des données sur les prix et les couts de transfert. Ainsi, sous sa forme standard, cette méthode ne permet pas de comprendre l’itinéraire des ajustements et les effets des changements des réformes sur les probabilités de réalisation des différents régimes possibles d’arbitrage. C’est cette faiblesse que le modèle « Parity Bounds Amelioré » (PBA) proposé et appliqué aux marchés de maïs et de blé en Éthiopie par Negassa et al. (2007) a tenté de corriger avec la possibilité de déterminer le temps qu’il faut pour que la politique mise en place ait son plein effet sur les acteurs. Une autre possibilité de comprendre l’itinéraire des ajustements et les effets des changements de politiques sur les probabilités de réalisation des différents régimes possibles d’arbitrage est d’appliquer le modèle « Parity Bounds » sur différentes sous-périodes de la période d’analyse en fonction de l’évolution des politiques mises en œuvre. C’est la méthode utilisée par Park et al. (2002). C’est cette dernière méthode qui sera appliquée dans ce document. Toutefois, contrairement à Park et al. (2002) qui ont déterminé les couts de transfert uniquement à partir des séries de prix, les couts temporels dans notre étude sont estimés par la méthode proposée par Baulch (1997).
2.2. Présentation et procédure d’estimation du modèle « Parity Bounds »
14Considérons deux marchés situés dans deux régions distinctes (i et j) sur lesquels s’opèrent des échanges concernant un produit homogène, le cas du maïs au Bénin par exemple. Les prix Pit et Pjt déterminés par la demande et l’offre locales au niveau de ces deux marchés au temps t peuvent être représentés par :
avec mit et mjt, valeurs moyennes respectives des prix du bien sur les deux marchés au temps t, sont les termes aléatoires qui affectent les prix Pit et Pjt. Les couts de transfert TCjit, permettant de réaliser des échanges du produit entre les deux marchés au temps t, peuvent être considérés comme une variable temporelle aléatoire avec pour moyenne et ejit comme composante aléatoire, normalement distribuée, d’espérance mathématique nulle et de variance pour tous les régimes d’échanges. Ces couts de transfert ou de commercialisation couvrent les taxes, le transport de la marchandise et du commerçant, l’ensachage, le chargement des sacs de maïs dans le véhicule et le déchargement de ces sacs du véhicule, les frais de collecte, de stockage et de courtage puis la marge brute commerçant. On a :
15Selon Baulch (1997), on distingue trois conditions mutuellement exclusives et exhaustives d’arbitrage spatial ou de régimes d’échanges.
16Régime 1 : Intégration spatiale parfaite, Pit - Pjt = TCjit. Les différences de prix entre les deux marchés sont égales aux couts de transfert et les échanges peuvent avoir lieu ou non entre ces deux marchés. Dans ces conditions, les commerçants ne peuvent pas réaliser de profits excessifs.
17Régime 2 : Équilibre compétitif segmenté / Inefficacité des marchés, Pit - Pjt < TCjit. Les différences de prix entre les deux marchés sont inférieures aux couts de transfert et il n’existe aucune opportunité d’arbitrage profitable. S’il n’y a pas d’échange entre les deux marchés, on dira que le marché est segmenté. Par contre, lorsqu’il y a échange entre les deux marchés, ces derniers sont spatialement inefficaces dans la mesure où les commerçants réalisent un profit marginal négatif.
18Régime 3 : Inefficacité spatiale des marchés, Pit - Pjt > TCjit. Dans ce dernier régime, les différences de prix entre les deux marchés sont supérieures aux couts de transfert. Les conditions d’arbitrage sont violées et les marchés sont spatialement inefficaces, qu’il y ait échange ou non (Penzhorn et al., 2002).
