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- Volume 17 (2013)
- numéro spécial 1
- Contrôle de l’azote potentiellement lessivable dans le sol en début de période de lixiviation. Établissement des valeurs de référence
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Contrôle de l’azote potentiellement lessivable dans le sol en début de période de lixiviation. Établissement des valeurs de référence
Résumé
Depuis dix ans, Gembloux Agro-Bio Tech (ULg) et l’Université catholique de Louvain établissent chaque année les valeurs de référence en matière de concentration en azote nitrique du sol en début de période de lixiviation (APL – Azote Potentiellement Lessivable). Ces valeurs sont utilisées par le Service Public de Wallonie dans le cadre d’un contrôle des agriculteurs situés en zone vulnérable. En 2011, près de 250 parcelles (situées dans quelque 34 exploitations agricoles de référence) ont reçu une fertilisation azotée raisonnée et ont fait l’objet de deux échantillonnages (octobre et décembre) de sol en vue d’une analyse du contenu en azote nitrique. Ces résultats ont permis d’établir des valeurs de référence pour huit classes de culture ou prairie. L’analyse des résultats enregistrés en 2011, comme les années précédentes, illustrent l’importance des facteurs « culture » et « années » pour l’établissement des références.
Abstract
Control of potentially leachable nitrogen in the soil at the start of the lixiviation period. Establishment of reference values. Based on observations in the field, for ten years, Gembloux Agro-Bio Tech (ULg) and the Catholic University of Louvain set annual benchmarks for nitrate-nitrogen concentrations in the soil at the beginning of the leaching period (referred to as ‘PLN’ - Potentially Leachable Nitrogen). These values are used as a reference to monitor farmers located in vulnerable zones, with the monitoring being carried out by the Public Service of Wallonia. Soil samples were taken twice a year (October and December) from approximately 250 plots subjected to reasoned nitrogen fertilization. The plots were located within 34 reference farms (constituting the Agricultural Survey Areas). The samples were then analyzed for nitrate-nitrogen content. The results allowed to establish reference values for eight classes of cultivation or meadow. Analysis of the results recorded in 2011, as in previous years, illustrates the importance of “crop” and “year” in establishing reference values.
Inhoudstafel
1. Introduction
1L’actuel Programme de Gestion Durable de l’Azote en agriculture (PGDA), troisième Programme d’action au sens de la Directive Nitrates (91/676/CEE), prévoit un contrôle du reliquat azoté (kg N-NO3-·ha-1) dans le sol en début de période de lixiviation (Azote Potentiellement Lessivable - APL). Ce contrôle a été mis en place dès 2002 suite aux travaux réalisés par Lambert et al. (2002) dans une vingtaine d’exploitations agricoles situées au-dessus de l’aquifère des sables du Bruxellien (projet Prop’eau Sable). Le programme d’action en vigueur à cette époque autorisait un apport maximum d’engrais de ferme à concurrence de 80 kg N·ha-1 par an sur les parcelles cultivées. Les agriculteurs désireux de valoriser des quantités supérieures (jusqu’à 120 kg N·ha-1 par an) devaient demander une dérogation et, entre autres, autoriser le prélèvement d’échantillons de sol dans trois parcelles choisies au hasard en vue de vérifier la bonne gestion de l’azote. Les résultats de ces analyses étaient comparés à des valeurs de référence pour un panel de cultures établies chaque année (pour pouvoir tenir compte des conditions météorologiques) (Vandenberghe et al., 2004 ; Vandenberghe et al., 2006). Ces valeurs de référence étaient construites sur base d’observations réalisées dans le « Survey Surfaces Agricoles », réseau qui comptait à cette époque une vingtaine d’exploitations agricoles encadrées par les équipes universitaires de Gembloux Agro-Bio Tech et de l’Université catholique de Louvain (Vandenberghe et al., 2005). Dans ces exploitations, une dizaine de parcelles faisaient l’objet de conseils et d’un suivi de la fertilisation azotée. À trois reprises en automne, des échantillons de sol y étaient prélevés en vue d’un dosage de l’azote nitrique. Ainsi, chaque année, quelque 200 parcelles participaient à l’élaboration des valeurs de référence APL.
