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- volume 9 (2005)
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Pratique et perception paysannes dans la création de parc agroforestier dans le terroir de Vipalogo (Burkina Faso)
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Reçu le 3 septembre 2004, accepté le 23 mai 2005
Résumé
Pour comprendre les pratiques et les perceptions paysannes dans la création de nouveaux parcs agroforestiers à la suite de jachères, une étude a été entreprise dans le terroir de Vipalogo, au Burkina Faso. Au cours de cette étude, 14 exploitations possédant des jachères et voulant effectuer des défriches ont été identifiées. Sur ces jachères, les espèces ligneuses ont été inventoriées avant et après défriche. Au cours de la défriche, les pratiques sylvicoles ont été notées ainsi que les raisons qui justifient la volonté de conserver ou de détruire l’individu. Il ressort de ce suivi, que du potentiel total en ligneux présent dans la jachère, 11,7 % est conservé donnant une densité de 60 pieds de diamètre supérieur ou égal à 3 cm par hectare. Du point de vue de la diversité, 60 espèces ont été recensées dans les jachères et 41 retenues dans le parc. Les pratiques sylvicoles les plus rencontrées sont la coupe et le brûlis. Les espèces conservées le sont essentiellement pour des raisons alimentaires ou médicinales. Du point de vue de la structure du nouveau parc, il y a une prédominance des individus de petits diamètres, ce qui dénote d’une volonté de rajeunissement du parc. Il y a tout de même la présence de quelques individus de l’ancien parc pour satisfaire les besoins immédiats en fruits, graines et en ombrage.
Abstract
Farmer’s practices and perception in agroforestry park creating in Vipalogo area (Burkina Faso). In order to understand farmers’ practices and perceptions in new agroforestry park creating after fallows, a study has been conducted in Vipalogo area in Burkina Faso. During this study, 14 homesteads including fallows which need to be cleared have been identified. On those fallows, ligneous species have been listed before and after clearing. Sylvicultural practices have been noticed as well as reasons that justify the willingness to preserve or to destroy a species, while clearing. This monitoring has shown that from total ligneous potential in the fallow, 11.7% was preserved, giving a density of 60 plants ha-1. As for diversity, 60 species have been registered in the fallows and 41 kept in the park. Slashing and burning are the main sylvicultural practices applied. The preserved species are essentially for food and local medicines. As for the new Park structure, there is a great dominance of individuals with small diameter, which show the willingness to rejuvenate the Park. Some individuals from the old Park were also preserved to satisfy immediate needs in fruits, seed and shade.
Inhoudstafel
1. Introduction
1Les systèmes de culture au Burkina Faso, pays en partie sahélien à écosystèmes fragiles, sont de type traditionnel avec une faible utilisation d’intrants agricoles. Selon Geny et al. (1992), ces systèmes ne permettent pas de répondre aux besoins des populations et sont grands consommateurs d’espace, du fait de la pratique de la culture itinérante. Aussi, pour contribuer à la gestion des agrosystèmes, les paysans intègrent la pratique de la jachère comme mode de reconstitution de la fertilité des sols. Cette pratique et son importance dans la gestion de la fertilité ont été mises en évidence par plusieurs auteurs dont Deléage (1981), Colinvaux (1982), Lepart et Escarre (1983), Floret et al. (1993), Delcros (1993), Somé (1996), Yaméogo (1997), Achard et al. (2001), Fournier et al. (2001). La reconstitution de la fertilité des sols durant la jachère passe par plusieurs étapes et s’accompagne de changements dans la composition floristique.
2Au cours du processus de mise en jachère, on note une évolution de la végétation tant ligneuse qu’herbacée aussi bien en termes d’abondance que de diversité. Cette abondance et cette diversité conditionnent la remise en culture (Yaméogo, 1997). Le développement de la strate ligneuse constitue, entre autre, un bon indicateur de remise en culture d’une jachère pour les populations locales. C’est de cette strate ligneuse que seront retenues les espèces qui constitueront le futur parc agroforestier, après la pratique de la défriche.