19Soit
20les probabilités respectives de réalisation des régimes 1, 2 et 3, avec
mesure le taux d’intégration parfaite des marchés. Il représente en même temps le niveau d’efficacité spatiale.
mesure le taux de violation des conditions d’arbitrage. Il représente aussi le niveau d’inefficacité spatiale des marchés.
est le taux d’opportunités d’échanges profitables entre les deux marchés. Le taux d’arbitrage
21donne la proportion des opportunités d’échanges profitables qui sont exploitées.
22Enfin, le taux d’autarcie
23mesure le niveau de la non-réalisation des échanges qui est due aux couts élevés de transaction (Park et al., 2002). Il peut permettre de mesurer le niveau de segmentation du marché en l’absence d’échanges entre les marchés dans les conditions où les différences de prix sont inférieures aux couts de transfert. Il permet aussi de mesurer en partie le niveau d’inefficacité des marchés dans le cas où les différences de prix sont inférieures aux couts de transfert.
Soit le terme d’erreur qui capte la déviation entre les différences de prix et les couts de transfert lorsqu’il n’y a aucune opportunité d’arbitrage et celui qui mesure l’importance de l’excès des différences de prix sur les couts de transfert. Avec
la fonction de la probabilité de densité de relative à tous les régimes d’échanges est donnée par :
où fit est la fonction de la probabilité de densité du régime i et θ est le vecteur de paramètres que l’on souhaite estimer. La fonction de la probabilité de densité du régime 1 est la fonction de densité normale ordinaire, mais les fonctions de probabilité de densité des régimes 2 et 3 sont des fonctions de densités demi-normales tronquées. Elles sont toutes définies ci-dessous :
où est la loi normale standard et la fonction de distribution cumulative. La fonction de vraisemblance de construite sur les fonctions de probabilité de densité définies ci-dessus pour les trois régimes d’arbitrage est définie par :
24Les différents paramètres sont déterminés par la maximisation du logarithme de la fonction de vraisemblance L à l’aide d’un algorithme adapté.
2.3. Méthodes de collecte des données sur les prix, les flux et les couts de transfert chronologiques
25En tenant compte de l’évolution des différentes périodes qui ont caractérisé la mise en œuvre des réformes agricoles au Bénin, quatre périodes d’analyse ont été distinguées :
26– 1988 à 1992 : période avant les réformes officielles de liberalization ;
27– 1993 à 1996 : période de mise en œuvre des réformes de libéralisation avec l’introduction du SPIM caractérisé par la diffusion des prix à la radio nationale et la publication du bulletin mensuel d’information ;
28– 1997 à 2000 : période caractérisée par l’amélioration du SPIM avec l’installation des tableaux d’affichage des prix sur les marchés ;
29– 2001 à 2007 : période caractérisée par l’implication des radios rurales et/ou communautaires dans la diffusion des prix à la radio. Elle est aussi marquée par le développement de la téléphonie mobile et l’introduction d’accès aux informations sur les prix des principaux produits agro-alimentaires par le SMS (Short Message Service).
30Pour la collecte des données sur les prix, les flux du maïs et les couts de transfert chronologiques, l’étude s’est basée sur sept marchés représentatifs des marchés de vente de produits agro-alimentaires au Bénin : trois centres urbains de grande consommation du maïs (Cotonou, Parakou et Bohicon) et quatre zones rurales de grande production du maïs (Nikki, Kétou, Azovè et Glazoué). Il s’agit du même ensemble de marchés étudiés par Lutz et al. (2006). Ce choix a été fait afin de rendre les résultats comparables. Cotonou, Azovè et Kétou sont situés au Sud du Bénin, Bohicon et Glazoué au Centre du pays, Parakou et Nikki sont des marchés du Nord-Bénin. Ces sept marchés font aussi partie des marchés suivis par l’Office National d’Appui à la Sécurité Alimentaire (ONASA).