2En cas de mauvais résultats répétés, l’agriculteur en dérogation se voyait retirer, au terme de quatre années, la possibilité de valoriser ces quantités supérieures d’engrais de ferme.
3Compte tenu de la performance de l’outil APL, l’utilisation de celui-ci a été étendue dès 2007 à toute la zone vulnérable. Depuis lors, chaque année, entre 3 et 5 % des exploitations agricoles situées en zone vulnérable font l’objet d’un contrôle APL (Vandenberghe et al., 2011). Si, dans une exploitation agricole, le contrôle est positif, celle-ci entre dans un programme d’observation au cours duquel des échantillons de sol seront prélevés chaque année, aux frais de l’exploitant, jusqu’à ce qu’elle ait eu deux années successives de contrôle négatif. Cependant, au cours de ce programme d’observation, si l’exploitation présente trois années de contrôle positif, elle se verra infliger une amende. Vandenberghe et al. (2012) ont pu démontrer de manière théorique et sur base d’observations pluriannuelles que la méthodologie de ce contrôle présente un bon compromis entre la probabilité de sanctionner un vrai positif (gestion de l’azote déficiente sur une part importante des parcelles de l’exploitation) et de ne pas sanctionner un faux positif (gestion de l’azote déficiente sur une part très faible des parcelles de l’exploitation).
2. Matériel et méthodes
2.1. Le Survey Surfaces Agricoles en 2011
4Le réseau d’exploitations agricoles de référence, appelé « Survey Surfaces Agricoles », compte 34 unités situées pour la plus grande partie en zone vulnérable. Quelque 250 parcelles ont été suivies au cours de l’année 2011. Les parcelles cultivées (210) ont fait l’objet d’un conseil de fertilisation (établi à l’aide de la méthode du bilan) au printemps et d’une mesure de reliquat azoté dans le sol (échantillon composite constitué de 15 carottes de sol, en trois couches de 30 cm, jusqu’à 90 cm) à deux reprises (dernière décade d’octobre et première décade de décembre). Les prairies font l’objet d’une mesure de reliquat azoté (échantillon composite constitué de 30 carottes de sol prélevées dans la couche 0-30 cm) à deux reprises (fin octobre et début décembre).
2.2. Établissement des références
5Les cultures sont réparties en sept classes selon l’itinéraire cultural (Tableau 1). Les prairies (pâturées, fauchées et mixtes) sont regroupées dans une huitième classe.
6Les mesures de reliquat azoté ont été réalisées par des laboratoires agréés pour ce type d’analyse1.
7Après avoir éliminé les éventuels résultats aberrants (Test de Grubbs ) et pratiques agricoles non conformes, trois niveaux d’interprétation sont calculés pour chaque classe :
8– la médiane
9– le centile 75
10– le seuil d’intervention.
11Ce dernier est établi en ajoutant, au centile 75, une tolérance égale à 20 % de la valeur de la médiane.
12Lorsque le résultat d’une parcelle contrôlée figure :
13– sous la médiane : il est qualifié de « bon »,
14– entre la médiane et le centile 75 : il est qualifié de « satisfaisant »,
15– entre le centile 75 et le seuil d’intervention : il est qualifié de « limite » ; l’agriculteur bénéficie d’une tolérance liée à l’imprécision de la mesure. Son attention doit être attirée.
16– au-delà du seuil d’intervention : il est qualifié de mauvais.
17Le nombre minimum de parcelles nécessaires à l’établissement des APL (10 pour les classes A1 et A2, 20 pour les classes A3 à A7, 30 pour la classe A8) est atteint pour la totalité des classes.
18En moyenne, les observations ont été réalisées dans le Survey Surfaces Agricoles les 23 octobre et 3 décembre 2011. Étant donné que la période d’échantillonnage pour le contrôle débute le 15 octobre et se termine le 20 décembre, les références ont donc dû être extrapolées avant le 23 octobre et après le 3 décembre.