3C’est pour comprendre les pratiques et les perceptions paysannes concernant le choix des espèces ligneuses constitutives du parc, à la suite de la décision de remise en culture des jachères, que la présente étude a été initiée dans le terroir de Vipalogo au Burkina Faso.
2. Matériel et méthodes
2.1. Localisation et caractérisation du site
4Localité à 40 km au sud-ouest de la ville de Ouagadougou (chef-lieu de la province du Kadiogo), Vipalogo se situe sur le plan géographique entre les latitudes 12°04’20’’ et 12°09’30’’ nord et les longitudes 1°42’50’’ et 1°49’00’’ ouest (Figure 1).
5Le terroir de Vipalogo fait partie du grand ensemble généralement appelé “Plateau Central” dont les caractéristiques majeures, selon l’INERA (1994), sont : une forte concentration humaine de 76 habitants au km2, contre une moyenne nationale de 38 habitants au km2 ; une intense occupation et dégradation des terres et des conflits assez fréquents, liés à la compétition pour l’espace entre agriculteurs et éleveurs.
6Du point de vue de la végétation, Vipalogo appartient au domaine phytogéographique nord-soudanien et plus précisément au secteur soudanien septentrional, caractérisé par des savanes arborées et arbustives à Vitellaria paradoxa Gaern.f., Lannea microcarpa Engl. & K. Krause, Parkia biglobosa (Jacq.) Benth., Faidherbia albida Del. ; Tamarindus indica L., etc. (Guinko, 1984). La strate arbustive est représentée par des espèces telles Combretum micranthum G. Don., Combretum glutinosum Perr. ex DC., Guiera senegalensis J.F. Gmel. ; Acacia seyal Del., etc. Le paysage est fortement marqué par l’emprise humaine, illustrée par la présence de savanes parcs et de jachères à karité (Vitellaria paradoxa) et à néré (Parkia biglobosa).
7Le climat est caractérisé par une longue saison sèche de sept mois (de novembre à mai) et une saison pluvieuse de cinq mois (de juin à octobre). La pluviométrie est très variable pouvant aller de 600 mm à 1000 mm avec une moyenne de 761 mm sur les trente dernières années. Les températures moyennes mensuelles connaissent une variation allant de 24 °C à 33 °C. Ces variations pourraient s’expliquer par les changements climatiques de ces dernières années qui selon Somé (1989), ont entraîné un déplacement des isohyètes du nord vers le sud du pays.
2.2. Méthodologie
8Au cours de la campagne agricole 2003, on a identifié 14 producteurs chez lesquels le déroulement des opérations de défriche a fait l’objet de suivi. Au cours de ce suivi, un inventaire floristique a été réalisé pour déterminer les espèces coupées, brûlées ou épargnées. Pour les espèces épargnées, le diamètre du tronc à 1,30 m a été relevé. Pour les espèces coupées, la hauteur de coupe a été relevée et pour les espèces brûlées, le diamètre du tronc à 1,30 m a été mesuré. Seules les espèces dont le diamètre est supérieur ou égal à 3 cm ont fait l’objet de l’inventaire (Ganaba, 1990). Ce diamètre est considéré comme celui à partir duquel l’espèce est en mesure de résister aux feux et à la pression des animaux. Aussi, dans la partie centrale du Burkina soumise à une forte pression anthropique, à partir de ce diamètre l’espèce peut être utilisée comme bois de feu. Les diamètres inférieurs sont considérés comme étant de la régénération. Pour la construction des classes de diamètre, cinq classes de diamètres (d) ont été définies :
9– Classe 1 = 3 cm ≤ d < 10 cm
10– Classe 2 = 10 cm ≤ d < 20 cm
11– Classe 3 = 20 cm ≤ d < 30 cm
12– Classe 4 = 30 cm ≤ d < 40 cm
13– Classe 5 = d ≥ 40 cm
14Afin de connaître les raisons à l’origine des différences dans les modes de gestion, on a procédé à une enquête. Outre les producteurs ayant pratiqué la défriche lors de l’année indiquée, 50 autres producteurs du terroir ont été retenus pour élargir la base de l’enquête. Un questionnaire comportant les aspects suivants a été élaboré et administré :
15– l’identification de l’exploitant avec son statut social ;
16– les méthodes de défriches pratiquées et les raisons ;
17– les critères de sélection des arbres.