31Les prix collectés sont les prix aux consommateurs appelés aussi prix détaillants. Il ne s’agit pas des prix aux producteurs. Ces prix sont publiés chaque mois par l’ONASA. En effet, les données sur les prix sont collectées par les agents de l’ONASA sur un ensemble représentatif de marchés périodiques et auprès des acteurs commerciaux en unités locales. Après l’étalonnage des unités locales de mesure, l’ONASA détermine les « normes » de conversion des prix en FCFA par kg.
32L’une des faiblesses de la méthode de cointégration et de beaucoup d’autres méthodes d’analyse des marchés agricoles est de supposer que les flux du produit étudié sont continus et évoluent en sens unique entre les localités considérées. Selon Lutz et al. (2006), cette hypothèse est plausible au Bénin dans la mesure où les périodes de récolte des produits agricoles diffèrent entre le Nord et le Sud du pays. Mais, dans le souci de vérifier cette hypothèse et de tenir compte de l’existence ou non des échanges entre les différentes paires de marchés étudiés, les informations sur les flux du maïs de 2000 à 2007 ont été collectées. Les données sur les flux sont collectées par les agents de la Direction de la Promotion de la Qualité et du Conditionnement des Produits Agricoles (DPQC). Ces données ne sont pas toujours bien collectées et, dans ce document, on s’est beaucoup concentré sur l’existence des échanges entre les marchés pris deux à deux.
33Les données complètes de série chronologique sur le cout interrégional de transfert de grain étant rarement disponibles dans les pays en développement (parce qu’ils doivent être collectés chaque année), deux méthodes sont souvent utilisées pour les estimer. La première méthode consiste à estimer les couts de transfert à partir des séries de prix (Park et al., 2002). C’est une estimation endogène. Cependant, cette méthode assume implicitement que les couts de transfert sont constants dans le temps. La deuxième méthode consiste à estimer les couts de transfert à partir des résultats d’une enquête transversale de terrain, en les ajustant par la prise en compte de l’inflation (Baulch, 1997) ou en ajustant les données sur les couts de transport jusqu’à un certain pourcentage qui puisse prendre en compte les composantes non mesurées des couts de transfert (Penzhorn et al., 2002). Dans notre analyse, les couts de transferts par paire de marchés sont estimés à partir de l’indice des prix à la consommation et des données sur les couts de transfert collectés lors de l’enquête transversale évoquée plus haut. Faudrait-il le rappeler, les couts de transfert ou de commercialisation par paire de marchés couvrent les taxes, le transport de la marchandise et du commerçant, l’ensachage, le chargement des sacs de maïs dans le véhicule et le déchargement de ces sacs du véhicule, les frais de collecte, de stockage et de courtage, puis la marge brute du commerçant.
34Enfin, pour vérifier si la mise en œuvre du SPIM a été effective, deux enquêtes d’opinion ont été réalisées en 2007 et 2008, l’une sur un échantillon représentatif de 105 commerçants-grossistes fréquentant les marchés d’étude et l’autre sur un échantillon aléatoire de 241 producteurs.