19Pour la médiane, l’extrapolation est réalisée de manière linéaire sur base des observations réalisées en novembre et décembre. Pour éviter des médianes nulles ou négatives, une valeur plancher de 20 kg N-NO3-.ha-1 a été fixée au 20 décembre en tenant compte d’observations réalisées en janvier (Vancutsem et al., 2012) ; ces observations montrent, en effet, peu de reliquats azotés inférieurs à cette valeur plancher.
20Pour le centile 75, l’extrapolation est également réalisée de manière linéaire sur base des observations effectuées en novembre et décembre.
21Pour la tolérance qui permet de fixer le seuil d’intervention (ou de non-conformité), il apparait que lorsque la médiane est faible, la tolérance (20 % de la médiane) est excessivement faible et ne rend dès lors plus compte de l’incertitude liée à la mesure. Dès lors, une tolérance plancher de 15 kg N-NO3-·ha-1 a été fixée pour tenir compte d’une incertitude minimum2.
3. Résultats
3.1. L’exemple de la betterave
22En 2011, les observations réalisées (Tableau 2 et Figure 1) montrent que :
23– la variabilité est assez faible (écart-type de l’ordre du tiers de la moyenne), ce qui se traduit également par un centile 75 proche de la médiane ;
24– le reliquat azoté est principalement localisé en surface tant en octobre qu’en décembre ;
25– grâce à des températures particulièrement clémentes pour la saison (en moyenne 8 °C en novembre, soit 3 °C de plus que la normale), la minéralisation de la matière organique a enrichi la première couche du sol (0-30 cm) en azote nitrique entre les deux périodes d’échantillonnage ;
26– la très faible pluviosité entre les deux périodes d’échantillonnage (de l’ordre de 10 à 15 mm ; soit deux à trois fois moins que la normale) n’a pas provoqué de modification de la forme du profil de concentration en azote nitrique (Figure 1), tout au plus observe-t-on un léger enrichissement de la couche 30-90 cm causé par la lixiviation de l’azote nitrique produit à partir de la minéralisation de la matière organique dans la couche 0-30 cm, au cours de cette période.
27À une exception près, toutes ces parcelles ont fait l’objet d’un semis de froment après la récolte des betteraves.
28La figure 2 illustre les trois niveaux qui permettent la qualification d’un résultat de contrôle en 2011 pour la betterave.
3.2. Synthèse des huit classes en 2011
29Sur le même principe que la betterave, les sept autres classes d’occupation du sol ont fait l’objet d’un suivi du reliquat azoté dans le Survey Surfaces Agricoles. Les classes des prairies, betteraves et céréales avec CIPAN présentent les médianes les plus faibles, tandis que les classes des pommes de terre, du colza et du maïs présentent les valeurs les plus élevées (Figure 3).
30La classe des céréales sans CIPAN montre la plus forte évolution (diminution) du reliquat azoté entre les deux périodes d’échantillonnage. Cette classe est majoritairement composée de parcelles de céréales suivies d’une culture d’hiver (céréale ou colza), culture qui a déjà prélevé de l’azote début décembre. À noter également que tout comme pour la classe de betterave, la forme du profil de concentration en azote nitrique ne s’est pas modifiée au cours de cette période.
31Les valeurs de référence ont été calculées conformément à la procédure explicitée au § 2.2. et ont été publiées dans le Moniteur belge3.
32La figure 3 illustre les différences entre cultures (par exemple de l’ordre de 80 kg N-NO3-·ha-1 entre la betterave et la pomme de terre), ce qui confirme la nécessité d’établir des références par culture plutôt qu’une valeur unique.