18Les données ont été traitées avec les logiciels SPSS et Excel pour faire ressortir les principales espèces rencontrées dans les jachères et celles retenues dans les nouveaux parcs. On a également déterminé l’abondance relative de chaque espèce par rapport à l’ensemble des individus inventoriés ainsi que la densité globale des ligneux des jachères et des nouveaux parcs, afin de mettre en évidence l’importance de la destruction des ressources ligneuses lors de la défriche. L’analyse des données d’enquête a fait ressortir les pratiques sylvicoles et les raisons qui justifient ces pratiques.
3. Résultats
3.1. Résultats du suivi de la défriche
19L’inventaire floristique des jachères des 14 exploitations d’une superficie totale d’environ 10 ha a permis de dénombrer 5184 individus (soit une densité d’environ 518 pieds à l’hectare), répartis en 60 espèces représentant 29 familles dont les plus diversifiées sont les Mimosaceae avec dix espèces, Caesalpiniaceae avec huit espèces, Combretaceae avec sept espèces, Anacardiaceae avec six espèces. Les autres familles sont représentées par deux espèces maximum. Des 60 espèces inventoriées, les 15 espèces les plus abondantes sont consignées dans le tableau 1.
20Les résultats de l’inventaire indiquent que Vitellaria paradoxa est l’espèce la plus abondante (17,4 % des individus inventoriés) suivie de Piliostigma reticulatum (15,1 %), Combretum glutinosum (12,4 %) et Combretum nigricans (6,7 %) (Tableau 1).
21C’est à partir de la végétation ligneuse des jachères que les populations locales construisent le nouveau parc à travers une sélection qui épargne certaines espèces (11,7 %) et conduit à couper une grande majorité (86,7 %) et à en brûler d’autres (1,6 %).
22C’est ainsi que des 60 espèces recensées dans les jachères, 41 ont été retrouvées dans le parc agroforestier. De ces 41 espèces, les 15 les plus représentées sont consignées dans le tableau 2.
23Il ressort de la comparaison des tableaux 1 et 2 que des espèces comme Combretum nigricans, Capparis corymbosa, Feretia apodenthera, Entada africana et Erythrina senegalensis bien représentées dans les jachères deviennent très rares dans le parc créé. Par contre des espèces comme Daniellia oliveri, Sclerocarya birrea, Diospyros mespiliformis, Lannea microcarpa, Tamarindus indica qui ne font pas partie des 15 espèces les plus présentes dans les jachères (Tableau 1), se retrouvent dans le nouveau parc.
24En nombre de pieds conservés, Vitellaria paradoxa occupe la première place avec 270 pieds, suivie de Parkia biglobosa. Cette dernière espèce, présente en effectif réduit dans les jachères, devient la deuxième espèce la plus abondante après la défriche. Après ces deux espèces généralement bien représentées dans les parcs agroforestiers de la zone soudanienne, on constate, dans le cas de Vipalogo, que Balanites aegyptiaca vient en troisième position.
25La répartition des individus en fonction des classes de diamètre a révélé que les sujets de faible diamètre sont préférentiellement coupés. En revanche, les sujets de gros diamètre (diamètre supérieur à 10 cm) ont été plus souvent soumis au brûlis (Figure 2).