3. Résultats et discussion
3.1. Un SPIM évolutif
35Les premiers résultats de cette étude sont relatifs au fonctionnement du SPIM. On peut bien constater que la collecte des prix et leur diffusion à travers divers canaux de communication ont bien accompagné les réformes agricoles au Bénin. Le SPIM utilise quatre moyens principaux :
36– la diffusion hebdomadaire par la radio nationale des prix relevés (producteurs, grossistes et détaillants) sur quelques marchés périodiques représentatifs de l’ensemble des marchés de produits agro-alimentaires. Cette diffusion se fait dans les principales langues du pays. Depuis 2000, certaines radios communautaires ou rurales sont impliquées dans ce processus de diffusion ;
37– l’affichage des prix sur des tableaux installés dans les marchés. Ces tableaux permettent de reprendre les informations diffusées à la radio. Le tableau d’affichage présente trois principaux produits avec leurs prix pratiqués en unité locale et en kg lors des derniers jours d’animation2 au niveau de trois marchés importants pour la zone concernée ;
38– la publication d’un bulletin mensuel d’information appelé « Lettre d’Information sur la Sécurité Alimentaire ». C’est un document de huit pages qui présente, au niveau de chaque département, l’évolution de la campagne agricole et l’analyse du niveau des prix du maïs et du sorgho. Il présente aussi les prix mensuels au kg et en unité locale « Tongolo » de dix produits vivriers (maïs, mil/sorgho, riz local et importé, farine de blé, tubercules d’igname, cossettes d’igname, cossettes de manioc, gari, haricot, arachide graine et arachide coque). Enfin, une brève analyse est faite sur l’évolution du commerce import-export des produits alimentaires avec leurs cours internationaux. Ce journal est distribué gratuitement dans les principales structures étatiques de façon ininterrompue depuis février 1989 ;
39– avec le développement de la télécommunication au Bénin, notamment avec la promotion de la téléphonie mobile, l’ONASA a introduit récemment la demande des informations sur les prix par SMS. Le SMS peut être envoyé par l’un des réseaux suivants : Libercom, Moov, MTN, Bel-Bénin, avec un code pour le type de prix (producteur, grossiste ou détaillant), les marchés ciblés et les produits désirés. Le cout unitaire d’un SMS est de 25 FCFA (environ 0,04 EUR). L’accès est restreint pour le moment aux acteurs maitrisant le français. Malheureusement, ce service ne fonctionne pas convenablement sur le plan technique et nécessite encore qu’on y apporte des améliorations.
3.2. Des commerçants défiants
40De nos différents entretiens, aucun commerçant n’a fait allusion à la radio comme moyen d’information (Tableau 2). Toutefois, ce qui est important, c’est que 97 % de ces opérateurs économiques sont informés de l’existence et du fonctionnement de cette source d’information. Ils considèrent seulement les prix diffusés comme des prix pré-fixés qui ne reflètent pas la réalité. Les commerçants n’ont aucune idée du bulletin mensuel d’information. Quant aux tableaux d’affichage installés dans les marchés, les commerçants n’y placent aucune confiance parce qu’ils ne sont pas régulièrement actualisés et sur certains marchés, c’est encore eux qui fournissent des données aux agents chargés de remplir ces tableaux. La réaction des commerçants est compréhensible dans la mesure où ils ne sont pas favorables à l’introduction du SPIM qui est une source de transparence des marchés.
3.3. Une appréciation positive de l’information sur les prix par les producteurs
41Plus de 15 ans après la mise en œuvre du SPIM, on constate aussi que seulement 43 % des producteurs enquêtés (environ 2/5 donc) utilisent les sources d’information mises en place par l’ONASA pour faciliter l’accès aux informations aux différents acteurs participant au marché des produits agricoles alimentaires. Les producteurs n’ont aucune idée du bulletin mensuel d’informations ou du service SMS offert par l’ONASA. Cette intervention n’a pas été un thème de vulgarisation agricole. Donc, beaucoup de producteurs ne sont pas au courant de ce SPIM. Ils ne savent pas que la diffusion des prix à la radio est une des composantes importantes du SPIM. La transmission orale de l’information concernant les prix, l’offre et la demande demeure la pratique prépondérante dans les transactions commerciales, comme l’ont déjà évoqué Adegbidi et al. (2003). Toutefois, les producteurs qui écoutent les prix diffusés dans les radios locales ou à la radio nationale semblent être globalement satisfaits de cette initiative et répercutent son impact sur leurs décisions commerciales. Ils reconnaissent donc que ce système a amélioré leurs prises de décisions concernant la vente des céréales.