3.3. Évolution interannuelle
33Depuis 2002, les référence APL sont définies sur base d’observations réalisées chaque année pour tenir compte des conditions météorologiques qui ont un impact tant sur le rendement de la culture (prélèvement d’azote) que sur la minéralisation de l’azote dans le sol. L’exemple de la classe du maïs illustre bien l’influence de ces conditions, les principaux paramètres d’influence (structure des exploitations agricoles du Survey Surfaces Agricoles, méthodologie du conseil de fertilisation) n’ayant pas significativement évolué au cours de la période 2007-2011 (Figure 4).
34Une fixation annuelle des références contribue donc à rendre le contrôle de la gestion de l’azote plus efficient car une référence basée sur une moyenne interannuelle par culture pourrait conduire à sanctionner des agriculteurs injustement et ne pas sanctionner des agriculteurs qui devraient l’être.
4. Conclusion
35Le contrôle APL s’inscrit, pour l’agriculteur, dans une obligation de résultats plutôt que dans une obligation de moyens (réalisation d’un plan de fertilisation, etc.) dont la mise en œuvre est plus difficilement contrôlable.
36Les observations réalisées en 2011, ainsi que précédemment, illustrent le fait que chaque culture a son niveau d’APL propre. Celui-ci dépend entre autres :
37– de l’enracinement de la culture (les légumes et pommes de terre ont un enracinement plus superficiel et sont donc incapables de valoriser l’azote nitrique situé dans la couche 60-90 cm échantillonnée lors du contrôle),
38– de la date de récolte (une culture récoltée tardivement assimile l’azote produit par la minéralisation de l’humus du sol en automne),
39– de la gestion du sol après la récolte (apport d’engrais de ferme, mise en place d’une CIPAN),
40– des conditions météorologiques de l’année.
41L’établissement de références par classe de culture a donc tout son sens pour pouvoir évaluer (et au besoin sanctionner) la gestion de l’azote pratiquée par les agriculteurs contrôlés. En 2011, parmi les 447 exploitations contrôlées pour la première fois, 353 (79 %) ont été déclarées conformes (contrôle négatif) car au moins deux des trois APL mesurés dans chacune de celles-ci étaient inférieurs au seuil d'intervention.
42Les observations réalisées depuis 2002 ont permis de cibler les situations (culture/fertilisation) qui engendrent des niveaux de reliquat azoté relativement élevés dans le sol. Ces situations sont susceptibles d’avoir un impact négatif sur la qualité de l’eau qui percole au cours de la période de drainage hivernale (Fonder et al., 2010) ; il faut toutefois relativiser ce risque en fonction de l’importance de la surface occupée par la culture à l’échelle de la masse d’eau susceptible d’être atteinte.
43L’expérience « APL » mise en œuvre en région wallonne depuis 2002 est originale en Europe ; d’autres régions ont des systèmes moins élaborés (Flandre, Bade-Wurtemberg) ou commencent à s’en inspirer (Bretagne, Nord Pas-de-Calais).
44Cette étude reçoit l’appui financier du Service Public de Wallonie (DGO3).
Bibliographie
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Voetnoten
Om dit artikel te citeren:
Over : Christophe Vandenberghe
Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité Systèmes Sol-Eau. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique). E-mail : c.vandenberghe@ulg.ac.be
Over : Marc De Toffoli
Université catholique de Louvain. Earth and Life Institute. Place Croix du Sud, 2 boîte L7.05.26. B-1348 Louvain-la-Neuve (Belgique).
Over : Florent Bachelart
Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité Systèmes Sol-Eau. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).
Over : Olivier Imbrecht
Université catholique de Louvain. Earth and Life Institute. Place Croix du Sud, 2 boîte L7.05.26. B-1348 Louvain-la-Neuve (Belgique).
Over : Richard Lambert
Université catholique de Louvain. Earth and Life Institute. Place Croix du Sud, 2 boîte L7.05.26. B-1348 Louvain-la-Neuve (Belgique).
Over : Jean Marie Marcoen
Univ. Liège - Gembloux Agro-Bio Tech. Unité Systèmes Sol-Eau. Passage des Déportés, 2. B-5030 Gembloux (Belgique).