26En prenant en considération les 15 principales espèces retenues dans le parc, la répartition par classe de diamètre indique que 97 % des sujets après la défriche ont moins de 20 cm de diamètre à 1,30 m (Tableau 3). Les trois autres classes représentent seulement 3 %.
27Au niveau des espèces, les plus gros diamètres sont rencontrés chez Parkia biglobosa dont 40,5 % des individus épargnés sont dans la classe de plus de 40 cm de diamètre (classe 5) et 21,6 % dans la classe 4. Elle est suivie par Vitellaria paradoxa avec 2,5 % dans la classe supérieure à 40 cm et 1,7 % dans la classe 4 (Tableau 3).
3.2. Jachères et pratiques de la défriche
28L’administration du questionnaire après la pratique de la défriche a permis de recenser les critères de choix des producteurs d’épargner, de couper ou de brûler une espèce donnée.
29Pour ce qui est des arbres épargnés lors de la défriche, on retiendra que de toutes les espèces ligneuses inventoriées dans les jachères suivies, 41 sont épargnées. Pour 82,4 % des enquêtés, les 10 principales espèces épargnées lors des défriches selon les pourcentages de réponses sont : Parkia biglobosa (19,9 %), Vitellaria paradoxa (19 %), Lannea microcarpa (15,5 %), Detarium microcarpum (6,80 %), Tamarindus indica (6,5 %), Bombax costatum Pellegr. & Vuillet (5,1 %), Piliostigma reticulatum (3 %), Diospyros mespiliformis (2,7 %), Securidaca longepedunculata Fres. (2,1 %) et Lannea acida (1,8 %).
30Des raisons qui sous-tendent ce comportement, on retiendra les principales qui sont : la production de fruits comestibles, la pharmacopée, l’ombrage et autres (Figure 3).
31Comme on peut le constater, le choix des espèces à conserver obéit à certains critères dont l’un des plus importants est l’aspect alimentaire.
32Des espèces coupées, 45 sont citées dont les 10 principales, en fonction du pourcentage des réponses, sont : Combretum glutinosum (11,2 %), Piliostigma reticulatum (10,4 %), Guiera senegalensis (10,4 %), Acacia senegal (6,8 %), Burkea africana (5,8 %), Acacia seyal (5 %), Detarium microcarpum (5 %), Anogeissus leiocarpus (DC.) Guill. & Perr. (5 %), Daniellia oliveri (4,3 %) et Cassia siebieriana (2,9 %). Selon les enquêtes faites auprès des producteurs, trois principales raisons expliquent la pratique de la coupe de ces espèces (Figure 4).
33Du point de vue de la pratique, il a été constaté que la coupe ne s’effectuait pas à ras du sol, mais à une certaine hauteur (Photo 1). Pour les producteurs, cette pratique a pour objectif de permettre de disposer de stocks de bois de feu et également d’éviter les blessures pendant les travaux champêtres. Le fait d’utiliser également du matériel rudimentaire (hache, coupe-coupe, etc.) ne permet pas de couper beaucoup plus bas, car cela rendrait le travail beaucoup plus pénible.
34Pour ce qui concerne les espèces brûlées, 34 sont concernées dont les 10 principales selon les pourcentages de réponses sont : Vitellaria paradoxa (19,2 %), Parkia biglobosa (18 %), Lannea microcarpa (11,8 %), Anogeissus leiocarpus (9,4 %), Burkea africana (5,9 %), Sclerocarya birrea (3,5 %), Acacia seyal (1,7 %), Detarium microcarpum (2,7 %), Acacia senegal (L.) Willd. (2,7 %) et Bombax costatum (2,4 %). La photo 2 montre un karité (Vitellaria paradoxa) brûlé.
35Trois principales explications sont données par les producteurs pour le choix des espèces à brûler (Figure 5).