42Des discussions faites avec certains producteurs de Nikki, où les prix d’achat et de vente sont souvent pré-déterminés par les commerçants, montrent que la diffusion des prix des produits agricoles à la radio a amélioré le processus de marchandage de ces producteurs avec les grossistes-assembleurs. Les producteurs sont mieux informés des prix auxquels les commerçants revendent les produits au niveau des marchés régionaux. L’impact est d’autant plus important lorsque le système est mieux adapté aux jours d’animation des marchés. À Nikki par exemple, le système de diffusion parait mieux adapté dans la mesure où les centres de collecte autour de Nikki, comme un peu partout dans le Nord du pays, s’animent une fois par semaine. Le marché de Nikki s’animant tous les quatre jours, les producteurs sont donc informés du prix pratiqué sur ce marché avant le jour d’animation de leurs marchés locaux. Dans ces conditions, les commerçants-locaux, qui cherchent toujours à rendre le marché moins transparent vis-à-vis des producteurs, trouvent désormais beaucoup plus leur satisfaction dans la déformation des unités de mesure. Il faut donc informer et former les producteurs à l’utilisation du SPIM et au fonctionnement des marchés en mettant l’accent sur le comportement de collusion des commerçants.
43Pour l’estimation quantitative de l’impact du SPIM, il est important de présenter les résultats obtenus sur les prix, les flux et les couts de commercialisation du maïs. Le tableau 3 présente les prix moyens aux consommateurs sur les différents marchés étudiés et en fonction des différentes périodes d’études.
3.4. Les flux continus entre les paires de marchés et la rareté des flux inverses
44Comme on pouvait s’y attendre, les prix sont plus élevés sur les marchés urbains que sur les marchés ruraux, ce qui indique les possibilités d’échanges entre ces marchés. En effet, les marchés ruraux sont situés dans les régions de production du maïs et les marchés urbains sont situés dans les grandes régions de consommation. Les flux observés confirment le déplacement des zones excédentaires vers les zones déficitaires. Les fréquences minimales des flux de maïs observés entre les paires de marchés étudiés sont présentées dans le tableau 4. Les résultats obtenus permettent de confirmer l’hypothèse selon laquelle les flux sont presque continus entre les paires de marchés Kétou-Cotonou, Bohicon-Cotonou, Glazoué-Cotonou et Azovè-Cotonou. Les résultats ont aussi montré que les flux inverses, c’est-à-dire des flux des marchés souvent déficitaires vers des marchés souvent excédentaires, sont très rares. Par ailleurs, les volumes moyens annuels de maïs échangés (en tonnes) entre les marchés pris deux à deux permettent de confirmer qu’il y a de grands échanges entre les marchés du Nord du Bénin (Nikki, Parakou) et ceux du Sud. Plus de 1 700 t de maïs sont échangées par an entre le Nord et le Sud. Les données sur les volumes ne sont pas aussi fiables pour qu’on puisse présenter leur évolution.
3.5. L’importance des frais de transport et des marges brutes des commerçants dans les couts de commercialisation
45L’analyse des données collectées sur les couts de transfert, estimés par paires de marchés, des zones de surplus de maïs vers les zones déficitaires montre que ces couts varient de 37,2 FCFA à 67,82 FCFA·kg-1 (0,06 à 0,11 EUR par kg). Les frais de transport occupent une place non négligeable dans la formation des couts de transfert. Ils représentent entre 19 % et 51 % des couts de commercialisation, soit une moyenne de 34 %. On constate par ailleurs que leur niveau est beaucoup plus déterminé par la qualité des infrastructures, car plus la distance séparant deux marchés est importante, plus grande est aussi la proportion du transport dans les couts de transfert.
3.6. Le SPIM n’a pas permis de réduire les couts de transaction
46Les marges brutes ont été estimées par les commerçants eux-mêmes au cours de l’enquête. Leur marge brute moyenne est de 10 FCFA·kg-1 de maïs échangé contre une moyenne de 5 FCFA avant la mise en œuvre du SPIM. Les marges brutes des commerçants représentent entre 14 % et 26 % des couts de transfert, avec une moyenne de 20 %. La détermination des différentes séries chronologiques de couts de transfert de 1988 à 2007 présentés dans le tableau 5 montre que les couts de transfert ont plus que doublé entre les périodes 1988-1992 et 2001-2007. On peut donc constater que le SPIM n’a pas permis de réduire les couts de transaction.
3.7. Les leçons pour améliorer l’efficacité du SPIM
47Les résultats du modèle « Parity Bounds », présentés dans le tableau 6, indiquent que les niveaux d’intégration parfaite ou d’efficacité des marchés ont positivement évolué dans le temps avec une chute remarquable au début des réformes (période 1993-1996). Cette chute pourrait être expliquée par la prise de connaissance des nouvelles règles du jeu par les différents acteurs, afin qu’ils puissent mieux allouer leurs ressources productives dans le nouvel environnement institutionnel. Les effets des réformes ne sont devenus perceptibles qu’à partir de 1997. Les estimations suggèrent également que les réformes ont faiblement amélioré le niveau d’intégration spatial des marchés, confirmant donc les résultats obtenus par Adegbidi et al. (2003), Lutz et al. (2006) et Pede et al. (2008).
48De plus, les conditions d’arbitrage sont couramment violées au cours de la période des réformes, comparativement à la période pré-réforme. Lutz (1994) a expliqué ce phénomène observé au cours de la période pré-réforme comme étant le résultat du manque d’information sur les conditions du marché. Ces résultats révèlent un paradoxe car le SPIM est censé améliorer l’accès aux informations. Ce paradoxe peut cependant s’expliquer par le fait que le SPIM n’est pas très effectif si l’on se fie au manque d’information et de formation des acteurs (notamment les producteurs) que notre étude a révélé. Cela peut aussi s’expliquer par le comportement de défiance des commerçants évoqué plus haut. Aucun commerçant ou producteur n’utilise le téléphone portable pour la recherche et l’obtention des informations sur le marché via le SPIM. Les radios locales ou communautaires ne diffusent que des prix au niveau local, ce qui ne facilite pas l’arbitrage à un niveau plus large. La diffusion des prix et l’actualisation des tableaux d’affichage restent irrégulières.
49L’impact du SPIM est aussi limité par d’autres défaillances du système. L’intervention fréquente de l’ONASA pour garantir un prix bas aux consommateurs urbains par exemple. En effet, avec un stock tampon de 400 à 500 tonnes de maïs par an, représentant 1 à 3 % des volumes totaux de transaction, l’ONASA intervient fréquemment sur les marchés en procédant à la vente du maïs dans les périodes de soudures. Le produit est cédé aux consommateurs à des prix significativement inférieurs à ceux pratiqués sur les marchés à la satisfaction des bénéficiaires. De même, les barrières d’entrée au marché n’ont pas été abolies avec les réformes. Il est quasi impossible aux commerçants non-résidents d’aller dans les régions de collecte primaire de maïs de Kétou, Pobè, Nikki et leurs environs (principales zones de production des céréales au Bénin) pour acquérir du maïs. Les commerçants locaux de ces marchés, qui cherchent à rendre le marché moins transparent vis-à-vis des producteurs et des commerçants non-résidents, sont également susceptibles de déformer les unités de mesure. Il est également possible pour les commerçants de s’entendre pour fixer les prix d’achat des produits agricoles, car la participation des organisations de producteurs dans la chaine de commercialisation demeure faible. Il est donc important de renforcer les réseaux sociaux des producteurs.
50Néanmoins, les résultats obtenus montrent que les réformes ont créé des opportunités favorables sur le marché du maïs, mais ces opportunités sont mal exploitées tout au long de la période de libéralisation des activités commerciales. En effet, les taux d’arbitrage sont passés de 81 % avant les réformes à 35 % au cours de la période 2001-2007, alors que les opportunités sur le marché du maïs sont passées de 39 % avant les réformes à 84 % en 2001-2007 avec 49 % et 61 % respectivement en 1993-1996 et 1997-2000. Le peu d’opportunités qui existaient avant les réformes étaient donc mieux exploitées qu’après les réformes. Cela confirme les résultats obtenus par Lutz (1994) sur la période pré-réforme. En effet, selon cet auteur, malgré quelques défaillances du système, le secteur commercial était assez dynamique et s’adaptait aux conditions variables. La demande du maïs était relativement stable et les chocs au niveau de l’offre constituaient la principale source de changement des prix. Le maïs était beaucoup plus consommé dans le Sud du Pays. Mais au cours de la période des réformes, on a constaté un changement de comportement alimentaire caractérisé par la consommation du maïs sur toute l’étendue du territoire national, rendant ainsi l’offre et la demande plus instables.