36D’une manière générale, que ce soit pour la coupe ou le brûlis, le fait que l’arbre ne produise pas ou plus de fruits comestibles est la principale raison de sa destruction. A cela il faut ajouter la volonté de réduire l’effet de l’ombrage sur les cultures. Dans le cas de la pratique du brûlis, le fait que le tronc soit gros et dur, constitue également une raison. Cela se comprend au vu du matériel généralement utilisé pour la coupe.
4. Discussion
37Sur l’ensemble des jachères suivies, soit une superficie totale de 10 ha, on a dénombré 5184 pieds, ce qui donne une densité d’environ 518 pieds de diamètre supérieur ou égal à 3 cm à l’hectare. L’ensemble de ces individus représente 60 espèces réparties dans 29 familles. La jachère permet un bon développement des espèces tant du point de vue de la diversité que celui du nombre. Cette observation est conforme à celle faite par Goudet (1985), Fairhead et Leach in Ribot (2001). Ces auteurs font état d’une forte régénération ligneuse à la suite de la jachère agricole en zone soudanienne. En prenant en considération les espèces, on constate que Vitellaria paradoxa présente le plus fort taux avec 17,4 % de représentativité, comme le montre le tableau 1. L’abondance de cette espèce dans les jachères est à mettre en relation avec les résultats des travaux de Ouédraogo et Devineau (1996) qui ont montré que la mise en jachère favorise la régénération de cette espèce en zone soudanienne.
38Sur la base des six premières espèces en nombre recensées dans les jachères, on constate une forte représentativité des Combretaceae (19,1 %) qui dénote une forte anthropisation et une dégradation du milieu selon Devineau et al. (1997).
39Au regard de l’abondance et de la diversité floristiques constatées, on peut dire que les jachères ayant fait l’objet de la défriche, remplissaient les conditions pour une remise en culture. En effet, l’importance de la végétation ligneuse est un indicateur de reprise de fertilité en milieu paysan, selon Floret et al. (1993), Somé (1996) et Yaméogo (1997).
40Avec l’opération de défriche pour la création de nouveaux champs, 11,7 % des espèces, soit 604 pieds, ont été conservées pour constituer le parc agroforestier, ce qui donne une densité moyenne d’environ 60 pieds à l’hectare, ce qui est nettement inférieur à la densité trouvée dans la jachère. Cette densité est toutefois supérieure à celle trouvée par Traoré (2000) dans les anciens champs de brousse du même terroir. Elle est également supérieure à celles trouvées dans d’autres études effectuées dans la même zone agro-écologique : Kessler, Boni, (1988), Yélémou (1993), Yaméogo, Nikiéma (1995). Outre la volonté du producteur qui conditionne le choix et la densité, on peut dire que les actions de sensibilisation des services forestiers pour la pratique de la régénération naturelle assistée ont eu un effet sur les producteurs. En plus de Vitellaria paradoxa et Parkia biglobosa, qui sont les espèces dominantes du parc, on constate que les producteurs portent un intérêt à des espèces comme Balanites aegyptiaca qui occupe la troisième place. Cela pourrait s’expliquer par le fait que Balanites aegyptiaca est une espèce fourragère dont les feuilles servent également à l’alimentation humaine. Par ailleurs ses fruits sont récoltés, consommés ou vendus.