51Les taux d’autarcie qui mesurent le degré de non-réalisation des échanges, due aux couts de transaction prohibitifs, ont diminué avec le temps. Ils sont passés de 61 % en 1988-1992 à 16 % en 2001-2007 avec 51 % et 39 % respectivement en 1993-1996 et 1997-2000.
52L’ensemble de ces résultats permet donc de nuancer ceux obtenus par Adegbidi et al. (2003), Lutz et al. (2006) et Pede et al. (2008) à l’aide de méthodes telles que la cointégration multiple de Johansen ou l’analyse de cointégration avec seuil, selon lesquelles les réformes agricoles n’ont pas amélioré le marché des céréales, en particulier celui du maïs qui est la principale céréale et l’aliment de base de la population béninoise.
53Si l’on considère que le cout du transport représente plus du tiers (34 %) du cout de commercialisation, nos résultats peuvent être expliqués par l’amélioration des infrastructures de transport au cours des réformes. En effet, les investissements consentis dans le réseau routier ont permis de construire une infrastructure de transit entièrement bitumée. Les deux corridors Nord-Sud, entre Cotonou et le Niger d’une part, et entre Cotonou et le Burkina Faso (vers le Mali) d’autre part, jouent bien leur rôle d’intégration régionale. L’axe côtier Togo-Bénin-Nigeria est également bitumé. Les deux transversales Centre et Nord du Bénin offrent un bon niveau de service, et leur bitumage complet est presque réalisé (MTPT, 2006). Cela a permis de désenclaver beaucoup de régions et de faciliter ainsi le développement des activités économiques, notamment la commercialisation des produits agricoles. Cela confirme les résultats de Gandonou (2005) et de Escobal (2005) selon lesquels l’amélioration de l’accès à l’information n’est pas suffisante si d’autres contraintes structurelles existent, notamment les infrastructures routières qui, en bon état, réduisent les couts de transaction et favorisent l’intégration des marchés des produits agricoles.
4. Conclusion
54Cette étude a révélé que malgré l’existence du SPIM, la transmission orale de l’information concernant les prix, l’offre et la demande demeure la pratique prépondérante dans les transactions commerciales. Le SPIM n’a pas été accompagné par une information et une formation des acteurs du marché, notamment les producteurs. En conséquence, ces derniers n’exploitent pas pleinement toutes les composantes du SPIM.
55Les résultats de l’étude confirment l’hypothèse que les flux ont été presque continus des marchés excédentaires vers les marchés déficitaires et que les flux inverses, c’est-à-dire des flux des marchés souvent déficitaires vers des marchés souvent excédentaires, sont très rares au Bénin. L’étude a aussi révélé que les frais de transport constituent le tiers des couts de transfert et que leur réduction favorise l’exploitation des opportunités de marché. Les résultats obtenus montrent aussi que le SPIM a permis de réduire les taux d’autarcie.
56Mais d’autres résultats du modèle « Parity Bounds » montrent que les conditions d’arbitrage sont couramment violées au cours de la période des réformes, comparativement à la période pré-réforme. De même, le SPIM n’a pas permis de réduire les couts de transaction et ses effets sont limités par des défaillances relatives aux barrières physiques d’entrée au marché et à la collusion des commerçants. Un SPIM efficace doit donc aller au-delà de la seule information sur les prix.
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