41En faisant un parallèle entre les diamètres des individus rencontrés dans les jachères et ceux des individus retenus dans le parc, on constate que la forte représentativité des espèces de petit diamètre dans le nouveau parc est liée à leur nombre élevé dans la jachère. A cela, il convient d’ajouter la volonté de rajeunissement du parc par les producteurs, sauf dans le cas de Parkia biglobosa, où les individus à gros diamètre sont plus représentés que ceux à petit diamètre. Cela peut s’expliquer par le fait que la régénération de cette espèce se fait par graine, alors que les graines constituent une source importante de revenus pour les populations. Ces graines peuvent être transformées et utilisées comme condiment dans l’alimentation. De ce fait, les graines sont systématiquement récoltées et exportées hors du champ. Le karité, bien que présentant des intérêts économiques et alimentaires, ne bénéficie pas de la même attention de la part des producteurs que le néré. En effet, pendant que les fruits de karité peuvent être ramassés et consommés et les noix jetées dans la nature par toute personne, cela n’est pas le cas pour le néré où la notion de propriété des pieds est très prononcée même dans les jachères. Seuls les propriétaires y ont accès. Les espèces à gros diamètre sont celles de l’ancien parc, épargnées pour la production immédiate de fruits et également pour les besoins d’ombrage. Toutefois il convient de noter que la pratique du brûlis a concerné des espèces de diamètre supérieur à 40 cm et cela à cause de la pénibilité de l’élimination de ces individus par la coupe.
42La concordance entre la perception paysanne et les pratiques sylvicoles dans le parc a révélé que les espèces pouvant contribuer à la satisfaction des besoins alimentaires étaient les plus privilégiées. Cela est confirmé par les raisons évoquées pour conserver, couper et brûler. A cela il convient d’ajouter les besoins en produits de la pharmacopée, alors que la recherche de bois d’œuvre et de service justifie la présence dans le parc de certaines espèces telles que Acacia seyal, Daniellia oliveri et Diospyros mespilliformis.
5. Conclusion
43Sur le terroir de Vipalogo, la jachère est pratiquée depuis longtemps par les producteurs comme solution à la baisse des rendements. Le choix des espèces végétales à conserver, couper ou brûler obéit à certaines logiques paysannes. Des espèces présentant un intérêt économique et/ou social sont privilégiées. C’est le cas des espèces telles que : Vitellaria paradoxa, Parkia biglobosa, Lannea microcarpa, Tamarindus indica. Les densités relatives de ces espèces dans le nouveau parc sont supérieures aux anciennes et de plus on note l’apparition dans le parc de certaines espèces comme Balanites aegyptiaca dans de fortes proportions.
44Les pratiques sylvicoles sont la coupe et le brûlis. La coupe est plus souvent pratiquée sur les individus de petit diamètre et le brûlis sur les individus de gros diamètre. Il est à noter que cette dernière pratique s’effectue sur les pieds dont on ne souhaite plus la régénération. La densité du parc est donc régulée en fonction des besoins des producteurs en produits alimentaires ou de pharmacopée. L’utilisation des pratiques sylvicoles est fonction d’un certain nombre de facteurs dont l’effort physique à fournir, l’effet sur les cultures, la volonté ou non de voir le pied émettre des rejets et les matériels de coupe généralement utilisés qui sont le coupe-coupe et la hache.
45Le nouveau parc constitué est marqué par la prédominance de la strate arbustive ; les vieux pieds non productifs étant en grande majorité détruits par le feu. Cela dénote une certaine volonté de la part des producteurs de rajeunir le parc.
46La présente étude a permis de suivre et de comprendre les pratiques paysannes dans la création d’un parc agroforestier à partir d’une vieille jachère. Elle a mis en évidence les espèces retenues ainsi que les pratiques sylvicoles utilisées en fonction des objectifs recherchés. Il serait toutefois souhaitable de suivre l’évolution de ces nouveaux parcs afin d’étudier les pratiques sylvicoles appliquées aux arbres épargnés, cela au regard de la densité existante dans les anciens parcs. Ce suivi permettra de mieux comprendre la gestion du parc par les producteurs et par conséquent de faire des propositions qui tiendront compte de la productivité des cultures et de la contribution du parc à la satisfaction des besoins alimentaires, en ressources ligneuses et en pharmacopée. Une bonne gestion du parc agroforestier pourrait contribuer à une meilleure gestion des ressources forestières dans la mesure où le champ, tout en contribuant à la satisfaction des besoins alimentaires, peut être le lieu de production de la plupart du bois utilisé dans l’exploitation.
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